Nous sommes ici au cœur de notre désaccord, monsieur le secrétaire d’État…
Vous avez de la mémoire, et il n’est pas besoin de se plonger très loin dans le passé pour se souvenir qu’en période de crise le Parlement est capable d’intervenir très vite !
Il me semble ainsi que le Gouvernement se trouvait dans un certain embarras à la fin de l’année 2018. Il y avait des mouvements de rue, et des actes de vandalisme terribles ont été commis, qui ont bouleversé les Français. Devant l’atteinte aux biens dans le quartier de l’Étoile, nos compatriotes et nous-mêmes étions saisis par une profonde émotion. Il fallait absolument que ces désordres cessent.
Juste avant Noël, le Gouvernement a présenté un projet de loi. Vous souvenez-vous, monsieur le secrétaire d’État, en combien de jours celui-ci a été adopté ?… Je m’en souviens, j’étais là : trois jours !
Au cours des sept derniers mois, vous n’avez pas jugé impossible de saisir le Parlement à cinq reprises, dont une fois pour retirer de l’ordre du jour le texte que vous aviez présenté. Cela ne nous a pas empêchés d’en débattre longuement, et l’Assemblée nationale de l’adopter.
Bref, l’idée que saisir le Parlement serait du temps perdu, que le Gouvernement ne dispose pas de ce temps précieux est contradictoire avec votre propre pratique, comme elle est tout à fait opposée à ce qui fait l’essence même de la démocratie.
En larguant les amarres du débat parlementaire, en voulant s’affranchir pendant six mois de tout retour devant le Parlement, le Gouvernement prend un grand risque : celui de la solitude, de l’isolement ; celui d’une verticalité excessive, dans laquelle ne reste plus rien entre le Président de la République et le peuple ; celui de la négation de cette représentation nationale que nous incarnons en partie, avec l’Assemblée nationale, et qui représente la diversité des Français et de leur territoire.
Ce risque, monsieur le secrétaire d’État, vous avez tort de le prendre. Ce risque de la solitude, ce risque de l’unilatéralisme, qui peut verser dans l’autoritarisme quand il s’agit d’exercer des pouvoirs exceptionnels, restreignant les libertés individuelles et publiques, eh bien ce risque, vous ne devriez pas le prendre. Vous n’auriez même pas dû déposer cet amendement ce soir !
L’avis est défavorable.