Intervention de Elisabeth Doineau

Réunion du 13 octobre 2020 à 14h30
Inclusion dans l'emploi par l'activité économique — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Elisabeth DoineauElisabeth Doineau :

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, la crise sanitaire que nous traversons entraîne inévitablement une crise économique majeure pour notre pays. Ainsi, 715 000 emplois ont été détruits en début d’année. Le 7 octobre dernier, le journal Le Monde titrait : « Un million de nouveaux pauvres d’ici à fin 2020 ». Ce sont désormais plus de 10 millions de Français qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté.

La rapporteure du texte à l’Assemblée nationale, Mme Verdier-Jouclas, souhaitait voir dans l’ouverture de la session parlementaire par l’examen de ce texte un « symbole fort adressé à l’ensemble de nos concitoyens touchés par la privation d’emploi ». Je partage son analyse. Au regard de la crise que nous traversons, les choix ont un sens. Que nous examinions en ouverture de session la proposition de loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » constitue la traduction des préoccupations de nombreux Français, la traduction de nos préoccupations.

Le symbole est d’autant plus fort que le cœur du texte émane directement du terrain, plus précisément de notre riche tissu associatif. Comme vous le savez, mes chers collègues, les membres du groupe Union Centriste sont attachés aux principes de décentralisation et de subsidiarité. Or la présente proposition de loi s’inspire de cet esprit de dialogue entre le terrain et la représentation nationale et de construction des solutions localement et elle bat en brèche la logique bien trop souvent descendante de la production de la loi.

Les symboles ont toutefois leurs limites. Si les attentes peuvent être grandes à l’égard du texte qu’examine aujourd’hui notre assemblée, soulignons d’emblée que celui-ci n’a pas vocation à supprimer le chômage de masse. Il nous faut prendre en compte les limites et les apports de l’expérimentation.

Sur les dix territoires d’expérimentation prévus par la première loi relative aux « territoires zéro chômeur de longue durée » de 2016, 918 personnes ont été embauchées. Étendre le dispositif à cinquante nouveaux territoires ne permettrait que de multiplier approximativement par cinq ce chiffre. C’est donc une goutte d’eau au regard des 2 685 000 chômeurs de longue durée comptabilisés au deuxième trimestre de 2020.

Comme Mme la rapporteure Frédérique Puissat l’a indiqué en commission, il s’agit de proposer « une solution complémentaire aux autres outils existants, qui serait particulièrement pertinente pour certains publics ou pour certains territoires ». L’extension de l’expérimentation ouvre ainsi la possibilité de réaliser un travail sur mesure, au plus près du terrain, tout en posant des jalons nécessaires dans la refondation de la politique de l’emploi.

À l’inverse et de manière complémentaire, le plan de relance présenté à la rentrée vise à agir vite et fort pour l’emploi. À titre d’exemple, 1 milliard d’euros sont consacrés à la formation des salariés en activité partielle et au renforcement des compétences. Pour aider les jeunes arrivant sur le marché du travail, le Gouvernement prévoit aussi une enveloppe de 6, 7 milliards d’euros, soit un triplement des moyens alloués à l’emploi des jeunes. Enfin, avec la généralisation de l’accompagnement de l’activité partielle, ce sont 9 millions de salariés qui n’auront pas été privés de leur emploi en 2020. Le plan de relance ajoute 7, 6 milliards d’euros en faveur de l’activité partielle de longue durée.

Avant d’entrer dans le détail du contenu des articles, je souhaite féliciter notre rapporteure, Frédérique Puissat, pour son travail méthodique, mené dans un contexte bien particulier : entre la situation sanitaire que nous connaissons et le renouvellement partiel du Sénat, la préparation de ce texte n’a pas été aisée. La majorité de nos collègues n’a pas pu réellement s’imprégner de son contenu, qui ne se limite pas, bien au contraire, à la seule extension de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Les dispositions qui se rapportent à celle-ci sont d’ailleurs reléguées au sein du titre II de la proposition de loi.

J’en viens au titre Ier. Il contient divers dispositifs visant à mettre en œuvre plusieurs propositions du pacte d’ambition remis au Gouvernement à la rentrée 2019, après concertation avec les acteurs de l’insertion par l’activité économique. Selon la promesse du Président de la République, 100 000 salariés supplémentaires doivent intégrer les parcours d’insertion.

L’article 1er est une mesure d’assouplissement, issue de remontées du terrain. Il vise à supprimer l’agrément obligatoire de Pôle emploi pour les embauches au sein des structures de l’insertion par l’activité économique. Il est essentiel de faire confiance aux acteurs locaux. Cet article y contribue.

La création de nouveaux types de contrats prévue aux articles 2 et 3 bis peut légitimement amener à s’interroger, d’autant que plus de 200 000 contrats aidés ont été supprimés par l’exécutif au début du quinquennat. Certains acteurs de l’IAE ne sont pas favorables à l’expérimentation d’un « contrat passerelle » et demandent avant tout plus de souplesse, plus de confiance en leurs compétences et plus de moyens financiers.

Un CDI « inclusion senior » permettrait néanmoins de mieux répondre aux besoins des personnes en fin de carrière. Les amendements présentés par Mme la rapporteure améliorent sensiblement le texte de ces articles.

Le titre II est consacré à la prolongation et à l’extension de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » proprement dite.

Cette expérimentation vise, dans des territoires volontaires, à insérer dans l’emploi des personnes qui en sont privées durablement, en s’appuyant sur des entreprises à but d’emploi. Grâce à un financement de l’État, ces dernières offrent aux personnes éligibles volontaires un emploi correspondant à leurs compétences, dans le cadre d’activités socialement utiles qui n’entrent pas en concurrence avec le tissu économique local.

Sur ce sujet, le texte issu de l’Assemblée nationale a été bonifié. Je salue le passage de quarante à soixante du nombre de territoires ouverts à l’expérimentation, ainsi que la sécurisation des dix premiers territoires et de leur financement. Faut-il accroître davantage le nombre de territoires concernés, alors que 120 territoires seraient déjà candidats ? Je me rangerai à l’avis de Mme la rapporteure : entre le coût du dispositif et les externalités positives attendues, la neutralité financière de l’expérimentation n’est pas encore pleinement démontrée. Aussi élargir davantage l’expérimentation tendrait-il à fragiliser l’ensemble du dispositif, d’autant que nous ne disposons pas de tout le recul nécessaire, puisque le comité scientifique n’a pas encore rendu son rapport final.

Enfin, le titre III accueille plusieurs mesures d’ordre social. Je pense en particulier à l’article 9 bis, qui prolonge une expérimentation, et à l’article 9 ter, qui en crée de nouvelles.

Pour conclure, il est indéniable que le retour en emploi entraîne une amélioration significative de la situation des bénéficiaires, qui retrouvent ainsi une place dans la société et l’estime d’eux-mêmes, tout en voyant un certain nombre de leurs difficultés matérielles se réduire. Il nous faut multiplier les outils émanant du terrain qui répondent à cet objectif.

À cet égard, si le dispositif de cette proposition de loi peut paraître bien faible au regard de l’enjeu actuel, il participe à la régénérescence des politiques sociales. Le groupe Union Centriste votera en faveur de l’adoption de ce texte.

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