Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 14 octobre 2020 à 21h30
Conseil économique social et environnemental — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique dans le texte de la commission

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le CESE, assemblée consultative régie par la Constitution, a pour missions de favoriser le dialogue entre les forces vives de la Nation et de conseiller le Gouvernement et le Parlement par la publication d’avis.

Nous l’avons tous relevé, la pratique a révélé que cette instance était trop peu sollicitée et que les avis qu’elle rendait, en dépit de leur qualité indéniable, étaient trop peu suivis. Vous excuserez, mes chers collègues, le prisme ultramarin que j’emprunte – régulièrement, j’en conviens –, mais je pense notamment à deux avis de la délégation à l’outre-mer du CESE, rendus respectivement en 2017 et en 2020, relatifs à la lutte contre les violences faites aux femmes et à l’accès aux services publics dans ces territoires.

Devant le Congrès, réuni à Versailles le 3 juillet 2017, le Président de la République avait annoncé une réforme du Conseil économique, social et environnemental, afin de faire de cette institution la grande instance consultative qui fait aujourd’hui défaut.

C’est dans la continuité de cet engagement, renouvelé à l’occasion du grand débat national, qui avait donné lieu à 1, 9 million de contributions, et de la Convention citoyenne pour le climat, que ce projet de loi organique nous est aujourd’hui soumis pour examen.

Si la dernière réforme du CESE, en date du 23 juillet 2008, a modernisé cette institution, elle n’a hélas pas permis de renforcer sa légitimité auprès de la société civile et des pouvoirs publics.

En premier lieu, la réforme qui nous est proposée aujourd’hui a pour objet de permettre au CESE de jouer un véritable rôle dans le développement, tant réclamé par nos concitoyens, de la démocratie participative.

Ainsi, afin de faciliter la saisine de cette instance par voie de pétition, la voie dématérialisée est admise, le seuil de recevabilité est abaissé de 500 000 à 150 000 signataires et l’âge minimal des pétitionnaires de 18 à 16 ans. La commission a confirmé la pertinence de ces évolutions, sans les modifier.

Un débat sur l’âge des pétitionnaires se tiendra tout à l’heure, avec la sagesse de la commission, et nous serons défavorables aux amendements qui tendraient à revenir sur la volonté du Gouvernement d’impliquer davantage les jeunes dans le débat public. Alors que certains, sur nos travées, voient dans cette évolution la tyrannie du jeunisme ou de la démagogie, nous considérons, bien au contraire, que cette extension est de nature à préparer ce groupe d’âge au plein exercice de sa citoyenneté.

Initialement, le projet de loi visait également à introduire dans la loi organique la faculté de tirage au sort, afin de nourrir les travaux du CESE, en encadrant ce procédé de garanties solides, pour assurer son caractère impartial et constructif. La commission des lois, considérant qu’une telle disposition affaiblirait les fondements de notre démocratie représentative et l’identité du CESE, a supprimé l’inscription de ce procédé dans la loi organique.

Nous ne partageons pas cette position. En effet, le recours au tirage au sort n’est pas envisagé pour la désignation des membres du CESE. Il constitue simplement un procédé auquel le Conseil aurait la faculté de recourir, parmi d’autres modalités, pour alimenter ses travaux. Il ne s’agit donc en aucun cas d’introduire une confusion des légitimités ni de fragiliser la vocation du CESE de représenter la société civile organisée.

C’est la raison pour laquelle nous proposerons un amendement tendant à réintroduire cette modalité, dans le cadre des procédures de consultation publique, mais également pour ce qui concerne la participation aux travaux des commissions du CESE. Je le sais, notre position sur l’article 4 est partagée par plusieurs collègues et un débat important se tiendra ce soir à ce sujet.

En second lieu, ce texte prévoit de renforcer le rôle consultatif de cette assemblée sur les projets de loi entrant dans son champ de compétences. Nous demanderons, par conséquent, le rétablissement de la dispense accordée au Gouvernement de procéder aux consultations préalables aux projets de loi, lorsqu’il en saisit le CESE.

Enfin, le projet de loi permet une plus grande agilité dans le fonctionnement du CESE et réforme la composition de ce dernier, en réduisant ses effectifs de 25 %. Encore une fois, je ne résiste pas à mon penchant naturel pour souligner que jusqu’alors les outre-mer bénéficiaient de 11 représentants, soit un par collectivité d’outre-mer. Avec cette baisse du nombre des membres du CESE, ils craignent très légitimement de ne plus être tous représentés. Si la vocation du Conseil est, certes, de représenter les forces vives économiques, sociales et associatives du pays et non les territoires de la République, la présence des outre-mer est néanmoins indispensable pour mieux prendre en compte la diversité de ces collectivités.

L’Assemblée nationale avait proposé d’insérer la mention, relativement imprécise à mon sens, selon laquelle le CESE « assure une représentation équilibrée […] des territoires de la République, notamment des outre-mer ».

La commission des lois du Sénat a préféré, quant à elle, intégrer expressément les outre-mer au collège des représentants de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative, ce qui constitue une avancée. Néanmoins, il nous semble important d’aller plus loin dans les garanties de représentation, en précisant ce que recouvre le vocable « outre-mer », afin d’éviter qu’il ne soit appréhendé comme un bloc.

Pour finir, je me réjouis du travail de coconstruction du Gouvernement, de l’Assemblée nationale et du Sénat pour renforcer les obligations déontologiques des membres du CESE ; j’en profite pour saluer la qualité du travail de notre rapporteur. Le groupe RDPI est convaincu que la réforme proposée permettra au CESE de renforcer son rôle et d’occuper la place qui doit lui revenir aujourd’hui, en tant que carrefour des consultations publiques et que chantre de la participation citoyenne.

Aussi, nous conditionnerons notre vote au sort qui sera réservé aux différents amendements dont je viens de faire une présentation non exhaustive.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion