Ces questions me sont très familières, car il s’agit d’un domaine de spécialité de la commission des lois.
L’amendement n° 50, même s’il est inspiré par de bonnes intentions, me paraît largement contre-productif.
Imaginez que, dans une entreprise artisanale, un salarié ait commis une faute professionnelle grave : il deviendrait impossible de le licencier parce qu’on est en temps d’épidémie. Imaginez qu’un salarié se trouve être le seul employé de l’entreprise – un commerce, par exemple, ou une petite entreprise artisanale – et que, faute d’autre moyen de se sauver, elle soit sur le point de déposer son bilan et de licencier à grand regret son ouvrier : elle se verrait interdire de le faire. On préfère donc dans ce cas que non seulement le salarié n’ait plus d’emplois, mais que l’artisan ou le commerçant n’en ait plus non plus et qu’il n’y ait pas de chance de redressement pour cette entreprise.
Parfois les intentions les plus généreuses, surtout quand elles sont sur le compte d’autrui, peuvent se retourner contre l’intérêt social que l’on vise.
L’amendement n° 51 a l’habileté de ne toucher que des entreprises qui versent des dividendes. Mais, enfin, il y a aussi des petites entreprises – et c’est heureux – qui versent des dividendes ! Ces petites entreprises ont droit de notre part à une certaine attention, d’autant plus que, quand on décide du versement des dividendes, parce que les comptes de l’année précédente ont été bons, la situation de l’entreprise, si la conjoncture s’est retournée, peut-être très mauvaise. Par conséquent, les rigidités que le présent amendement vise à introduire me semblent tout à fait mal venues.
Quant à l’amendement n° 75 rectifié, faites attention, mes chers collègues : vous voulez rétablir l’autorisation administrative de licenciement pour motif économique dans les entreprises dont les activités économiques ne sont pas affectées par les mesures de police administrative qui sont prises pour lutter contre le covid. Vous observez pourtant que la frontière entre les entreprises qui sont affectées par les mesures prises dans le cadre de la lutte contre le covid et les entreprises qui ne seraient pas affectées – on se demande lesquelles – est extrêmement difficile à établir. En l’absence de règle claire, c’est un nid à contentieux. D’ailleurs, aucun secteur économique aujourd’hui n’est épargné, même si certains sont plus touchés que d’autres.
Je vois bien la générosité de l’intention, mais je crains fort que de telles dispositions ne contribuent à aggraver la crise économique et sociale. Pour cette raison, la commission des lois a émis un avis défavorable sur les amendements n° 50, 51 et 75 rectifié.