Intervention de Philippe Bas

Réunion du 4 mai 2020 à 22h00
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Article 2

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Quand quelqu’un se voit recommander, par un médecin ou par la plateforme de l’assurance maladie, de rester chez lui, ni la police ni la gendarmerie n’en sont évidemment informées. Personne donc ne le sait, à part l’intéressé et la personne qui a prescrit l’isolement.

De surcroît, dans la plupart des cas, la personne concernée ne sera pas un malade : elle aura simplement approché un individu porteur du virus. Si elle ne respecte pas la consigne de quatorzaine, qui le saura, puisque seuls un correspondant téléphonique de l’assurance maladie ou, éventuellement, le médecin de famille sont informés de l’existence de cette consigne ? Pour identifier un récalcitrant, encore faut-il que quelqu’un puisse le dénoncer. Mme Deroche nous dit que ce sera le médecin, mais comment saurait-il que son patient ne respecte pas la consigne, sauf à le croiser chez le boulanger ? Les médecins sont très occupés !

Cela peut procurer une satisfaction morale de se dire que l’on a créé une obligation, mais cette obligation restera lettre morte s’il n’existe pas la moindre procédure permettant d’identifier ceux qui ne respecteraient pas une consigne de quatorzaine dont personne n’est informé ! Vous aurez voté un système de contrainte, mais il sera impossible de le mettre en œuvre. Les prescriptions de quatorzaine seront généralement données par une plateforme de l’assurance maladie qui aura mené à distance des investigations sur les vingt-cinq personnes ayant été en contact avec un individu testé positif : force est de reconnaître qu’il n’existe pas de moyen de contraindre à les respecter. J’ajoute qu’il n’est nullement prévu que l’assurance maladie ouvre ses fichiers à la gendarmerie ou à la police. Si vous faisiez une telle proposition pour assurer le bouclage de votre dispositif, la majeure partie de nos collègues sénateurs et des députés la rejetterait.

Le dispositif de cet amendement est juste sur le plan moral, mais inefficace sur le plan de l’organisation pratique. Eu égard à l’impossibilité de le mettre en œuvre, mieux vaut s’en tenir à ce que le Gouvernement et la commission des lois proposent. À défaut, nous n’irons nulle part. Je tenais à le dire.

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