Oui !
Monsieur le garde des sceaux, comme l’ont déjà dit ceux de mes collègues qui m’ont précédée à cette tribune, votre travail, qui consiste à protéger les Français, va commencer avec les arbitrages budgétaires.
Vous nous avez annoncé lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement une augmentation importante du budget de la justice, mais vous n’allez pas pouvoir jouer les Saint-Martin et couper votre manteau tellement les nécessiteux sont nombreux. Il va falloir fixer des priorités.
La Cour des comptes a rendu un rapport extrêmement intéressant sur les moyens de la lutte contre le terrorisme, sur les moyens d’accompagnement, sur ceux des services de probation, des juges de l’application des peines. Siégeant à la commission des finances, je lis avec beaucoup d’attention, comme tout le monde, les rapports de la Cour. Je pense que nous ne sommes pas près d’avoir une politique de réinsertion et de lutte contre la radicalisation.
Catherine Troendlé et Esther Benbassa l’ont montré dans un rapport – un énième rapport –, une telle politique ne fonctionne pas. Un texte supplémentaire ne va pas forcément nous aider.
Vous allez devoir rendre des arbitrages, à un moment ou à un autre. Il faut des moyens accrus, on l’a dit, pour le personnel, pour les équipements. Il y a quelques jours, nous avons voté dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative 75 millions d’euros de moyens supplémentaires pour la police. Vous devrez également travailler avec votre collègue ministre de l’intérieur. Il faut aussi renforcer le renseignement.
En matière de répression et de suivi des détenus terroristes et radicalisés, les unités dédiées n’ont pas forcément donné satisfaction. Il est très important d’insister sur les formations, comme Mme la rapporteure l’a expliqué dans un rapport sur ce sujet. Il faut ainsi systématiquement former les magistrats à cette question, notamment à l’École nationale de la magistrature.
Enfin, il faut mettre en place des procédures d’évaluation. Sur ce sujet, cela fait des années que nous demandons une évaluation au Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), lequel a été fusionné avec la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) l’année dernière – je ne suis pas du tout sûre d’ailleurs que cela ait été une bonne idée –, afin de pouvoir cibler les politiques, en particulier de lutte contre la radicalisation ou contre la récidive. Or nous n’avons toujours pas ce rapport.
Je pense que toutes les questions qui sont posées, qui sont des questions légitimes de protection, ne trouveront en partie de réponse que lorsque votre ministère, le ministère de l’intérieur, les associations et les spécialistes en la matière auront déterminé quelle politique de lutte contre la radicalisation ils souhaitent mettre en place.
Aujourd’hui, c’est l’armée mexicaine ! Il existe de nombreuses procédures éparses, il y a beaucoup de bonnes volontés, d’associations subventionnées, mais absolument jamais évaluées. Je voudrais que l’on instaure une culture de l’évaluation, même si c’est difficile, dans ce domaine extrêmement important pour notre sécurité et fondateur pour les années à venir.
Vous l’aurez compris, mon groupe soutiendra ces mesures et votera ce texte. À titre personnel, je suis beaucoup plus réservée, car je pense que de telles dispositions doivent s’inscrire dans un ensemble et qu’il vous faut déterminer une politique de lutte contre la radicalisation se traduisant dans le projet de loi de finances. Vous pouvez pour cela vous appuyer sur le document de politique transversale sur la prévention de la délinquance et de la radicalisation. C’est un document fondateur, extrêmement important.