Intervention de Muriel Jourda

Réunion du 29 octobre 2020 à 14h30
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo de Muriel JourdaMuriel Jourda :

Pourquoi fermer aujourd’hui des commerces ayant adopté les gestes barrières depuis des semaines ? En quoi serait-il plus dangereux d’aller chez le cordonnier que d’acheter une baguette ? Ces questions ont en partie justifié notre vote négatif sur la confiance.

Mais nous discutons désormais non plus de la mise en œuvre des moyens, mais des moyens qu’il convient d’accorder au Gouvernement pour gérer cette crise. Nous sommes aujourd’hui dans le cadre d’un régime de sortie de l’état d’urgence qui confère déjà des pouvoirs importants à l’exécutif.

Le Gouvernement sollicite le bénéfice du régime d’état d’urgence, déjà décrété, mais qui ne peut être prolongé au-delà d’un mois sans l’aval du Parlement. Cette demande est motivée par l’augmentation non seulement des cas positifs au covid, mais surtout des hospitalisations et du nombre de personnes en réanimation. Ces éléments sont réels. Ce n’est pas aujourd’hui le moment de mener le débat de la responsabilité. Il faut répondre à cette situation et le groupe Les Républicains va voter ce texte, mais pas à tout prix.

Tous les orateurs l’ont souligné, et je ne voudrais pas paraphraser le Premier ministre, les institutions sont le soutien de la démocratie ; les institutions, dans leur force et dans leur équilibre. Comme le prévoit la Constitution, le Gouvernement peut prendre des décisions, mais le Parlement les contrôle. Et M. le rapporteur l’a dit, plus nous confions de décisions au Gouvernement, plus notre contrôle doit être fort. Sous l’égide de notre rapporteur, nous avons adopté, en commission des lois, des dispositifs différents de ceux que nous proposait le Gouvernement, afin de nous assurer justement un contrôle plus fort.

Ces dispositifs ont été rappelés : il s’agit d’abord de ne pas permettre d’instaurer l’état d’urgence sur une durée excessivement longue. Il faudra revenir beaucoup plus tôt devant le Parlement. Il s’agit aussi de mieux contrôler – et plus rapidement – la plus liberticide des dispositions, le confinement. Il s’agit encore de ne pas permettre de rétablir le régime de sortie d’état d’urgence sans revenir devant le Parlement pour pouvoir échanger et discuter. Ces éléments nous paraissent essentiels pour faire en sorte que le contrôle parlementaire puisse avoir lieu d’une façon régulière et que le Gouvernement ne se retrouve pas « la bride sur le cou » pour utiliser les pouvoirs si forts qu’il nous réclame aujourd’hui.

Nous avons eu un débat récurrent sur les ordonnances lors de l’examen de chaque texte relatif à cette crise particulière depuis le mois de mars dernier. Dans un premier temps, nous avons permis au Gouvernement d’empiéter sur le domaine législatif. Nous n’avons pas discuté, car nous étions d’accord sur l’urgence qui justifiait l’application de telles dispositions.

Cette urgence, le Gouvernement ne peut plus s’en prévaloir aujourd’hui. L’adoption des propositions de la commission des lois nous semble donc assez naturelle, à savoir une diminution du nombre d’ordonnances – sachant que le Gouvernement semblait parfois ne pas savoir ce qu’il entendait faire de ce pouvoir – et l’inscription en clair dans la loi des dispositions du ressort de la loi qui peuvent d’ores et déjà être prises.

Enfin, je voudrais évoquer la démocratie. L’urgence sanitaire existe et rend plus difficile l’exercice de la démocratie par le jeu des élections – nous l’avons vu lors des dernières municipales. Toutefois, le devoir du Parlement est sans doute d’essayer de pallier cette difficulté en trouvant les moyens à même de permettre à la démocratie de s’exprimer. Le virus ne peut pas confisquer la démocratie.

C’est ce qu’a fait la commission des lois, grâce à un assez large accord, transpartisan, sur les procurations ou sur le vote par correspondance afin d’éviter de créer des foyers de contamination dans les bureaux de vote. Cette question n’est pas la moindre.

Le groupe Les Républicains approuvera, ainsi modifié, ce projet de loi qui confie certes des pouvoirs au Gouvernement, mais qui permet aussi de les contrôler au plus près.

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