Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la seule consommation des drogues a causé la mort de 585 000 personnes en 2017, d’après un rapport des Nations unies réalisé en 2019.
Si les produits stupéfiants sont dangereux pour la santé de ceux qui les consomment, leurs trafics sont néfastes, plus généralement, pour l’ensemble de la société. En effet, ces produits font l’objet d’un commerce lucratif dont les fonds viennent alimenter d’autres activités criminelles, au premier rang desquelles le terrorisme.
Ainsi, les liens entre la culture afghane du pavot et le financement des talibans ne sont plus à démontrer – non plus que ceux qui unissent les productions du Triangle d’or aux mafias et guérillas de cette région.
Parce que le trafic de drogue ne connaît pas de frontières, parce qu’il participe au financement d’actions de déstabilisation contre les États, ces derniers ont intérêt à unir leurs moyens dans leur combat contre la drogue, comme M. le secrétaire d’État l’a rappelé.
Or l’Inde, en raison notamment de sa situation géographique, qui la place au carrefour de nombreux trafics, est d’ores et déjà un des acteurs incontournables de la lutte antidrogue. L’accord soumis à notre approbation cet après-midi vise à améliorer la coopération policière entre nos deux pays dans ce domaine.
Je fais partie des voix qui se sont élevées pour alerter sur le risque potentiel que comporterait cet accord. De fait, l’Inde applique la peine de mort à l’encontre des auteurs de certaines infractions relatives aux stupéfiants. La France n’enfreindrait-elle pas ses engagements abolitionnistes en coopérant avec un pays qui, sur la base de cette coopération, pourrait condamner des individus à mort ?
À cet égard, en plus de nos engagements internationaux, l’article 66-1 de notre Constitution dispose : « Nul ne peut être condamné à la peine de mort ».
La question que nous nous posons en ce qui concerne les stupéfiants pourrait se poser aussi dans d’autres domaines, singulièrement celui du terrorisme : faut-il coopérer avec des pays qui continuent de condamner à mort ? Si nous y renoncions, nous fermerions la porte à cinquante-cinq pays qui nous aident à lutter contre le fléau du terrorisme, ce qui limiterait notre capacité à nous prémunir contre des attentats mettant en danger la vie de nos concitoyens.
Chaque État est souverain : il décide donc souverainement des règles qu’il souhaite établir. Il n’appartient à personne de dire à l’Inde, État souverain et démocratie de plus de 1, 353 milliard de personnes, ce qu’elle devrait ou ne devrait pas faire.
L’Inde et la France luttent toutes deux contre le trafic de drogue et peuvent envisager de coopérer dans ce domaine, dans le respect de la souveraineté de nos deux pays.
Toutefois, nous devons analyser cet accord en nous assurant qu’il ne contribue pas à faire concourir la France, par ce canal, à l’exécution de peines capitales. En effet, les engagements de notre pays l’obligent à abandonner une coopération lorsque la peine de mort est envisagée à l’encontre de personnes mises en cause. Ce principe est inscrit dans les accords relatifs à la coopération judiciaire et l’extradition.
À la lumière de ce constat et sous réserve du respect strict et contrôlé de la mise en œuvre de cette coopération, nous pouvons approuver l’accord qui nous est soumis.
En effet, comme le secrétaire d’État et le rapporteur l’ont souligné, il ne vise que la coopération technique et opérationnelle en matière policière ; il ne concerne ni la coopération judiciaire ni l’extradition. Il n’est donc pas question que la France participe directement à la condamnation à mort d’un individu.
Aussi, compte tenu des réponses qui nous ont été apportées et qui ont dissipé notre inquiétude et en raison de la nécessité d’optimiser nos actions de lutte contre tout trafic, le groupe Les Indépendants votera unanimement le présent projet de loi.