J’ai demandé la parole quelques instants, parce que, si nous avons beaucoup échangé au cours de la discussion générale, celle-ci ne nous a évidemment pas permis d’évoquer tous les arguments. Vous en avez en particulier utilisé un, monsieur le garde des sceaux, avec lequel je ne suis pas d’accord, et je souhaitais m’en expliquer dans le cadre du débat.
Vous l’avez dit hier, nous avons plusieurs désaccords, mais je veux m’attarder ce matin sur le parallèle que vous avez fait entre le tirage au sort des jurés d’assises et la composition de la Convention citoyenne pour le climat.
Je suis tout à fait d’accord avec le tirage au sort des jurys d’assises, mais on ne peut pas le comparer avec celui de la Convention citoyenne : les jurys d’assises sont composés à partir d’un vrai tirage au sort, alors que la Convention citoyenne l’a été à partir d’un tirage au sort orienté, si je puis dire : il s’agissait de volontaires qui ont ensuite été sélectionnés sur des critères.
Cependant, ce n’est pas sur ce point que se situe notre vraie dissension. Selon moi, les situations ne sont pas comparables. Dans le tirage au sort des jurés d’assises, nous nous trouvons dans une situation où la justice est rendue au nom du peuple français, lequel n’intervient jamais dans la justice, qui est rendue par des magistrats professionnels, sélectionnés parce qu’ils ont la formation et les compétences pour rendre des décisions de justice. Le tirage au sort permet de réintroduire les citoyens français dans le processus de justice, qui se déroule en leur nom.
Il n’en va pas de même s’agissant de la représentation démocratique en France. Nous n’avons pas besoin de réintroduire les citoyens, parce qu’ils sont présents à tous les niveaux. Les citoyens, ce sont les électeurs, mais ce sont aussi les élus ; les élus sont des citoyens choisis parmi les autres.
Alors, s’il est compréhensible que le peuple français soit réintroduit dans la justice rendue en son nom, il n’en va pas de même pour la démocratie représentative, telle qu’elle existe, car elle met déjà le citoyen, soit en tant qu’électeur, soit en tant qu’élu, au cœur du processus.
Voilà pourquoi il me semble que ce parallèle ne peut pas être fait. Je finirai quand même sur un accord, monsieur le garde des sceaux, puisque je crois que nous tenons tous les deux autant à ce que les jurys d’assises continuent à être tirés au sort.