Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 13 octobre 2020 à 22h10
Prorogation du régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce soir le quatrième texte traitant d’un régime dont l’objet est de répondre à la crise sanitaire à laquelle nous sommes confrontés depuis le mois de mars.

Ce quatrième rendez-vous était une nécessité, dès lors que le régime transitoire institué par la loi du 9 juillet 2020 arrive à échéance le 30 octobre. Comme l’ont souligné le conseil scientifique et le Conseil d’État lui-même, le retour au droit commun n’est en effet pas de nature à endiguer la reprise, malheureusement bien réelle, de l’épidémie.

Cet état de fait sanitaire, qui sollicite notre pleine vigilance – je ne vous apprends rien ! –, s’illustre par les 74 départements en situation de vulnérabilité élevée, les 1 500 personnes atteintes par le covid-19 aujourd’hui prises en charge par les services de réanimation, ou encore l’occupation à hauteur de 40 % des lits de réanimation par des patients en Île-de-France, un taux en progression. Cela devrait d’ailleurs nous alerter sur l’effet d’éviction au détriment de personnes requérant des soins lourds qu’il n’est pas possible de différer de nouveau.

Les travaux de contrôle de notre Haute Assemblée ont bien montré la dimension profondément éthique de l’urgence sanitaire. Une fois que l’état de la situation est décrit et que ce constat, par nature partagé, est exprimé, j’ai conscience en tant que législateur de n’avoir pas tout dit. Le constat ne saurait en lui-même permettre de préjuger avec une évidence certaine du choix du régime juridique adéquat. Là est bien le sujet qui a animé les navettes et les débats successifs dans cet hémicycle.

Je salue, à ce titre, la position sur le présent texte de notre rapporteur, qui, suivi par la majorité de la commission des lois, n’a pas remis en cause le principe d’une prorogation du régime transitoire, instituée par la loi du 9 juillet dernier, et qui n’en a pas non plus modifié les contours. Ces derniers avaient d’ailleurs été consolidés par le Sénat lui-même, je veux le rappeler, lors de l’examen en première lecture de la loi du 9 juillet 2020.

Les prérogatives conférées au Premier ministre et aux préfets par ce régime ont accompagné une reprise de l’activité et permis une adaptation territoriale de la gestion des résurgences de l’épidémie, et ce par une agilité indispensable, comme peuvent en témoigner les modifications successives de l’annexe du décret du 10 juillet 2020 listant les zones de circulation active du virus.

L’assise du régime a, en outre, été confortée par la décision de conformité du Conseil constitutionnel, qui a bien précisé que, au terme de nos travaux parlementaires, la faculté d’interdire la circulation des personnes ne pouvait conduire à une interdiction de sortie du domicile.

Notre rapporteur s’est également accordé sur les dispositions introduites à l’Assemblée nationale, tout à fait bienvenues, permettant d’adapter le fonctionnement des organes délibérants des collectivités territoriales à la situation sanitaire.

La commission a enfin utilement confirmé le principe d’une prorogation des systèmes d’information mis en œuvre pour lutter contre l’épidémie de covid-19 et, par là même, de la conservation des données pseudonymisées aux seules fins de suivi épidémiologique et de recherche sur le virus. Ces systèmes apparaissent en effet indispensables à la mise en œuvre du triptyque stratégique « tester, tracer, isoler ».

Sur ce point, je salue le travail du rapporteur, qui a apporté des garanties juridiques supplémentaires, en tirant notamment les conséquences d’une censure et d’une réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel, que le Gouvernement propose de préciser.

Finalement, et notre groupe avait déjà pu le dire pour défendre le régime transitoire sous le précédent projet de loi, ce régime pourrait être comparé à la figure mythologique de Janus, non pour le caractère double de son visage qui traduirait ici un faux-semblant ou un état d’urgence déguisé, comme certains persistent à le penser sur ces travées, mais bien au contraire et parce que cette figure incarne la transition entre deux temps, parce qu’elle est orientée vers l’avenir tout en ne se détournant pas du passé, une approche que nous force à adopter la crise sanitaire.

Ce soir, c’est précisément sur cette question de temporalité, mes chers collègues, que les positions divergent. La commission a en effet ramené au 31 janvier 2021 l’échéance de la prorogation du régime transitoire et des autres dispositions précitées, que le Gouvernement avait fixée au 1er avril 2021 dans le texte initial.

Cette seconde échéance, qui diffère de deux mois de la date de la commission, nous paraît plus opportune et raisonnable en ce qu’elle correspond à l’échéance de l’applicabilité du régime de l’état d’urgence sanitaire, qu’un projet de loi justement présenté en janvier 2021 viendra réviser.

Cet alignement n’est pas une position doctrinale. Comme le souligne l’avis du Conseil d’État lui-même, il s’agit de laisser à la disposition du Gouvernement jusqu’au 21 avril une gamme d’outils de réaction à l’évolution de l’épidémie, et de lui permettre d’apprécier, à la lumière d’une analyse globale, le régime juridique qui pourrait utilement s’appliquer aux situations de crise sanitaire pour mieux fonder son projet de loi. Dans cette même logique, il semble cohérent de réserver la révision nécessaire de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique à cette réforme plus globale.

En conclusion, mes chers collègues, je dirai que des débats importants vont se poursuivre ce soir dans l’hémicycle. Je pense à la durée de prorogation, mais aussi aux mesures visant les adaptations utiles en matière de droit électoral. Je pense enfin aux mesures visant à protéger, s’agissant des loyers, les entreprises faisant l’objet de restrictions dans leur activité professionnelle, ou encore aux mesures visant à adapter les règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants de personnes morales, telles que les fédérations sportives.

Vous l’aurez compris, le groupe RDPI réserve sa position finale à l’issue que connaîtront ces différents points.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion