Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi du président Buffet que nous examinons cet après-midi tire les conséquences d’une récente décision du Conseil constitutionnel, qui a estimé qu’il incombait au législateur de garantir aux personnes placées en détention la possibilité de saisir le juge de conditions de détention contraires à la dignité de la personne, afin qu’il y soit mis fin. Cette décision du Conseil constitutionnel fait suite à un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme condamnant la France, ainsi qu’à un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui a créé une nouvelle voie de recours ouverte aux personnes placées en détention provisoire.
La proposition de loi reprend le dispositif d’un amendement que le Gouvernement avait initialement envisagé de faire adopter, en décembre 2020, par l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif au Parquet européen. Le Gouvernement a cependant dû y renoncer, lorsque l’amendement a été déclaré irrecevable par l’Assemblée nationale sur le fondement de l’article 45 de la Constitution.
Toujours est-il que la décision du Conseil constitutionnel imposait une action rapide, dans le délai qu’il avait prescrit. C’est ce qui a conduit notre collègue François-Noël Buffet à prendre l’excellente initiative du dépôt de cette proposition de loi.
Le texte insère dans le code de procédure pénale un nouvel article 803-8, qui prévoit dans quelles conditions et selon quelles modalités un détenu peut saisir le juge judiciaire, lorsqu’il estime subir des conditions indignes de détention, afin qu’il y soit mis fin. Il procède également à une mesure de coordination à l’article 144-1 du code de procédure pénale et complète le paragraphe III de l’article 707 du même code. Ce paragraphe III affirme le droit, pour toute personne condamnée incarcérée en exécution d’une peine privative de liberté, de bénéficier, chaque fois que cela est possible, d’un retour progressif à la liberté, en tenant compte des conditions matérielles de détention et du taux d’occupation de l’établissement pénitentiaire, dans le cadre d’une mesure de semi-liberté, de placement à l’extérieur, de détention à domicile sous surveillance électronique, de libération conditionnelle ou d’une libération sous contrainte, afin d’éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire.
La proposition de loi précise que le droit de la personne d’être incarcérée dans des conditions respectant sa dignité est garanti par les dispositions du nouvel article 803-8.
Je me réjouis que la commission ait approuvé le dispositif équilibré de ce texte, tout en y apportant plusieurs précisions pour le parfaire.
Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants, comme le Sénat dans son ensemble, est particulièrement attentif au respect des droits fondamentaux des personnes. Il votera donc ce texte à l’unanimité. Toutefois, ne nous y trompons pas, l’adoption de cette proposition de loi ne résoudra pas à elle seule le problème posé par les conditions de détention dans notre pays. Elle ne dispensera donc pas la France de poursuivre son programme de construction et de rénovation de places de prison – vous en avez parlé, monsieur le garde des sceaux.
Je veux ici rappeler que le Gouvernement s’est engagé à ouvrir 7 000 places d’ici à 2022 et à lancer les opérations pour l’ouverture de 8 000 places supplémentaires à l’horizon de 2027. À plusieurs reprises, dans le cadre des travaux de la commission des lois, notamment en tant que rapporteur pour avis du budget de l’administration pénitentiaire, j’ai eu l’occasion de m’interroger sur le manque d’ambition de ce programme, qui se contente de prolonger des projets lancés par la précédente majorité. Je souhaite, monsieur le garde des sceaux, que, sous votre houlette, il soit amplifié – ce serait de bon aloi. Sa mise en œuvre devrait en effet conduire à une amélioration des conditions de détention, en réduisant la surpopulation dans les maisons d’arrêt. Il est donc primordial que ce programme ne prenne pas de retard du fait de la situation sanitaire et qu’il ne soit pas affecté par des mesures de régulation budgétaire.
Monsieur le garde des sceaux, pour tous ces combats qui sont à mener, vous pouvez compter sur notre groupe et sur le Sénat.