Intervention de Jacques Muller

Réunion du 30 septembre 2010 à 15h00
Nouvelle organisation du marché de l'électricité — Vote sur l'ensemble, amendement 245

Photo de Jacques MullerJacques Muller :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à l’issue de nos débats au demeurant fort courtois, force est de constater que la loi NOME instaure une usine à gaz, objectivement kafkaïenne, dont il ressort in fine que l’on fait un pas de plus en direction de l’abandon au secteur privé de la gestion d’un bien pourtant essentiel et stratégique, l’électricité, avec comme première conséquence une hausse à court terme de 12 % de son prix, préjudiciable aux entreprises et aux ménages, particulièrement les plus modestes qui chauffent leurs logements mal isolés à l’électricité.

La discussion a cependant permis de mettre sur la place publique les défis colossaux sur le plan financier pour EDF entraînés par la décision de prolonger de vingt ans la durée de vie du parc nucléaire – 35 milliards d’euros à trouver rapidement – dans la perspective de son renouvellement estimé par le président Proglio à plus de 230 milliards d’euros, sans compter l’explosion du coût du développement de l’EPR : on comprend ses inquiétudes quant au prix de cession du courant nucléaire à ses concurrents…

Ainsi la filière électronucléaire française apparaît-elle désormais comme un colosse aux pieds d’argile, essentiellement pour deux raisons.

D’une part, elle dépend fondamentalement de gisements fossiles limités et situés dans des zones sensibles : les drames récents au Niger viennent démontrer combien l’indépendance énergétique de la France grâce au nucléaire n’est finalement qu’un mythe !

D’autre part, elle est entrée dans un goulet d’étranglement financier parce que le parc est vieillissant et que les stratégies de long terme qui s’imposent ne sont plus de mise dans une économie financiarisée où les actionnaires exigent des retours de dividendes rapides !

Nous connaissons tous la fameuse injonction : « Boire ou conduire, il faut choisir ! ». Il en est de même en termes de stratégie de production électrique : « nucléaire ou renouvelable, il faut choisir », tout simplement parce que nos capacités d’investissement ne sont pas illimitées et que la filière nucléaire est l’industrie la plus gourmande en capital.

Le couperet est tombé. Rappelons trois décisions emblématiques. En adoptant l'amendement n° 245 déposé par la majorité ouvrant la possibilité pour les grands groupes privés de participer au financement des investissements colossaux exigés dès aujourd’hui, le Sénat tente de consolider la filière nucléaire française, pourtant structurellement fragilisée.

Par contre, en refusant notre amendement n° 213 élargissant la possibilité pour des fournisseurs à vocation non lucrative – notamment les sociétés d’économie mixte et les sociétés coopératives d’intérêt collectif – de bénéficier de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, le Sénat refuse un dispositif qui permettait de stimuler le développement de la production d’énergie renouvelable.

De même, en refusant notre amendement n° 221 permettant de mettre à contribution les fournisseurs privés dans le cadre des plans départementaux destinés à lutter contre la précarité énergétique, le Sénat a démontré qu’il préférait ménager le secteur privé plutôt que de le mobiliser pour économiser l’énergie et se donner les moyens nécessaires pour isoler les logements des familles les plus pauvres.

Pour conclure, je considère que les affirmations ex cathedra de M. Apparu concernant le prix de revient du courant nucléaire ne manquent pas de culot. En effet, les provisions affichées pour le traitement des déchets, le démantèlement des centrales en fin de vie et le traitement de ces sites gravement pollués relèvent purement et simplement du dumping environnemental : en témoigne le scandaleux moratoire de cinq ans portant sur l’abondement par EDF aux fonds dédiés au traitement des déchets nucléaires, comme si le problème était réglé !

Alors, tentative de ménager le système électronucléaire français dans le cadre d’une libéralisation du marché de l’électricité, privilèges octroyés aux opérateurs privés, immobilisme coupable en termes d’économies d’énergie, de promotion des énergies renouvelables et de lutte contre la précarité énergétique… Nous votons contre cette loi NOME, qu’il faudra désormais appeler « Nouvelle opération mainmise sur l’électricité » au profit du secteur privé !

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