Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 13 octobre 2020 à 22h10
Prorogation du régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, 32 683, il s’agit là d’un sinistre nombre, celui des morts du covid-19 en France.

Force est de constater que davantage aurait pu être fait par l’exécutif, non pas au cœur de la crise, quand le Gouvernement s’est finalement résolu à aligner les milliards d’euros, mais bien en amont.

Le sous-investissement dans le système hospitalier français n’est pas nouveau : coups de rabot dans les budgets, privatisation totale ou partielle de certains établissements. Les gouvernements successifs de ces dernières décennies se gardent bien de reconnaître leurs erreurs en matière sanitaire et sociale. Le constat est pourtant implacable : les politiques menées dans ces domaines ont été non seulement des manquements stratégiques, mais aussi des fautes morales.

Rendez-vous compte, 3 400 lits d’hôpitaux ont été fermés l’année passée ! Ne pensez-vous pas que ces places auraient pu être utiles en avril, alors que nos médecins étaient surchargés face aux vagues de contamination ?

Cela fait des années que, dans ma circonscription parisienne, les services de réanimation se trouvent saturés et que des patients se voient réorientés vers Chartres ou Orléans. Pour quelles conséquences ? Des patients moins bien soignés qu’auparavant, ainsi que des médecins qui, découragés par ces conditions de travail iniques, abandonnent l’hôpital pour la recherche ou le privé. C’est tout notre système de santé qui est en déliquescence, et le modeste Ségur de la santé n’est pas de nature à nous rassurer.

En mars, la réponse du Gouvernement à l’épidémie a d’abord été l’état d’urgence sanitaire et le confinement. Bien que contraignant, ce dispositif a sans aucun doute été salutaire et aura permis, un temps, de ralentir la circulation du virus.

En juillet, l’exécutif a pris la décision de sortir progressivement de l’état d’urgence, mais n’a pas jugé souhaitable de retourner immédiatement au droit commun.

La loi du 9 juillet 2020 a prévu un régime transitoire comprenant l’intégralité des mesures appliquées depuis mars, hormis le confinement. Ce sont ces mesures provisoires que la majorité présidentielle souhaite aujourd’hui proroger de quelques mois : fermeture administrative d’établissements recevant du public, régulation de la circulation des citoyens, encadrement de l’accès aux transports publics pour les usagers, limitation du droit à se rassembler et manifester, création de fichiers informatiques comprenant nombre de données personnelles des malades du covid-19 et de leurs cas contacts afin de retracer les chaînes de contamination.

Faisant fi des libertés publiques et individuelles, les droits excessifs confiés au Premier ministre, aux préfets ainsi qu’aux administrations n’ont que trop duré.

Mes chers collègues, entre l’état d’urgence sanitaire et le droit commun, il faut choisir. Des mesures transitoires ne sauraient être pérennisées, comme tente aujourd’hui de le faire le Gouvernement.

Nous saluons évidemment le travail de la commission des lois et du rapporteur, M. Bas, qui a permis de réduire le délai de prorogation de sortie de l’état d’urgence de deux mois. Mais c’est le principe même de cette prolongation que nous rejetons. Si l’exécutif estime que la situation sanitaire est trop grave pour que le droit commun soit efficace, qu’il prenne la responsabilité d’enclencher l’article L. 3131-13 du code de la santé publique, permettant la mise en application par décret ministériel de l’état d’urgence sanitaire.

L’arbitraire et l’exception ne pouvant devenir la règle, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce projet de loi.

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