Intervention de Muriel Jourda

Réunion du 22 juin 2020 à 17h00
Sortie de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo de Muriel JourdaMuriel Jourda :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, ce texte s’inscrit dans la droite ligne des deux lois que nous avons précédemment votées dans le cadre de cette épidémie de Covid-19 : la loi du 23 mars 2020 et la loi du 11 mai 2020.

Ces deux textes avaient notamment pour objet de donner au Gouvernement des prérogatives lui permettant de prendre des mesures adaptées à la gravité de la situation sanitaire que nous connaissions, en raison de la propagation du virus.

La loi du 23 mars 2020, sorte de texte inaugural de cette crise sanitaire, lui a effectivement accordé des prérogatives relativement nombreuses.

Le second texte, la loi du 11 mai 2020, prenait acte d’une amélioration de la situation sanitaire et facilitait ce que l’on a appelé le « déconfinement », c’est-à-dire le desserrement progressif des restrictions appliquées à notre vie quotidienne.

Ce desserrement, vous vous en souviendrez, a été dans un premier temps différencié selon les territoires, certains départements étant classés en vert, rouge ou orange – c’est peut-être encore d’actualité… –, et vous vous rappellerez aussi que les libertés ont pu être progressivement rétablies, suivant la chronologie de l’évolution de l’état sanitaire.

L’école offre, à mon sens, le meilleur exemple de tout cela. Tout d’abord interdite, elle a ensuite été autorisée avec un protocole sanitaire assez resserré. Désormais, elle est autorisée par principe, donc plus que largement, avec un protocole sanitaire extrêmement léger.

Le texte que nous examinons aujourd’hui a pour objet de prendre acte du fait que la situation sanitaire s’est encore très nettement améliorée – sauf, malheureusement, pour nos concitoyens de Guyane et de Mayotte, toujours soumis à des dispositions particulières –, et cela en dépit du déconfinement, qui aurait pu, on le sait, l’aggraver. Néanmoins, cette situation sanitaire peut à tout moment se détériorer.

Pour éclairer précisément l’objet du présent texte, je reprendrai un extrait de l’exposé des motifs accompagnant le projet de loi du Gouvernement :

« Pour respecter les principes de nécessité et de proportionnalité fixés par le législateur pour recourir à l’état d’urgence sanitaire, le moment est venu d’ouvrir un nouveau cycle dans la gestion de l’épidémie de Covid-19, qui permette tout à la fois de répondre à l’aspiration collective au rétablissement du droit commun et de garder la capacité d’agir rapidement face à une éventuelle dégradation de la situation sanitaire, à plus forte raison pendant la période estivale ».

J’avoue que je n’enlèverai pas une virgule à cette phrase ! C’est exactement ce que l’on souhaite faire au travers de ce texte, et c’est, me semble-t-il, parfaitement proportionné à la situation sanitaire actuelle !

Toutefois, ce qui est dit n’est pas ce qui est fait… Dans le texte, en effet, nous sortons de l’état d’urgence sanitaire – comment pourrions-nous y rester, dès lors que l’état d’urgence sanitaire se définit comme « un état de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population » ? –, mais le Gouvernement ne demande rien de plus que le maintien du régime d’état d’urgence sanitaire !

Plusieurs mesures ont été citées : possibilité d’interdiction de circulation pour les personnes et véhicules ; possibilité de fermeture des établissements recevant du public ; interdiction des rassemblements sur la voie publique, ainsi que des réunions de toute nature.

Voilà des atteintes relativement fortes aux libertés, qui, en plus, viennent s’ajouter aux dispositions auxquelles il est également fait référence dans l’exposé des motifs et dont il a souvent été question : celles de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique. Cet article permet aux membres du Gouvernement, notamment au ministre de la santé, de prendre des mesures assez larges dans une situation de « menaces sanitaires », pour reprendre le titre de ce chapitre du code.

En résumé, il nous était demandé, dans le projet de loi initial du Gouvernement, de reconduire de quatre mois, alors que la situation sanitaire est en très nette amélioration, des mesures prises au plus fort de la crise sanitaire pour une durée de deux mois !

La commission des lois n’a pas permis qu’il en soit ainsi, et mon groupe s’alignera sur sa position. En effet, elle a mis en œuvre ce que décrivait le Gouvernement dans son exposé des motifs, c’est-à-dire une sortie graduelle de l’état d’urgence, au travers de mesures certes nécessaires, mais aussi proportionnées à l’état sanitaire du pays, sans omettre une possibilité de retour en arrière si cet état sanitaire venait subitement à s’aggraver.

Comment tout cela est-il inscrit dans la position de la commission des lois ?

Tout d’abord, en lieu et place des interdictions, nous nous contentons de réglementations, ce qui est tout de même sensiblement différent, contrairement à ce que j’ai pu entendre.

Ensuite, nous rétablissons le principe de la liberté, qui doit rester le principe en droit français, et ce n’est que par exception qu’une réglementation – non une interdiction – peut intervenir. S’agissant du droit de manifester, nous rétablissons une liberté totale, en tout cas telle qu’elle existe aujourd’hui. Cela doit être suffisant pour faire face à une situation sanitaire très nettement améliorée.

Néanmoins, qu’en sera-t-il, me demanderez-vous, si, comme c’est possible, la situation se dégrade ? En effet, nous partageons le constat dressé, toujours dans l’exposé des motifs, selon lequel la situation est fragile et pourrait s’aggraver, avec une résurgence de l’épidémie.

Dans une telle hypothèse, le Gouvernement pourrait tout d’abord invoquer les dispositions de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique, qui a été aménagé pour le sécuriser, me semble-t-il, par la commission des lois et qui confère au Gouvernement, en particulier au ministre de la santé publique, des pouvoirs relativement vastes en termes de restrictions de libertés.

Cette possibilité de restriction ne devant pas être du ressort du ministre de la santé – je suis désolée de vous le dire ainsi, monsieur le ministre, mais je crois que vous ne vous en offusquez pas

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion