Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous exprimer, comme d’autres ont déjà eu l’occasion de le faire, notamment les soignants eux-mêmes, le trouble que j’ai ressenti à la lecture de la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui.
En premier lieu, j’ai ressenti un trouble sur la forme du dispositif que le Gouvernement paraît si pressé de faire voter. Comme l’a décrit notre rapporteure, dont je tiens à saluer le travail de précision et de clarification, ce texte n’était ni abouti ni applicable en l’état. Il était même si bancal qu’elle a été conduite à remplacer le don de jours de repos par un mécanisme de don, par le salarié, d’une partie de sa rémunération.
Passons sur le message qui ressortait en filigrane dans son ancienne version, à savoir que les Français auraient trop de vacances, peut-être même que le confinement pouvait être considéré comme des jours de repos, alors qu’en réalité les salariés ont parfois été obligés de poser des jours de congé pendant le confinement.
L’important travail de réécriture a permis des avancées, comme le fait d’adosser au dispositif un fonds pouvant être abondé par des dons volontaires de toute personne physique ou morale. Cela dit, la portée de ce complément est limitée par l’absence d’incitation fiscale. L’introduction d’une limite dans le temps est une autre avancée. Elle permettra de connaître la somme collectée pour ensuite la répartir au prorata de la masse salariale, par les structures concernées.
Néanmoins, ces améliorations ne peuvent pallier les nombreux écueils de ce texte. Ainsi, la question de savoir qui en seront les bénéficiaires reste entière et gêne profondément, y compris dans les rangs des soignants. Dans le train de six heures du matin, cela a été rappelé, ces derniers étaient aux côtés des caissiers, des livreurs, des éboueurs, des agents du service public…
Quand ils s’opposent à ce dispositif, les soignants se montrent, eux, solidaires de toutes celles et tous ceux qui étaient en première ligne. Ils refusent de fragmenter un peu plus la société. Est-ce l’heure de telles réponses fractionnées qui opposent nos concitoyens les uns aux autres, madame la ministre ?
De plus, faute de données sur le nombre de bénéficiaires éligibles et d’évaluation des montants qui pourraient être collectés, il n’est pas exclu que les sommes à redistribuer soient en réalité assez faibles. Nous sommes donc invités à voter un texte pour lequel le Gouvernement a acté la procédure accélérée, qui mobilisera l’administration pour que les décrets soient publiés dans de très brefs délais, et sur lequel nous avons de sérieux doutes du point de vue opérationnel : atteindra-t-il ses objectifs, d’autant que le contexte de crise économique et sociale entraîne un appauvrissement certain de la population ?
Rappelons que plus d’un tiers des salariés sont encore au chômage partiel et que, si l’on en croit le ministre de l’action et des comptes publics au micro d’une antenne hier matin, l’indemnisation des salariés devrait passer de 70 % à 60 % du salaire brut.