Intervention de Pierre Bernard-Reymond

Réunion du 6 mai 2008 à 16h00
Modernisation du marché du travail — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Pierre Bernard-ReymondPierre Bernard-Reymond, rapporteur :

La mise en œuvre totale de cet accord nécessite une loi pour certaines de ses dispositions, mais aussi des décrets, que le Gouvernement a d’ores et déjà commencé à rédiger en concertation avec les signataires, ainsi que des accords interprofessionnels et des accords de branche.

S’agissant du texte de loi, je voudrais attirer votre attention, mes chers collègues, sur la réaffirmation solennelle du principe selon lequel le CDI est « la forme normale et générale de la relation de travail ». Tous les autres contrats – et ils sont, semble-t-il, nombreux – ne sont destinés qu’à répondre à des besoins d’adaptation, à des situations ponctuelles, et ils participent à ce titre de la flexibilité.

Toutefois, madame la secrétaire d’État, une certaine rationalisation tendant à réduire le nombre de ces contrats ne serait certainement pas superflue, s’il est vrai, comme on nous l’a indiqué, que notre législation en compte déjà trente-huit formes différentes.

Le deuxième point fort de ce projet de loi est la réglementation de la période d’essai, que le code du travail ne traitait curieusement jusqu’ici que de façon allusive. La période d’essai ne pourra dépasser une durée maximale, différente selon les catégories de salariés, et ne pourra être renouvelée qu’une fois.

Le troisième point important du texte est la rupture conventionnelle du contrat de travail par le commun accord des parties. Outre la démission et le licenciement, employeur et salarié peuvent désormais se séparer à l’amiable, à condition de respecter une procédure qui garantit la liberté de consentement des parties.

Les partenaires sociaux ont d’abord prévu que salarié et employeur pourraient se faire assister, pour négocier la rupture, par un membre du personnel de l’entreprise. Souhaitant vraisemblablement écarter toute idée de « judiciarisation » de la procédure, ils n’ont en revanche pas retenu la possibilité de se faire assister par un avocat.

Les partenaires sociaux ont ensuite confié une mission de contrôle au directeur départemental du travail et ils ont souhaité que, en cas de conflit, les prud’hommes, et eux seuls, soient amenés à statuer.

Cette séparation à l’amiable donne droit aux allocations chômage, ce qui devrait dissuader les salariés de chercher à se faire licencier, plutôt que de démissionner, comme cela arrive parfois.

Le quatrième point consiste à créer un nouveau type de contrat : le contrat à durée déterminée à objet défini.

Ce contrat a été imaginé dans le but de faire accomplir une tâche bien circonscrite, limitée dans le temps, de dix-huit à trente-six mois, et qui ne devrait pas concerner des emplois permanents dans l’entreprise. En cas de rupture, ce contrat donne lieu à indemnisation dans les mêmes conditions qu’un CDD classique.

Enfin, ce projet de loi légalise le portage salarial, pratique née il y a une vingtaine d’années, qui concerne environ 20 000 personnes chaque année en France et qu’aucune disposition n’est venue codifier jusqu’à aujourd’hui, ses utilisateurs se trouvant ainsi placés dans une grande insécurité juridique.

Le portage salarial vise à concilier les avantages du travail indépendant et ceux du salariat : un professionnel autonome cherche une mission auprès d’une entreprise cliente ; une fois qu’il l’a trouvée, il s’adresse à une société de portage, avec laquelle il signe un contrat de travail ; lorsque la mission est terminée, la société encaisse les honoraires versés par le client et reverse au professionnel une rémunération sous forme de salaire, après avoir retenu les frais de gestion et la totalité des cotisations sociales.

Le professionnel se trouve ainsi allégé des charges de gestion et peut en outre bénéficier d’une assurance chômage entre deux missions.

Les partenaires sociaux se sont accordés pour reconnaître une véritable utilité sociale à cette forme de contrat, en particulier pour les seniors. Ils en ont donc souhaité la légalisation et ont demandé que son organisation soit dévolue à la branche de l’intérim.

Toutefois, plusieurs organisations professionnelles existent dans ce secteur et l’une d’entre elles a même déjà signé un accord avec trois organisations syndicales. Il conviendrait donc que la branche de l’intérim tienne compte de leur expérience et les associe aux négociations, dans des formes à déterminer.

Telles sont, mes chers collègues, les principales dispositions du texte qui nous est soumis. Vous aurez compris que rompre l’équilibre de ce texte remettrait en cause tant l’esprit de la loi de janvier 2007 que le contenu de l’accord signé en janvier 2008. Mais, plus grave encore, il serait démontré que, décidément, la France est incapable de conduire des relations de travail de façon moderne, apaisée, contractualisée.

Certes, ce type d’accord n’est pas le premier de notre histoire : l’initiative du général de Gaulle aboutissant à la création de l’Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, l’UNEDIC, de même que les travaux de Jacques Chaban-Delmas, Joseph Fontanet, Jacques Delors aboutissant à la loi de 1971 portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l’éducation permanente sont là pour le prouver.

Mais nous pouvons espérer que, cette fois-ci, nous entrons dans une forme de négociation durable et que, désormais, tous les accords nécessaires seront élaborés dans cet esprit et selon cette procédure. Nous vivons donc un moment important de l’histoire des relations du travail ; ne brisons pas cet élan !

C’est pourquoi, avant de conclure, je voudrais m’adresser, d’abord, à celles et ceux de nos collègues que l’équilibre atteint ne satisfait pas et qui ont peut-être le sentiment que les salariés ne bénéficient pas, dans ce projet de loi, de toutes les protections nécessaires.

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