Madame la ministre, je vois que le Gouvernement n’est pas prêt à discuter avec le Sénat : il souhaite rétablir les 70 habilitations législatives. Pour autant, il ne s’oppose pas à l’inscription, dans le projet de loi, de dispositions le dispensant de recourir à des ordonnances. Pour la plupart d’entre elles, il ne les a pas critiquées sur le fond. La raison est qu’il s’agit de questions que le Gouvernement avait prévu de traiter par ordonnances directement dans la loi.
Nous avons fait le travail que vous n’aviez pas eu le temps de faire – je sais que vous travaillez dans des conditions très difficiles –, et nous sommes parvenus à un résultat que nous pensions raisonnable et qui nous paraissait devoir être accueilli avec davantage de considération. Au lieu de cela, l’oracle tombe purement et simplement : vous rétablissez vos habilitations et vous ne tenez aucun compte de notre travail. Nous avons pourtant effectué un travail également très technique qui vous permettrait de trouver un accord avec le Sénat sur ce sujet essentiel. Comme vous êtes une parlementaire chevronnée, vous n’avez pas manqué de rappeler que vous partagez le souci qu’ont les parlementaires de ne pas déléguer le pouvoir législatif au Gouvernement sans raison impérieuse.
J’ai compris que, compte tenu des délais très brefs que le Gouvernement a eus pour présenter son projet de loi, vous n’aviez pas eu le temps. Par précaution, les fonctionnaires qui travaillent dans les ministères ont donc convaincu les ministres, qui ont eux-mêmes convaincu le Premier ministre, de demander des habilitations. Le Gouvernement n’ayant pas envisagé de revenir devant le Parlement avant le mois d’avril, c’était évidemment son dernier point d’eau avant le désert.
Nous vous offrons une double chance : traiter dans la loi des problèmes que vous vouliez régler par ordonnance et, si jamais il y avait un malheureux oubli, revenir assez vite devant le Parlement pour le corriger.
Mes collègues de la commission des lois et moi-même, ainsi que, sans doute, l’ensemble des sénateurs qui participent à cette délibération cette nuit, sommes vivement contrariés…