Je dois une explication à M. le ministre.
Nous aussi, nous travaillons, par la mise en place d’une commission d’enquête, à dresser le bilan de cette crise sanitaire, pour pouvoir mettre en place les instruments qui nous permettront à l’avenir, lorsque de nouvelles épidémies surgiront – car ce sera le cas –, de les surmonter sans porter d’atteintes trop graves aux libertés individuelles et collectives ni entraîner, par un confinement généralisé, des conséquences dévastatrices sur le plan économique et social.
Telle est la réflexion que nous devons mener, les uns et les autres, pour la faire converger. Au Sénat, nous n’instruisons pas de procès : nous avons été constructifs, pour donner au Gouvernement les moyens d’action dont il estimait avoir besoin et pour traverser cette crise.
Pourquoi ne pas attendre ? Telle est, en définitive, monsieur le ministre, la question que vous nous posez. Eh bien, pour une raison très simple. Si nous avions adopté votre article 1er, reprenant textuellement trois dispositions essentielles de l’état d’urgence sanitaire, vous auriez disposé de moyens que nous jugions excessifs, beaucoup plus importants que ceux que nous vous accordons dans l’article 1er que nous venons d’adopter.
Il nous a donc paru nécessaire de ne pas baisser la garde, en permettant au Gouvernement, dans cette période de sortie de l’état d’urgence sanitaire et non dans un an, de recourir à un instrument juridique qui s’est révélé, de l’aveu même du Gouvernement comme du point de vue du Conseil d’État, d’une très grande fragilité.
L’article L. 3131-1 du code de la santé publique, que la France entière connaît par cœur tant et tant il a été cité, donne au ministre de la santé, en réalité, les pleins pouvoirs. Je pense que le législateur n’a pas entendu lui donner de tels pouvoirs, mais, comme vous avez dû décider le confinement toutes affaires cessantes, avant même le vote de la loi du 23 mars dernier – le confinement date du 16 mars –, vous vous êtes fondé sur les dispositions de cet article.
Or je crois que, s’il y avait eu des recours contre les textes réglementaires pris sur la base de cet article – de simples arrêtés ministériels, mais qui restreignaient les libertés individuelles comme on ne l’avait jamais vu en France –, vous auriez très probablement été confronté à de multiples annulations pour excès de pouvoir.
Nous avons donc considéré que, au cas où le Gouvernement, tout en sortant de l’état d’urgence sanitaire, devrait prendre, compte tenu de la persistance, même locale, de l’épidémie, un certain nombre de mesures, cet instrument s’étant révélé insuffisant à la lumière de l’expérience, il était nécessaire de le modifier maintenant.
Cela ne nous interdit pas de proposer, dans le cadre de notre commission d’enquête, d’autres dispositions dans quelques mois. Mais c’est maintenant que vous pouvez avoir besoin de recourir à cet article, lequel est trop fragile. Voilà pourquoi la commission a adopté cet article 1er bis A. Nous préférons le maintenir, quitte à ce que vous nous le fassiez modifier – nous y sommes prêts.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.