Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui intervient après l’arrêt de condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme à l’encontre de la France du 30 janvier 2020. La France a alors été condamnée à indemniser trente-deux personnes incarcérées dans un certain nombre d’établissements pénitentiaires de métropole et d’outre-mer.
La Cour européenne des droits de l’homme a notamment relevé des conditions indignes de détention de ces prisonniers, considérant qu’elles étaient constitutives d’un mauvais traitement au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Pour cette instance juridictionnelle, le minimum requis pour assurer la dignité que l’on est en droit d’attendre n’est pas respecté en France : possibilité d’utiliser les toilettes de manière privée ; aération disponible ; accès à la lumière et à l’air naturels ; qualité du chauffage ou encore respect des exigences sanitaires de base. De même, elle a relevé la présence de nuisibles, tels que des cafards, des rats, des poux, des punaises ou autres parasites. Elle en appelle donc à traiter ces mauvaises conditions par des moyens plus appropriés de désinfection, des produits d’entretien, des fumigations et en procédant à des vérifications régulières des cellules, ainsi qu’à prendre des mesures visant à résorber véritablement la surpopulation carcérale.
Cet arrêt de condamnation du 30 janvier 2020 relève enfin, et c’est là un point important, le non-respect de l’article 13 de la Convention européenne, qui reconnaît à toute personne dont les droits et libertés ont été violés un droit à un recours effectif devant une instance nationale. La Cour souligne en effet que les requérants ne disposent pas d’une voie de recours effective afin de faire cesser ces conditions de détention jugées indignes.
La dignité humaine en prison est l’un des sujets sur lesquels la France est régulièrement condamnée par la CEDH : dix-sept condamnations !
Dans le même temps, le 2 octobre dernier, le Conseil constitutionnel a exigé du législateur qu’il garantisse aux personnes détenues la possibilité de saisir le juge de conditions de détention contraires à la dignité de la personne, et ce en votant une nouvelle loi avant le 1er mars 2021.
S’il est évident que l’échéance ne sera pas respectée, la présente proposition de loi répond à un impératif de dignité humaine et constitue une étape importante pour améliorer le respect des droits fondamentaux dans notre pays. Je salue donc l’initiative du président de notre commission et le félicite de sa réactivité, plus grande que celle du Gouvernement, qui envisageait de traiter ce sujet dans le futur projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, dont l’examen n’est pas prévu, je crois, avant le mois de juin.
Ce texte doit donc permettre à un détenu qui considérerait faire l’objet de conditions de détention indignes de saisir le juge judiciaire. Une fois saisi, celui-ci disposerait de trois options : ordonner soit le transfèrement du détenu, soit sa mise en liberté ou bien un aménagement de sa peine.
Pour autant, monsieur le garde des sceaux, cette amélioration ne saurait faire perdre de vue ce qui doit être, me semble-t-il, la réponse véritable et durable à la question des conditions de détention, qui nous occupe aujourd’hui. Je veux parler de la construction de nouveaux établissements. Vous l’avez dit, la prison est une des réponses pénales possibles.
Force est de constater que le compte n’y est pas aujourd’hui, le programme immobilier pénitentiaire ayant connu, avant vous, il est vrai, quelques soubresauts par rapport à l’intention initiale affichée. Je rappelle que le Président de la République avait expressément fixé l’objectif de 15 000 places de prison construites durant ce mandat. Entre-temps, cette promesse a connu quelques codicilles : il fallait comprendre places de prison lancées et non construites, sur non pas un, mais deux mandats présidentiels. C’est en tout cas ce qu’avait acrobatiquement tenté de nous faire comprendre votre prédécesseur en sortant les rames.
Pour être juste, je me dois de compléter mon propos pour dire que, sous le mandat précédent, ce n’était pas fameux non plus, puisque, in fine, seules 2 000 places ont été construites.
S’agissant plus précisément du texte qui nous occupe aujourd’hui, je souligne qu’il a été modifié en commission par l’adoption de neuf amendements, qui visent essentiellement à parfaire la procédure. Je me félicite du dispositif proposé. Je remercie le président de la commission d’avoir insisté auprès du Gouvernement pour que ce sujet soit inscrit rapidement à l’ordre du jour de notre assemblée.