Intervention de Thomas Dossus

Réunion du 4 novembre 2020 à 21h30
Restitution de biens culturels au bénin et au sénégal — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Thomas DossusThomas Dossus :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est fondé sur un principe de justice, celui de rendre à deux pays, le Bénin et le Sénégal, des biens culturels appartenant pleinement à leur histoire.

Le trésor de Béhanzin, nommé d’après Béhanzin Ier, dernier roi du Dahomey, présente le dernier ensemble de pièces régaliennes de l’empire désormais disparu. Saisi en 1892 et rapporté en France par le général Alfred Amédée Dodds, ce trésor est un symbole important pour le Bénin, un vestige ultime d’une aire d’indépendance et de prospérité.

Le sabre d’Omar Seydou Tall, dit El Hadj Omar, est nommé d’après le nom de son propriétaire. Chef spirituel soufi, érudit musulman et fondateur de l’empire toucouleur, ce dernier régna sur des territoires situés aujourd’hui au Sénégal, en Guinée et au Mali, vers les années 1850. Saisi en avril 1893 par les troupes du colonel Louis Archinard, cet objet représente, lui aussi, l’un des vestiges du pouvoir en place avant l’établissement de l’Afrique occidentale française.

Ces deux objets sont donc des prises de guerre, des biens acquis dans la violence d’une époque de conquêtes coloniales qu’il nous faut aujourd’hui regarder avec lucidité.

Les demandes de restitution du Bénin et du Sénégal sont donc tout à fait légitimes, et c’est en se fondant sur cette légitimité que le Gouvernement nous propose ce projet de loi.

Celui-ci fait également écho à un engagement du Président de la République, pris le 28 novembre 2017 devant les étudiants de l’université de Ouagadougou, et qui a suscité de grands espoirs au sein de la jeunesse africaine.

Affirmons-le ici sans détour, notre groupe est favorable à ces restitutions, qui sont des témoignages de l’humanisme devant animer notre politique de coopération culturelle. En revanche, nous estimons qu’il faut sortir aujourd’hui de la logique de ces lois d’exception, obligeant le législateur à examiner chaque restitution dans un texte spécifique.

Cette législation au cas par cas s’explique, bien entendu, par le principe d’inaliénabilité, lequel affirme que les biens appartenant aux collections publiques françaises ne peuvent être vendus ou cédés, mais elle freine cette amorce de politique de coopération culturelle volontariste.

Les écologistes sont évidemment attachés au caractère inaliénable des collections publiques, qui garantit l’unité du patrimoine culturel au bénéfice de toute la Nation. C’est dans le respect de ce principe que nous souhaitons travailler à une évolution du cadre législatif.

D’où, mes chers collègues, l’amendement que nous souhaitions soumettre à votre vote, visant à confier au conseil national de réflexion créé par notre commission la tâche de réfléchir à un dispositif législatif durable pour sortir de cette politique d’exception permanente, dont personne ne peut se satisfaire. Malheureusement, cet amendement ne sera pas examiné, ayant été déclaré irrecevable.

Nous estimons toutefois que nous ne pourrons nous affranchir de cette réflexion essentielle. En effet, le Bénin et le Sénégal ne seront pas les seuls pays à avoir des demandes légitimes. Mali, Cameroun, Nigeria, Éthiopie, Tchad : plusieurs pays ont déjà fait des demandes, portant parfois sur des milliers d’objets ou de biens.

Avec une politique de coopération culturelle enrichie d’un cadre législatif pérenne, nous pourrons durablement regarder notre passé en face, avec honnêteté, et renforcer nos liens avec de nombreux pays. Il s’agit non pas de repentance, mais simplement de justice !

Nous sommes conscients de toutes les questions soulevées et, comme vous l’indiquiez ce matin, madame la rapporteure, nous sommes encore très loin d’y répondre. Mais, de nouveau, mes chers collègues, nous ne pouvons faire l’économie d’un cadre pérenne permettant de sortir de ces lois d’exception, qui contournent de façon hypocrite notre principe d’inaliénabilité des œuvres.

Madame la ministre, mes chers collègues, le groupe écologiste votera ce projet de loi, qui va dans le bon sens, tout en appelant à une réflexion plus globale sur l’évolution de notre législation, pour plus d’efficacité et de justice dans notre politique de coopération culturelle.

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