Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, réunie le 28 janvier, n’est pas parvenue à un accord sur ce texte. Cet échec est regrettable, car nous nous rejoignions pourtant sur de nombreux points - « l’essentiel », aviez-vous alors dit, monsieur le rapporteur -, ce qui laissait légitimement croire à la conclusion d’un compromis acceptable sur l’ensemble de ces travées.
Nous étions d’accord sur la nécessité de proroger l’état d’urgence actuellement en vigueur, compte tenu de la situation sanitaire. La prorogation de son régime jusqu’au 31 décembre 2021, construit, je le rappelle, de manière transpartisane et bicamérale en mars 2020, ne faisait pas non plus débat. La suppression de la mise en place d’un régime transitoire jusqu’au 30 septembre 2021, qui avançait la clause de revoyure au 1er juin, avait également été saluée par le Sénat lors de l’examen en première lecture. Enfin, les deux chambres s’étaient entendues pour ramener le terme de cet état d’urgence au 16 mai.
Notre divergence s’est finalement cristallisée sur un seul point, non des moindres certes, puisqu’il s’agit de la mesure la plus sévère pour les libertés : le confinement. Le Sénat demandait que, en cas de reconfinement généralisé, celui-ci ne puisse être prolongé au-delà d’un mois sans autorisation du Parlement.
Cette inscription dans la loi n’est pas compatible avec le contexte sanitaire, qui nécessite d’ajuster en permanence les mesures nécessaires pour faire face à un virus imprévisible. Elle impliquerait, en effet, la rédaction d’un projet de loi de prolongation d’un confinement deux à trois semaines après le début de ce dernier, alors même que les effets de la mesure et l’évolution de l’épidémie ne seraient pas connus avec certitude.
C’est pourquoi l’Assemblée nationale, dans une réelle volonté d’aboutir, a proposé la tenue d’un débat suivi d’un vote sur le fondement de l’article 50-1 de la Constitution au bout de six semaines de confinement. Le Premier ministre lui-même s’est engagé en ce sens. Cette solution présentait, à mon sens, l’avantage de la souplesse, dont nous avons terriblement besoin dans une période comme celle-ci.
Cette proposition constructive n’a pas recueilli votre assentiment, monsieur le rapporteur, au motif que le Gouvernement resterait constitutionnellement libre d’organiser ou non ce débat, de demander ou non un vote, ou encore que l’objet du vote pourrait être dévoyé. Je ne partage pas cette défiance à l’égard du Gouvernement. La mise en place et la prolongation de ces mesures restrictives de libertés ont toujours été justifiées par la situation sanitaire.
Nous sommes tous très attachés à la démocratie et à son exercice. D’ailleurs, le Parlement dispose de nombreux moyens de contrôle de l’action du Gouvernement et, heureusement, ne se prive pas de les utiliser. Outre la commission d’enquête constituée à l’issue de la première vague, la commission des lois du Sénat a créé, dès le 25 mars 2020, une mission de suivi pluraliste sur les mesures liées à l’épidémie de covid-19, qui a donné lieu à trois rapports d’étape successifs.
Il est, en outre, toujours possible de saisir le juge administratif en référé, si l’on estime que les mesures prises ne sont pas nécessaires et proportionnées, ou appropriées aux circonstances. Certains décrets ont d’ailleurs fait l’objet de nombreux recours devant le Conseil d’État.
Cette occasion manquée a conduit l’Assemblée nationale à rétablir le texte tel qu’elle l’avait voté en première lecture, en ne retenant que deux amendements du Sénat. Le groupe RDPI considère que cette version est équilibrée et qu’elle permettra au Gouvernement d’agir de manière efficace et proportionnée dans cette crise sanitaire sans précédent, et de s’adapter à ses évolutions.
Nous aurions souhaité que le débat se poursuive. C’est la raison pour laquelle nous voterons résolument contre la motion tendant à opposer la question préalable.