Intervention de Philippe Bas

Réunion du 4 mai 2020 à 14h30
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

La Constitution prévoit ces débats et ces votes. Ils sont nécessaires !

Si le Gouvernement l’a organisé, c’est parce que nous le lui avons demandé. Je crois que nous avons bien fait. Il a d’ailleurs oublié de nous en remercier. En effet, le Gouvernement a pu trouver au Parlement le moyen de s’exprimer davantage devant les Français, même s’il reste, de notre point de vue, un certain nombre de zones d’ombre entourant la journée du lundi 11 mai.

Monsieur le ministre, vous nous présentez aujourd’hui ce texte. Je veux d’emblée dissiper toute ambiguïté pour nos collègues qui ne siègent ni à la commission des lois ni à la commission des affaires sociales, lesquelles ont déjà examiné ce projet de loi. Ils doivent savoir que ce texte n’est pas la traduction en forme de loi du plan de déconfinement du Gouvernement. Il comporte des mesures certes importantes, mais elles sont ponctuelles. J’ai proposé à la commission des lois de les adopter, moyennant un grand nombre de modifications, dont certaines, très importantes, nous ont été inspirées par la commission des affaires sociales. Le président Milon s’exprimera dans un instant sur ces propositions.

Ce texte comporte – dans la mesure où nous sommes dans la discussion générale, je vais me cantonner aux généralités – des mesures d’aménagement du régime de la quarantaine. Un tel régime existe depuis la nuit des temps : il est déjà dans le code de la santé publique. Vous en faites un usage particulier. Nous avons inscrit des garanties supplémentaires. Je rappelle que c’est surtout pour les outre-mer que vous avez besoin de ces mesures de quarantaine, même si elles peuvent s’appliquer à d’autres circonstances lors de l’entrée sur le territoire national. Nos îles ont besoin d’être protégées, car, si le virus venait à se répandre sur leur territoire, le danger serait grand que l’on ne puisse pas bien soigner les gens comme on peut le faire sur le continent.

À côté des mesures de quarantaine, il y a des mesures qui relèvent du système d’information que vous voulez mettre en place. Ne nous arrêtons pas trop sur le système d’information, car, ce qui est important, c’est ce que vous voulez en faire.

Nous sommes majoritairement d’accord avec la finalité que vous avez retenue. Quelle est-elle ? Il s’agit de remonter les filières de contamination. À un malade ou à quelqu’un qui s’est révélé porteur du virus, il importe de demander qui il a rencontré, dans le but de protéger ces personnes. Ensuite, celles-ci vont devoir être contactées pour faire un test dans les vingt-quatre heures ; le cas échéant, on leur demandera d’accepter de se mettre en quatorzaine pour ne pas courir le risque de contaminer autrui.

Nos compatriotes, qui sont de bons citoyens – ils l’ont prouvé pendant le confinement –, devront respecter ces prescriptions, bien sûr, mais vous ne pouvez pas mettre en place une telle organisation sans un système d’information. L’idéal eût été que ce système d’information soit exclusivement alimenté par des médecins sur la base d’un accord avec le patient, mais c’est inconcevable : il n’y aura jamais assez de médecins pour contacter chaque semaine – je reprends le chiffre du Premier ministre, qui est une évaluation dont je ne connais pas l’exactitude, mais qui donne quand même un ordre de grandeur – plus de 500 000 personnes. Le Premier ministre se dit même prêt à mettre en œuvre 700 000 tests hebdomadaires. Vous ne pouvez pas matériellement organiser cela uniquement avec des médecins qui signalent ce qu’on appelle, dans le jargon de la santé publique, des cas contacts. Il faut obligatoirement passer à une échelle supérieure.

Nous n’aimons pas ce système ; je n’ai rencontré personne au Sénat qui aimait ce système. Pourtant, bien que nous ne l’aimions pas, nous avons accepté en commission des lois de le mettre en place, mais à une condition majeure : le Gouvernement doit accepter un certain nombre de garanties supplémentaires, sur le détail desquelles je ne m’attarde pas maintenant, car nous aurons largement le temps de le faire tout à l’heure.

Enfin, je dois vous dire que nous avons buté sur un petit abcès de fixation dans nos travaux. Je ne veux pas l’exagérer, mais vous voyez bien que, finalement, le confinement est plus facile que le déconfinement.

Le confinement, c’est une règle applicable à tous, sur tout le territoire national : vous n’avez pas le droit de sortir de chez vous, sauf dérogations pour lesquelles vous devez remplir vous-même une attestation, qui pourra être contrôlée. Les contrôles ont d’ailleurs été massifs, comme la commission des lois a pu le vérifier.

Le déconfinement, c’est une multitude de situations qu’il va falloir régir : dans les transports, dans les écoles, dans les entreprises, dans les administrations et même dans les rues. Cela crée naturellement des difficultés.

Le Gouvernement a raison de souligner l’importance des gestes barrières, mais il est également important que les masques soient accessibles aussi massivement que possible. D’ailleurs, spontanément, les Français veulent en porter. Vous pouvez le vérifier tous les jours.

Par ailleurs, nous avons besoin qu’il y ait le moins possible de gens libérés du confinement sur les lieux de travail, dans les transports en commun ou dans la rue, car il y aura toujours, malgré les gestes barrières et les masques, des risques de contamination.

Ainsi, au moment du déconfinement, ce n’est plus l’État qui va dire : « À mes ordres, adoptez le comportement de confinement ! » Ce sont des dizaines de milliers de personnes, qui, chaque jour, vont prendre des décisions. Parmi elles, il y aura des maires, des présidents de grandes collectivités et leurs collaborateurs ; il y aura aussi des chefs d’entreprise. Ces personnes vont prendre des risques dans l’organisation du travail ; elles vont prendre des risques pour le bon accueil des enfants à l’école. Nous voulons permettre à ces décideurs de prendre ces risques sans s’exposer au danger d’une incrimination trop aisée.

Nous avons modifié l’article 1er, non seulement pour vous demander de revenir nous voir plus tôt que vous ne l’aviez prévu si vous voulez prolonger l’état d’urgence, mais aussi pour exiger un aménagement temporaire de la mise en œuvre de la responsabilité pénale de tous ceux qui vont avoir à prendre des risques raisonnés pour permettre au déconfinement progressif de réussir. Nous sommes mobilisés pour réussir le déconfinement, mais pas sans garanties.

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