Intervention de Alain Richard

Réunion du 4 mai 2020 à 14h30
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Avec cette discussion, nous sommes face à un ensemble d’enjeux vitaux. D’un côté, le temps de la vie doit reprendre, qu’il s’agisse de la vie éducative, familiale et amicale, du redéploiement de l’activité, de la création de richesses ou de la consolidation des emplois. De l’autre, les décisions que le Gouvernement va prendre avec notre accord mettent en jeu des milliers de vies.

On a avancé, avec de vrais arguments, que le confinement avait épargné des dizaines de milliers de vies. Si nous nous trompons, si nous choisissons mal les cibles et les méthodes d’encadrement pour les prochains mois, nous risquons de nouveau de créer des drames. Nous voulons bien sûr les éviter. Il faut donc continuer à agir pour faire barrage à la contagion.

Nous engageons un programme regroupant de multiples actions publiques soutenues par un dialogue permanent et par un grand nombre de partenariats indispensables. Depuis des semaines, le Gouvernement mène, à cette fin, un travail intensif, auquel le Parlement est fortement associé. Nos deux débats d’aujourd’hui en témoignent ; viendront ensuite nos missions de suivi, grâce auxquelles nous pourrons nous assurer que le bon cadre a été choisi.

La reprise de l’activité scolaire va s’engager dans une semaine. Il s’agit, là aussi, d’un moment de réunion de volontés. La rapidité de cette remise en route scolaire, décidée il y a trois semaines par le Président de la République, provoque des débats souvent intenses, traduisant parfois un certain malaise. C’est difficile – nous en convenons tous –, mais il fallait commencer. Nous le savons bien, huit ou quinze jours de plus n’auraient rien changé aux problèmes.

Un esprit constructif se manifeste dans la plupart de nos communes, dans la plupart de nos équipes enseignantes. Il faut l’encourager, afin qu’il l’emporte, même si la progressivité de la reprise scolaire est indispensable au succès futur de nos enfants et à l’équilibre des familles.

Bien sûr, ce travail pose la question de l’élargissement de la protection de nos collègues élus locaux et des autres responsables publics, étant donné la responsabilité légale qu’ils engagent par leurs actes.

Le cadre légal de base est clairement satisfaisant. En cas de simple négligence ou de simple ignorance, la loi Fauchon et la jurisprudence permettent déjà d’éviter que la responsabilité ne soit mise en jeu. Néanmoins, nous souhaitons très majoritairement compléter le code pénal et la jurisprudence à cet égard, et je crois que nous trouverons la bonne solution.

En parallèle, ce projet de loi comporte deux dispositions particulières : la précision des mesures d’encadrement individuel et le système d’information.

M. Bas l’a déjà indiqué, les mesures d’encadrement individuel, de tradition très ancienne, sont nécessaires pour éviter la diffusion du virus. Elles se limitent pour l’instant à la quarantaine extérieure, qui semble faire l’objet d’un consensus.

Comme l’a rappelé M. Milon, s’y ajoute le contrôle, même incomplet, des citoyens réfractaires, contrevenant aux mesures de précaution. Ce choix est en débat. Notre groupe, comme d’autres, sera probablement partagé. À titre personnel, j’ai vraiment la conviction qu’il faut une méthode, au moins partielle, de contrôle des individus défiant les obligations de protection d’autrui : c’est une question de cohésion sociale.

Au sujet du système d’information, Philippe Bas a également été d’une grande clarté. Il a d’ailleurs mobilisé son expérience d’ancien ministre de la santé. La nécessité d’un tel dispositif est évidente ; il reprend des usages prévus de longue date par le code de la santé publique. Habituellement, ces derniers s’appliquent à des contagions de moindre ampleur ; nous sommes face à un changement d’échelle, mais, précisément, l’ampleur et la vigueur de la contagion justifient de légiférer.

Mes chers collègues, nous le savons tous, légiférer n’est pas facile, compte tenu de la confrontation inévitable entre les intérêts publics et des intérêts privés légitimes. Toutefois, j’en suis convaincu, et, à cet égard, notre groupe sera unanime, il faut soutenir ce système d’information, étape clé de la réussite du déconfinement.

La prolongation de l’état d’urgence sanitaire, de deux mois ou d’un mois et demi, qui va de pair avec l’élargissement de la liberté de mouvement, va supposer de réviser une série de mesures prises au titre de la loi du 23 mars dernier ou des ordonnances successives. Ces mesures découlaient du confinement complet. Ainsi, comme l’a relevé M. le rapporteur, un certain nombre de reports de délais de procédure ou de décision ne se justifient plus dans cette seconde période. Il faudra donc procéder à un toilettage, en particulier dans la réorganisation décidée en mars des procédures et des processus administratifs. Les services publics doivent reprendre, et il faut tout faire en ce sens.

Monsieur Retailleau – je suis heureux que vous soyez revenu en séance –, vous nous avez annoncé votre intention de saisir le Conseil constitutionnel de ces dispositions. Permettez-moi de m’en réjouir ! Bien entendu, ce débat s’inscrit également dans un contexte de combat politique. Durant toute ma vie législative, j’ai entendu des annonces – j’en ai même parfois prononcé – de saisine du Conseil constitutionnel par volonté d’opposition. Mais, une fois que le Conseil constitutionnel a tranché, la vérité juridique est dite et, en conséquence, la sécurité de nos lois est assurée.

Cette saisine rendra donc service à tout le monde. Nous n’avons pas pu y recourir pour la première loi, car nous voulions qu’elle entre en vigueur tout de suite ; mais cette fois nous disposons d’un petit délai, et nous pourrons apporter cette sécurité, qui conforte notre volonté commune de soutenir le rétablissement de la vie de la Nation.

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