Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 26 janvier 2021 à 21h30
Code de la justice pénale des mineurs — Discussion générale

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’exposé des motifs de l’ordonnance du 2 février 1945, à laquelle se substitue le code dont nous examinons le projet aujourd’hui, énonçait que « la question de l’enfance coupable est l’une des plus urgentes de l’époque ». Bien sûr, ces mots sont l’expression d’un contexte particulier, que nous avons encore tous à l’esprit. Il me semble toutefois qu’ils conservent leur plein sens aujourd’hui.

À leur lecture m’arrive avec gravité l’image de mon département, marqué depuis plusieurs mois par des attaques de groupes de jeunes armés. Mayotte a de nouveau été ébranlée ce week-end par le meurtre de trois personnes, dont deux enfants âgés de 14 et 16 ans, paroxysme d’affrontements tristement répétés qui concernent des mineurs et qui ne cessent de rappeler l’impérieuse nécessité d’une célérité de la réponse pénale, laquelle motive également la création du présent code.

L’exposé des motifs de l’ordonnance de 1945 affirmait également la gravité des problèmes relatifs à « l’enfance traduite en justice ». Je crois que cette formule donne bien à voir le cœur des débats qui nous réunissent aujourd’hui. Elle peut tout autant renvoyer, dans son sens littéral, à une justice qui s’adapte à l’enfant justiciable en se spécialisant qu’au relèvement et à l’évolution possible de l’enfant dans et par la procédure judiciaire. Cette formule condense bien, finalement, les principaux axes de la réforme, fruit de plus de dix années de travaux et de concertations.

La réaffirmation des grands principes de la justice pénale des mineurs, énoncés en 1945 et consacrés par le Conseil constitutionnel, nous semble bienvenue. Fragilisés par près de quarante réformes successives, qui ont rendu la législation peu lisible, ces principes sont déclinés au sein d’un article et d’un titre préliminaires.

Afin de se conformer aux engagements internationaux, le code introduit en outre utilement une présomption simple de non-discernement au-dessous de 13 ans. Cette disposition permettra que le débat sur le discernement du mineur puisse se tenir effectivement.

Je pense également à la simplification de la procédure par la suppression de la phase d’instruction préalable par le juge des enfants, qui n’était pas limitée dans le temps.

La nouvelle procédure de mise à l’épreuve éducative, au terme de laquelle la césure du procès deviendra le principe, permettra d’accélérer la réponse pénale, dont la durée moyenne – dix-huit mois – est actuellement trop longue. Elle permettra également de renforcer le « sens » de cette réponse pour tous les acteurs en présence. Ce terme, marqueur important de la réforme, n’est pas un vain mot ni une incantation teintée d’idéalisme ou de laxisme. Il constitue au contraire le vecteur des perspectives de réinsertion du mineur, qui saisira mieux la portée de mesures éducatives fondées sur une déclaration de culpabilité et intervenant avant le prononcé d’une sanction. De son côté, la victime sera désormais convoquée dès la première audience, pour qu’il soit statué plus rapidement sur son indemnisation.

Je pense enfin à l’encadrement du recours à la détention provisoire du mineur et à la rationalisation des mesures éducatives, rassemblées en une mesure éducative judiciaire unique qui pourra être prononcée aux différents stades de la procédure.

Ces deux apports marquent bien la nécessité de la réponse pénale et du relèvement éducatif du mineur, qui constituent un défi pour l’ensemble de notre société.

Madame la rapporteure, je veux saluer votre travail et votre approche de ce texte.

Sur le fond, vos propositions s’inscrivent pleinement dans l’esprit précité et prolongent les travaux entrepris depuis la commission Varinard jusqu’à l’ordonnance présentée le 11 septembre 2019 par Mme Nicole Belloubet.

Vous avez ainsi maintenu la majorité des apports de l’Assemblée nationale, tels que la référence à l’intérêt du mineur dans l’article préliminaire, le renforcement des garanties dans le cadre de l’audition libre, l’interdiction du recours à la visioconférence pour statuer sur le placement en détention provisoire ou encore la simplification du cumul des mesures éducatives et des peines pour garantir leur adaptation. Certaines de ces modifications bienvenues sont également portées par M. le garde des sceaux, ce que je veux également saluer.

Vous avez en outre enrichi le texte, en précisant notamment qu’une date de mise en place des mesures éducatives devrait être communiquée à l’issue de l’audience de culpabilité, ou encore en proposant une définition de la notion de discernement.

Bien sûr, certains points de discussion demeurent. Je pense notamment à la compétence du tribunal de police pour les contraventions des quatre premières classes ou à celle du juge des libertés et de la détention pour le placement en détention provisoire avant l’audience de culpabilité.

Ces discussions vont se poursuivre ce soir, mais force est de constater que les principaux apports de la réforme, qui ont été largement approuvés par l’autre chambre, sont bien présents dans le texte que nous examinons. Le groupe RDPI, saluant à nouveau l’approche retenue et espérant vivement qu’un accord sera trouvé entre les deux assemblées sur cette réforme attendue, votera ce projet de loi.

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