Intervention de Philippe Bas

Réunion du 5 mai 2020 à 21h30
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Article 6, amendement 153

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

L’amendement n° 153, présenté par M. Ouzoulias, a fait l’objet d’un avis défavorable.

En effet, le régime des maladies à déclaration obligatoire a un fondement juridique qui se révèle à l’examen inapproprié pour ce que nous avons besoin de faire : remonter la filière des contaminations pour le Covid-19. C’est un système assez artisanal. Normalement, les informations sont anonymes. En fait, elles ne le sont pas, car aucun système d’information numérisé n’a été mis en place. Comme il s’agit de maladies qui, fort heureusement, surviennent assez rarement, il n’est pas nécessaire d’instituer un dispositif de gestion de santé publique à grande échelle.

Dès lors, il ne serait ni opérationnel d’un point de vue juridique ni à l’échelle du problème auquel nous sommes confrontés de nous raccrocher à ce système préexistant, même si celui-ci a tout de même le mérite de montrer que nous savons remonter des filières de contamination ; nous avons une expérience pratique en la matière.

D’ailleurs, et nous en discuterons avec le président de la commission des affaires sociales, il y aurait peut-être des initiatives parlementaires à prendre pour améliorer le régime des maladies à déclaration obligatoire, qui a besoin d’un certain toilettage si nous voulons qu’il fonctionne correctement.

Monsieur Bonnecarrère, je suis d’accord avec vous : il serait utile de créer un fichier anonyme à finalité épidémiologique. Le Sénat pourrait, me semble-t-il, suggérer cette bonne idée au Gouvernement. Mais il ne saurait s’agir d’un substitut à un système d’information permettant de remonter les filières de contamination. Faire reposer un tel système sur des données anonymes conduirait immédiatement, vous le voyez bien, à une impasse. C’est absolument impossible ! Il y a précisément besoin que les données soient nominatives. Il s’agit de rechercher des personnes, et non un pseudonyme ou un numéro, que l’on va appeler par téléphone et guider dans un parcours allant du dépistage jusque, le cas échéant, aux soins. L’idée est que des individus ayant été exposés au virus n’en contaminent pas d’autres.

Au fond, le débat que vous ouvrez est distinct de l’objet du projet de loi, même s’il est intéressant. Je pense que nous avons effectivement tout intérêt à développer la recherche épidémiologique sur la base de données anonymisées pour le Covid-19. J’imagine d’ailleurs que nous ne devons pas être les premiers à avoir eu cette idée. Je ne veux pas croire que le ministère des solidarités et de la santé ne dispose pas déjà d’une force de frappe épidémiologique permettant de mieux connaître le virus, à travers l’examen de la situation médicale d’échantillons suffisamment nombreux de porteurs du virus et de patients.

En tout état de cause, cher Philippe Bonnecarrère, ce ne peut pas être un substitut à ce que nous mettons en place dans l’objectif, tout aussi souhaitable, de découvrir les filières de contamination. De très nombreux agents de l’assurance maladie seront mobilisés. Ils prendront le relais des médecins généralistes, dont ce n’est pas le métier et qui n’auront de toute manière pas assez de temps.

C’est la raison pour laquelle je suis au regret d’émettre, au nom de la commission, un avis défavorable sur votre amendement, tout en considérant que vous faites bien de soulever un tel problème.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion