Mes chers collègues, je vous ai indiqué tout à l’heure ce qui motive cette motion. Les faits sont là : nous avons un désaccord unique – tous les autres sujets auraient pu faire l’objet d’un compromis –, mais ce désaccord est très important. Il porte sur la capacité du Parlement à exercer, au nom des Français, le contrôle le plus resserré possible sur toute mesure de confinement.
On voit à quel point une telle question est sensible. Nous n’avons pas connu, depuis les guerres mondiales, des restrictions de liberté aussi importantes que celles qui ont été prises pour lutter contre l’épidémie de covid-19. Même après 2015, lorsque l’état d’urgence a été activé pour faire face à la crise terroriste, les restrictions de liberté n’ont jamais atteint la généralité et l’intensité que l’on peut connaître avec le confinement.
Et comme le temps a passé depuis le premier confinement, comme les moyens d’action que nous avons accordés au Gouvernement se sont progressivement accrus, comme la situation sanitaire est tout de même moins grave, même si elle est très préoccupante, que celle que nous avons pu connaître, nous pensons que ce serait un terrible échec de la politique de lutte contre cette épidémie que de devoir procéder à un nouveau reconfinement.
Toutefois, si une telle décision devait être prise, le contrôle devrait vraiment être porté au niveau d’exigence qui convient pour que les Français aient l’assurance que l’exécutif n’utilise pas ces moyens sans frein.
Il me semble qu’il s’agit là d’une proposition de bon sens et qu’elle n’est nullement exorbitante : nous sommes toujours en démocratie et nous sommes toujours dans un État de droit.
Le Gouvernement nous dit qu’il est tout à fait disposé à organiser devant le Parlement un débat au titre de l’article 50-1 de la Constitution et qu’il serait même prêt à nous proposer de nous prononcer à l’issue de ce débat par un vote sur une déclaration gouvernementale.
Y a-t-il équivalence entre cette proposition et la disposition que nous avons adoptée au Sénat pour exiger qu’un confinement ne puisse pas être prolongé au-delà d’un mois sans une loi l’y autorisant ? La réponse est évidemment non !
Quand un gouvernement fait une déclaration – appelons-la « déclaration de politique sanitaire » – et demande un vote, il sollicite non pas l’autorisation de prolonger un confinement, mais l’approbation de sa politique sanitaire. Et les conséquences de ce vote ne sont pas les mêmes que celles de l’adoption ou du rejet d’un texte législatif autorisant le prolongement d’un confinement.
Ce serait donc en quelque sorte un marché de dupes que de vouloir échanger une loi contre un débat, un vote sur la politique sanitaire contre un vote sur l’autorisation de restreindre pendant une durée supplémentaire les libertés des Français, autorisation qui suppose tout de même une évaluation de la nécessité absolue de prendre de telles mesures. Je pense que nous ne pouvons pas accepter cela.
À mon sens, notre rôle devant les Français, en toute transparence, sous leur regard, est de dire au Gouvernement que s’il souhaite être efficace dans la lutte contre la covid, il a besoin de renforcer l’acceptabilité des mesures qu’il prend. Et il ne pourra la renforcer que si, au sein de la représentation nationale, tous les courants de pensée, dans leur diversité, sont amenés à s’exprimer au nom des Français et à approuver ces mesures. En effet, à ce moment-là, le Gouvernement ne sera plus seul devant les Français.
Et je dois vous le dire, loin d’être éloigné de l’idée que nous nous faisons de la responsabilité politique, ce que nous suggérons est vraiment l’essence de cette responsabilité. Nous sommes prêts à l’assumer. Nous l’avons toujours fait.
Si, après avoir, en octobre et en novembre, puis en février, inlassablement expliqué ce que je suis en train de vous répéter, au risque d’user de votre attention, voire d’en abuser, si, après tant d’efforts pour expliquer des choses si simples et évidentes, nous ne sommes pas parvenus à convaincre, c’est sans doute que nous n’avons pas été suffisamment clairs et que nous n’avons pas su trouver les mots justes ; je veux bien le croire.
Mais c’est aussi parce que le Gouvernement ne veut pas nous entendre ! Alors, à quoi bon reprendre la discussion après l’échec de cette commission mixte paritaire pour adopter de nouveau un texte dont tout le monde connaît la teneur, qui serait le même que celui que nous avons adopté voilà seulement quinze jours ? Nous disons maintenant que le débat est fini sur cette question entre le Gouvernement et nous.
C’est la raison pour laquelle la commission des lois m’a demandé de présenter devant notre assemblée cette motion tendant à opposer la question préalable. Nous voulons maintenant tourner, avec beaucoup de regrets, cette page, qui signe la mise à l’écart du Parlement de la gestion de la crise sanitaire !