Je ferai un rapide retour en arrière.
Le marché de la téléphonie mobile a véritablement explosé en dix ans, le nombre d'abonnés passant de 5 millions à 53 millions. Ce marché a pu évoluer aussi rapidement grâce au développement d'un modèle économique, celui du subventionnement des terminaux : les opérateurs mettent à la disposition de leurs abonnés des téléphones portables neufs et renouvelés régulièrement. En contrepartie, ils demandent à ces mêmes abonnés de s'engager sur des durées minimales.
Ce modèle a bien fonctionné, car il a permis la mise à disposition d'appareils à un coût raisonnable. Vous évoquiez tout à l'heure, monsieur le rapporteur, l'ordre de grandeur des montants des forfaits. J'observe que le coût moyen de la facture de téléphonie mobile par Français est resté stable, alors que le nombre de minutes utilisées a augmenté.
Jusqu'à présent, ce modèle a donc été plutôt favorable au consommateur. Mais il a un effet pervers, qui a été dénoncé par l'Autorité de régulation : aujourd'hui, alors même que le marché est mature, la concurrence ne joue pas suffisamment.
L'Autorité de régulation a identifié deux freins à la concurrence dans le secteur de la téléphonie mobile.
Le premier est le délai de portabilité, c'est-à-dire le délai nécessaire pour changer d'opérateur de téléphonie tout en conservant le même numéro.
Lorsque j'étais député et co-rapporteur du projet de loi de 2005 avec M. Cornu, nous avons remédié à ce problème en présentant un amendement qui ramenait le délai de portabilité à dix jours. Ce délai, qui est effectif depuis le 21 mai dernier, a entraîné un triplement des demandes de portabilité, ce qui prouve que le délai constituait bien un frein à la concurrence ; il avait, d'ailleurs, été reconnu comme tel dans le rapport de Philipe Nasse que vous avez cité, monsieur Texier.
Le second frein à la concurrence identifié par l'Autorité de régulation concerne les durées minimales d'engagement.
Il existe aujourd'hui trois opérateurs de téléphonie mobile et quatorze opérateurs de réseau mobile virtuels, les fameux MVNO.
La part de marché des MVNO sur le flux, c'est-à-dire sur les nouveaux contrats, est de 28 % ; sur le stock, c'est-à-dire sur l'ensemble du marché, elle n'est, en revanche, que de 4 %. La raison est simple : en matière de téléphonie mobile, les consommateurs sont liés pour des durées de vingt-quatre mois ; la concurrence ne joue donc, en fait, qu'une fois tous les deux ans.
Si nous ne faisons rien, une vingtaine d'années seront nécessaires pour que la part de marché des MVNO sur le stock atteigne le même niveau que celle portant sur le flux. La question pourrait, d'ailleurs, se poser au moment de l'apparition sur le marché d'un quatrième opérateur, ce que souhaite le Gouvernement.
Nous avons étudié cette question avec les différents acteurs afin de remédier à cette situation. Ainsi, le sujet a été évoqué lors de la réunion du mois de septembre dernier, au cours de laquelle Hervé Novelli et moi-même avons rencontré les associations de consommateurs et les opérateurs.
À l'heure actuelle, 75 % des consommateurs liés par des contrats de forfait téléphonique mobile sont soumis à des durées minimales d'engagement qui atteignent souvent vingt-quatre mois.
Comme l'a dit M. le rapporteur, plusieurs solutions s'offraient à nous.
La plus radicale, qui fait l'objet de l'amendement n° 107, déposé par le groupe socialiste, consiste à interdire les durées d'engagement supérieures à douze mois. Nous l'avons examinée avec attention et, à un moment donné, elle avait même ma préférence.
Nous ne l'avons pas retenue, car nous avons pensé que si une telle mesure était adoptée, elle pourrait entraîner un effet pervers majeur, à savoir l'augmentation du prix moyen du forfait. Je rappelle, en effet, que les offres de vingt-quatre mois sont, aujourd'hui, nettement moins chères que celles de douze mois. Un autre effet pervers possible était la fin du modèle du subventionnement des terminaux.
Nous avons donc cherché d'autres formules.
La commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale avait adopté un amendement tendant à obliger les opérateurs à proposer, parallèlement à toute offre d'abonnement d'une durée de vingt-quatre mois, une offre équivalente d'une durée de douze mois, afin que le consommateur ait le choix. Cet amendement prévoyait également que le consommateur puisse résilier son contrat à partir du treizième mois, même en cas d'engagement pris sur vingt-quatre mois, à condition de verser un dédit.
Le Gouvernement avait envisagé, dans un premier temps, de proposer un plafonnement par décret du montant de ce dédit à un tiers des mensualités restant dues. J'avais même évoqué publiquement un plafonnement de l'ordre de quelques dizaines d'euros, afin de renforcer l'efficacité de la disposition.
L'Assemblée nationale n'a pas retenu cette dernière disposition et a souhaité maintenir uniquement le plafonnement à hauteur du tiers des mensualités restant dues.
Sur ce point, le Gouvernement partage l'avis de la commission. Nous souhaitons, avec cette mesure, fluidifier le marché.
Il est, certes, nécessaire de prévoir une clause de dédit en cas de rupture de l'engagement sur l'initiative du consommateur, qui doit se traduire par une indemnité versée à l'opérateur avec lequel ce consommateur a signé le contrat, mais il faut faire en sorte que son coût soit le plus bas possible.
L'abaissement de ce montant du tiers au quart des mensualités restant dues, comme l'a proposé M. le rapporteur dans son amendement n° 192, me paraît satisfaisant. Cette solution volontariste, qui permettra de diminuer le coût de sortie et d'améliorer la concurrence, présente l'avantage de ne pas être jusqu'au-boutiste et de ne pas aller à l'encontre des attentes des consommateurs.
Le Gouvernement demande donc au Sénat d'adopter les amendements n° 191 et 192, auxquels il est favorable.
L'avis est également favorable sur l'amendement n° 134 rectifié, qui concerne la question très importante des points de fidélité. Vous allez contribuer, monsieur Texier, à transformer des points de captivité en points de fidélité !