Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cela fait des années que nous ne cessons de décrier le sort réservé aux détenus dans les prisons françaises. Entre surpopulation carcérale et conditions de détention inhumaines et dégradantes, nos prisons ne sont plus, depuis bien trop longtemps maintenant, à l’image d’un pays qui se revendique patrie des droits de l’homme… et de la femme – nous sommes le 8 mars, tout de même !
Les chiffres sont alarmants : en moins de vingt ans, les prisons françaises sont passées de 48 000 à 72 000 personnes détenues. Si ce chiffre a récemment connu une légère baisse liée à la crise sanitaire, il n’en reste pas moins qu’au 1er janvier 2021 ce sont plus de 20 000 personnes qui sont encore détenues dans des établissements, dont le taux d’occupation est supérieur à 120 %. En outre, à ce jour, une trentaine d’établissements pénitentiaires a été considérée par la justice comme exposant les personnes détenues à des traitements humiliants.
Cette situation, nous ne pouvons pas prétendre la découvrir aujourd’hui ! Déjà en 2018, j’interpellais le Gouvernement sur les violences et les mauvais traitements que subissaient certains détenus à la prison de Villefranche-sur-Saône. La garde des sceaux d’alors m’avait formulé une réponse qui était le symbole du déni ordinaire des pouvoirs publics face à ce sujet pourtant si important, mais peu traité par les médias, donc peu exposé au regard des citoyens.
En juillet 2019, je publiais une tribune dans la presse pour dénoncer les graves violences physiques et morales qui ont lieu dans nos prisons et, à de nombreuses autres occasions, nous avons publiquement défendu le droit au respect de la dignité en prison, y compris dans cet hémicycle.
Ces nombreux appels sont restés lettre morte jusqu’aux décisions de la CEDH du 30 janvier 2020 et surtout du Conseil constitutionnel du 2 octobre dernier – c’est à cette dernière décision que nous devons ce texte précipitamment mis à l’ordre du jour de notre chambre. Le Conseil a considéré qu’il incombait au législateur de garantir aux personnes placées en détention la possibilité de saisir le juge pour des conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine. L’échéance avait été fixée au 1er mars 2021.
Parce que la défense de la dignité des personnes détenues est notre engagement de longue date, nous ne pouvons que soutenir cette proposition de loi et nous y associer. N’oublions pas que, derrière celle-ci, des vies sont concernées.
La récente actualité nous le rappelle clairement. Le 2 février dernier, un homme incarcéré à Meaux est décédé ; il avait été hospitalisé quelques jours plus tôt à la suite d’une violente altercation avec des surveillants. Le même jour, à la maison d’arrêt pour femmes de Poitiers-Vivonne, une violente altercation avec des surveillantes causa à une détenue quarante-deux jours d’ITT.
Monsieur le garde des sceaux, selon votre prédécesseure, l’objectif du Gouvernement était, je cite, que, « d’ici à la fin du quinquennat, des conditions de détention plus dignes et conformes aux engagements européens soient mises en place ». Si cette proposition de loi est une première étape, nous attendons toutefois une amélioration urgente des conditions de vie dans les lieux de détention, ainsi que des relations entre les personnes détenues et les surveillants. Nous attendons aussi davantage d’écoute de la part du personnel médical et d’encadrement de ces établissements. Il est également important de se pencher sur les problèmes psychiatriques : ils sont traités avec un peu de négligence, alors qu’il s’agit d’une question si importante.
Ce n’est pas en construisant de nouvelles prisons, sitôt construites, sitôt remplies, que l’on réglera le problème de la surpopulation carcérale. La réforme des lieux de privation de liberté reste un chantier ample et complexe. En attendant, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera ce texte.