Intervention de Bernard Jomier

Réunion du 1er avril 2021 à 15h00
Amélioration du système de santé par la confiance et la simplification — Rejet en nouvelle lecture d'une proposition de loi

Photo de Bernard JomierBernard Jomier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons à nouveau pour étudier cette proposition de loi dans un contexte marqué par la crise que nous connaissons.

Il y a un an, les Françaises et les Français applaudissaient spontanément le personnel soignant. Après une année très difficile, un dévouement sans précédent de ces personnels, le décès de beaucoup d’entre eux, tous avaient imaginé une prise de conscience collective et un appui ferme et unanime des pouvoirs publics. Ils auront entendu le chef de l’État hier soir leur demander de nouveaux efforts.

En contrepartie, pour répondre à leurs demandes, le Gouvernement propose un texte largement insuffisant, d’ailleurs marqué par des rétropédalages et des ajouts de dernière minute, un texte qui ne répond qu’à une infime part des demandes, et qui n’y répond du reste pas toujours bien.

Cette proposition de loi apparaît plus que jamais en décalage avec les besoins matériels et humains dont notre système de soins a besoin. C’est la raison pour laquelle l’écrasante majorité des syndicats et des associations de professionnels de santé s’est positionnée contre son adoption.

Vous avez fait le choix de légiférer dans une certaine forme de précipitation. Malgré d’importantes contributions du Sénat, l’Assemblée nationale a, pour l’essentiel, rétabli in fine son texte.

La proposition de loi avait pour ambition de réaffirmer le rôle des services et du chef de service dans la gouvernance de l’hôpital. Nous pensons en effet qu’ils constituent une unité pertinente dans la prise de décision, dans l’organisation et la mise en œuvre de l’offre de soins, et que les réformes successives de l’hôpital les ont trop éloignés des instances décisionnelles.

Mais, au fond, ce texte ne procède ni à un réel changement de cap ni à une nouvelle répartition des compétences entre les pôles d’activité et les services qu’attendent pourtant les personnels hospitaliers. Avec cette loi, la gouvernance de l’hôpital ne répondra toujours pas au besoin de reconnaissance des soignants, pas plus qu’elle ne tirera vraiment les leçons de la crise. Par exemple, vous n’avez pas tiré les enseignements du printemps dernier lorsque l’hôpital, malgré la surcharge extrême, fonctionnait mieux, car l’administration était au service des soignants, et non dans la complication et la limitation permanente de leur action.

« Confiance et simplification », dites-vous, quand le 17 mars dernier, à l’issue du conseil des ministres, le Président de la République a signé deux ordonnances déclinant les dispositions de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. L’une de ces ordonnances est « relative aux groupements hospitaliers de territoire et à la médicalisation des décisions à l’hôpital », quand l’autre vise « à favoriser l’attractivité des carrières médicales hospitalières ».

Sur la forme, vous ne respectez pas le principe de l’ordonnance. En juillet 2019, le Parlement vous donnait sa confiance pour légiférer de la sorte, afin de vous donner le temps d’un travail rigoureux associant l’ensemble des représentants des professions concernées. À l’arrivée, comment pouvez-vous estimer que les concertations ont été menées dans de bonnes conditions, alors qu’il en résulte un rejet massif des organisations syndicales ?

Un collectif regroupant un grand nombre de médecins a dénoncé dans un récent communiqué des ordonnances « écrites à marche forcée ces derniers mois, aboutissant lors du Conseil supérieur des personnels médicaux, pour la première, à un vote unanimement défavorable de l’ensemble des représentants des praticiens et, pour la seconde, à un vote majoritairement défavorable de cette représentation ». Voilà comment les premiers concernés jugent cette loi.

Sur le fond, ces deux ordonnances reprennent les thématiques de la proposition de loi que nous examinons actuellement. Quelle crédibilité accordez-vous au Parlement pour le traiter ainsi ? C’est entre autres pour cette raison que, en première lecture, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a proposé une motion tendant au renvoi du texte en commission.

Ce n’est pas surprenant : les leçons de la pandémie ne sont toujours pas tirées. En vérité, soignants comme parlementaires, nous attendons une loi Santé à la hauteur de l’engagement de nos professionnels de santé, des transformations nécessaires du système de soins. Nous en sommes tellement loin que la poursuite de ce débat ne nous semble pas utile. C’est la raison pour laquelle nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable.

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