Je souhaite vous donner quelques chiffres, qui sont à prendre avec précaution, car, évidemment, la situation change chaque semaine. Au 3 mai 2021, 469 personnes étaient détenues dans des prisons françaises pour des actes de terrorisme en lien avec la mouvance islamiste. Parmi celles-ci, 253 sont condamnées et purgent une peine définitive, et 162 doivent sortir dans les prochaines années.
Parmi les personnes condamnées pour acte de terrorisme en lien avec la mouvance islamiste, 20 % feront l'objet, à leur libération, d'un suivi socio-judiciaire, prononcé en même temps que la peine, et 5 % seront suivies dans le cadre d'un sursis probatoire, lorsque la peine ferme est assortie d'un sursis avec des obligations. Les 75 % restants pourront bénéficier d'un accompagnement, mais seulement sur la durée de la réduction de peine éventuellement octroyée. Cela montre à quel point la proposition de loi est nécessaire.
Monsieur Leconte, vous affirmez que la Micas, mesure administrative, fait parfaitement l'affaire et ne soulève pas de difficulté constitutionnelle, alors que la mesure judiciaire poserait problème. Selon vous, cette « mesure phare » est plus efficace et il serait difficile de superposer les deux mesures, car la mesure judiciaire affaiblirait la mesure administrative. Je ne suis pas d'accord. Aujourd'hui, chaque terroriste qui sort de prison et qui présente un caractère de dangerosité fait l'objet d'une Micas, mais il faut justifier d'éléments nouveaux à chaque renouvellement, c'est-à-dire tous les trois mois. C'est vrai, en cas de superposition, la mesure judiciaire de sûreté prend le pas sur la mesure administrative et, effectivement, la Micas peut alors être affaiblie, mais sur un seul point : le pointage. Une personne qui sort de prison peut être obligée de pointer tous les jours, alors que, dans le cadre d'une mesure judiciaire de sûreté, elle ne peut être contrainte de pointer que trois fois par semaine au maximum.
L'affaiblissement de la mesure administrative par la mesure judiciaire est donc possible et c'est pourquoi je propose, à la demande du parquet national antiterroriste et du juge de l'application des peines antiterroriste, de supprimer le pointage dans le cadre de la mesure de sûreté judiciaire ; le pointage doit relever exclusivement des mesures administratives.
On ne sait pas exactement qui seront les premiers concernés ; mais, globalement, ce seront ceux qui sortiront de détention, après la promulgation de la loi, sans pouvoir faire l'objet d'un suivi d'une autre nature. Nous n'avons pas le chiffre exact ; nous ne connaissons pas les sorties futures, car nous ne connaissons pas les réductions de peine qui seront octroyées. Néanmoins, selon moi, ce qui importe, c'est moins le nombre que la dangerosité des personnes qui sortiront. Même s'il n'y a que cinq personnes concernées, si elles sont dangereuses, il faut pouvoir les suivre.
Si les Micas sont insuffisantes, c'est en raison non de la faiblesse des obligations en matière de surveillance, mais de la difficulté de leur renouvellement et de leur durée, de douze mois continus ou discontinus. Le Conseil constitutionnel n'a validé cette mesure administrative, qui attente gravement aux libertés individuelles, que parce qu'elle ne dépasse pas douze mois. La Micas ne suffit donc pas.
Monsieur Richard, on tâtonne en effet quelque peu sur les mesures que l'on peut ou non cumuler ; je l'admets. Je n'ai pas la certitude que le Conseil constitutionnel validera le texte, mais le travail réalisé par M. Buffet me semble de nature à tenir compte de ce que le Conseil constitutionnel avait indiqué.
La mesure de sûreté que comporte le projet de loi du Gouvernement est de nature un peu différente : elle est cantonnée aux obligations liées à la réinsertion, sans prévoir d'obligations liées à la surveillance des personnes. Le texte du Gouvernement s'en remet pour cela aux Micas, dont il allonge en outre la durée à deux ans.