Pour autant, cet amendement pose une vraie question, celle-là même qui sous-tend l’ensemble du projet de loi organique que nous examinons aujourd’hui et qu’a signalée M. le garde des sceaux en préambule, sans doute de façon un peu moins catégorique, comme j’ai pu le faire moi-même au cours de la discussion générale : le CESE a un rôle constitutionnel qu’il peine à assumer. À deux reprises, à une dizaine d’années d’intervalle, nous sommes revenus sur ce problème avec le même objectif qu’a rappelé Roger Karoutchi.
Il est vrai que le CESE a un rôle consultatif important, lorsqu’on le considère au regard de sa mission telle qu’elle est prévue par la Constitution. Nul n’en disconvient et la qualité de ses membres n’est pas remise en cause. Toutefois, régulièrement, nous nous posons la question de son utilité réelle au regard de la mission qui lui est confiée.
Nous l’avons rappelé, cette instance de dialogue social ne réduit pas les conflits sociaux dans notre pays, même si le dialogue se crée au sein de l’instance. Je rappelle qu’elle s’autosaisit sur 80 % de ses rapports, ce qui signifie bien que son rôle consultatif n’est pas appréhendé par les pouvoirs publics.
Pourquoi ? Au regard du travail que nous avons mené pour élaborer ce rapport, nous avons pu constater d’abord la rapidité avec laquelle nous devons légiférer – cela a été dénoncé tout à l’heure –, laquelle ne nous permet pas de saisir le CESE pour recueillir son avis, même dans le cas d’une procédure simplifiée. Les projets de loi arrivent devant le Parlement à une vitesse telle que nous avons parfois à peine le temps de rédiger nos rapports et de mener nos auditions. Par conséquent, comment consulter de surcroît une autre assemblée qui va faire un rapport, alors que nous en sommes capables nous-mêmes ? Nous ne le faisons pas, mais nous n’avons pas véritablement la capacité ni le temps de le faire.
Enfin, il y a un autre élément qui est parfois vu comme positif, mais, selon Dominique-Jean Chertier, qui a rendu en 2009 un rapport sur le CESE au Président de la République d’alors, ce qui peut être perçu positivement par le CESE, à savoir le fait que chacun discute et qu’un compromis soit trouvé à l’issue de de ces discussions, peut aussi être un facteur d’affaiblissement du travail du CESE. En effet, lorsque les oppositions sont fortes, le compromis auquel on aboutit, c’est le compromis du plus petit dénominateur commun ! Cela ôte un peu de substance à ce travail et, par conséquent, d’utilité pour mener des politiques publiques.
Voilà une vraie question et je ne pense pas que nous la résoudrons aujourd’hui. La suppression du CESE, puisque c’est ce à quoi aboutirait l’adoption de cet amendement, relève d’une révision constitutionnelle. Nous sommes ici face à un subterfuge visant à échapper à cette procédure, ce que la commission des lois ne peut évidemment pas cautionner. C’est pourquoi elle demande le retrait de cet amendement, qu’elle considère comme un amendement d’appel ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.