Le bureau exécutif de La République En Marche s’est fendu hier d’une saillie peut-être habituelle dans cette formation politique en regrettant « la démarche irresponsable qui a conduit une majorité de sénateurs à ne pas voter en faveur de la déclaration du Premier ministre plaçant la logique politicienne avant l’intérêt supérieur du pays. »
Il est rare en politique de citer les propos de ses adversaires, mais c’est une telle caricature, tant sur le fond que sur la forme, à l’encontre de notre assemblée parlementaire que je voulais le faire.
En réalité, il est irresponsable dans notre démocratie, dans un État de droit, de considérer la contradiction démocratique comme un danger pour le bon fonctionnement de la Nation. Il s’agit d’une vision autoritaire d’un pouvoir qui un jour connaîtra l’opposition.
Oui, nous revendiquons nous être opposés hier en tant que lanceurs d’alerte sur la gestion globale de cette crise sanitaire et sur la stratégie de déconfinement. C’est notre droit, tout comme de déposer des amendements, dont certains ont obtenu des votes positifs, y compris encore ce soir, sur le texte initialement présenté par le Gouvernement.
Nous sommes globalement favorables à la prolongation de l’état d’urgence sanitaire, en responsabilité. Monsieur le ministre, la délégation de pouvoir que nous lui avons donnée par la loi du 23 mars dernier a permis au Gouvernement de prendre 55 ordonnances dans des domaines relevant logiquement du champ de l’article 34 de la Constitution. C’est du jamais vu sous la Ve République ! Nous avons donc pris nos responsabilités en vous accordant ce pouvoir qui pourrait être considéré dans d’autres Républiques comme exorbitant du droit commun.
Mais nous avons mis un point d’arrêt ce soir à ce qui aurait pu devenir une véritable dérive institutionnelle si nous vous avions donné une nouvelle fois une habilitation pour prendre par ordonnances, dans le cadre de l’article 6, de nouvelles mesures.
Nous avons apprécié l’adoption de l’amendement de Mme Rossignol relatif aux violences familiales, l’encadrement du suivi épidémiologique, même si certains membres de mon groupe, dont je suis, l’auraient voulu encore plus fort, l’étanchéité du système d’information avec l’éventuel StopCovid, monstre du Loch Ness, mais qui en train de montrer de plus en plus sa tête au-dessus du lac.
Nous avons aussi apprécié la protection des employeurs du secteur public résultant des travaux de la commission des lois à l’égard de démarches judiciaires à leur encontre, lesquels vont être surexposés dans les semaines à venir et méritaient donc une prise en considération spécifique. Et ce n’est pas du corporatisme ; c’est simplement du bon sens.
Nous avons également apprécié le rejet de l’amendement n° 206, présenté subrepticement par le Gouvernement.
Mais nous regrettons l’absence totale, dans le projet de loi initial comme dans le texte issu des travaux du Sénat, d’anticipation de l’urgence sociale qui va malheureusement suivre l’urgence sanitaire et qui va marquer le déconfinement de milliers, de dizaines de milliers, voire de millions de Français. Cela va mettre en péril la confiance des Français dans le cadre de ce déconfinement.
En responsabilité et avant le probable recours que nous porterons devant le Conseil constitutionnel, dans son immense majorité, le groupe socialiste et républicain s’abstiendra sur ce texte.