Intervention de Daniel Gremillet

Commission des affaires économiques — Réunion du 31 mai 2021 à 14h30
Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets — Examen du rapport pour avis

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet, rapporteur pour avis :

Chers collègues, je vous présente les points essentiels du volet du projet de loi consacré à l'énergie et aux mines. J'ai abordé mes travaux avec la philosophie qui est celle de notre commission en matière de transition énergétique : nous souhaitons une transition énergétique ambitieuse, mais concrète, ancrée dans nos territoires, qui fait confiance à la libre initiative de nos entreprises, de nos collectivités ou des citoyens.

J'ai donc recherché un équilibre, dans chacune des dispositions examinées, entre compétitivité économique et exigence environnementale : il nous faut progresser vers la croissance verte, pourvoyeuse d'emplois à haute valeur ajoutée et peu délocalisables ; dans un monde globalisé, nous devons veiller à notre souveraineté énergétique et minière.

Concernant la réforme du code minier, il s'agit d'un projet très technique attendu depuis dix ans, qui semble faire consensus parmi les professionnels et les associations de protection de l'environnement ; en effet, le projet de réforme a reçu l'accord unanime du Conseil national de la transition écologique (CNTE) à l'automne, où l'ensemble des parties prenantes sont représentées. Il s'agit également d'un sujet consensuel entre nos commissions, puisque nous avons veillé, avec le rapporteur de la commission du développement durable, à travailler en symbiose ; nos positions sont, en tous points, identiques.

L'enjeu de cette réforme est de plusieurs ordres : il faut, tout d'abord, actualiser un droit devenu obsolète pour les porteurs de projets ; il s'agit également d'intégrer pleinement les enjeux environnementaux dans le code minier ; et enfin, il convient de nous préparer à une concurrence âpre à l'échelle planétaire, où l'accès aux ressources est disputé.

Sur la méthode, cette réforme intervient à travers une habilitation à légiférer par ordonnance ; je vous propose d'infléchir cette méthode en limitant l'habilitation dans le temps, en spécifiant les parties prenantes associées et en prévoyant une présentation de sa mise en oeuvre devant le Parlement. Je souhaite aussi l'encadrer sur certains points, dans un souci de sécurité juridique pour les porteurs de projets, de décentralisation maximale pour les collectivités territoriales et de stabilité normative, avec la préservation des acquis des réformes de simplification de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap) et de la loi pour un État au service d'une société de confiance (Essoc).

De plus, je veux supprimer quinze dispositions d'habilitation, satisfaites par le projet adopté par l'Assemblée nationale ou par celui qui résultera des travaux du Sénat. Je souhaite, à l'inverse, inscrire dans le marbre cinq dispositions issues de l'avant-projet de réforme : le caractère d'intérêt général de la valorisation et de la gestion des ressources minières ; le principe de proportionnalité des procédures ; celui de l'information préalable des collectivités territoriales ; le registre électronique des titres miniers ; la recodification du dossier de reconversion des concessions.

Je propose, en outre, de sécuriser deux procédures décisives : concernant le contentieux, je suggère d'éviter que les évolutions des documents d'urbanisme ne remettent en cause la validité des autorisations minières accordées, de borner les délais de recours et de prévoir une procédure de régulation, comme cela existe pour les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) ou les autorisations environnementales (AE), qui relèvent, quant à elles, du code de l'environnement ; s'agissant de l'analyse environnementale, à laquelle seront dorénavant soumis les projets miniers, et qui permettra à l'autorité administrative de rejeter des demandes présentant un « doute sérieux » par rapport à la préservation des intérêts environnementaux, je propose de prévoir une procédure contradictoire ainsi qu'une exigence de motivation explicite des décisions de refus.

En matière de la lutte contre l'« orpaillage illégal », mes modifications visent simplement à sécuriser l'application des dispositions ; comme il s'agit de droit pénal, je les ai travaillées en lien avec le rapporteur de la commission des lois.

À titre complémentaire, je propose un amendement d'appel pour préparer la réforme de la fiscalité minière, qui doit intervenir dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2022, car cette fiscalité est mal répartie entre les communes et faible par rapport aux cours des matières premières, comme celui de l'or.

Dans le domaine de l'énergie, je souhaite à la fois ajuster et conforter le texte, voire rehausser son ambition, car il nous faut combler ses lacunes. La lutte contre le dérèglement climatique, c'est avant tout la décarbonation de notre mix énergétique. Or, il y a très peu de mesures sur l'hydroélectricité et l'hydrogène, et aucune sur le nucléaire ; sur ces aspects stratégiques, il nous faut muscler ce texte.

En premier lieu, mon objectif est de conserver l'accord de la commission mixte paritaire (CMP) de la loi Énergie-Climat, dont 20 % des dispositions sont aujourd'hui modifiées par le projet de loi Climat-Résilience. Je propose que les objectifs régionalisés en matière d'énergies renouvelables s'articulent avec la loi quinquennale prévue à compter de 2023, que la compétence du maire soit préservée s'agissant de l'implantation d'installations renouvelables sur les locaux commerciaux ou encore que les communautés d'énergie renouvelable et les communautés énergétiques citoyennes se développent dans le respect de la propriété publique des réseaux.

En second lieu, je souhaite recalibrer certains dispositifs, afin de préserver le rôle du Parlement et des élus locaux et d'adapter ces dispositifs aux réalités vécues par les ménages et les professionnels.

Il s'agit, tout d'abord, d'encadrer la ratification d'ordonnances transposant le « paquet d'hiver européen » et l'habilitation à légiférer par ordonnance sur la lutte contre la fraude aux certificats d'économies d'énergie (C2E).

L'enjeu est aussi de borner certains dispositifs sur le recours aux matériaux bio-sourcés pour la rénovation et la construction, l'interdiction pour toute opération d'économies d'énergie d'augmenter les émissions de gaz à effet de serre (GES) ou l'utilisation du chauffage au bois dans les zones couvertes par un plan de protection de l'atmosphère (PPA). Je veux simplement prévoir que le premier dispositif promeuve aussi les matériaux géo-sourcés et bas-carbone ; que le second ne déstabilise pas les réseaux de chaleur ; et que le dernier n'obère pas le développement de la filière bois-énergie.

Au-delà de ces modifications ponctuelles, je veux conforter l'objectif de décarbonation du texte, en comblant ses lacunes : sur l'hydroélectricité - notre première source d'énergie renouvelable ; sur le nucléaire - aux fondements des trois quarts de notre mix électrique ; sur l'hydrogène nucléaire et renouvelable - beaucoup discuté, mais peu soutenu.

À cette fin, je compte reprendre une partie de la proposition de loi tendant à inscrire l'hydroélectricité au coeur de la transition énergétique et de la relance économique, que nous avons adoptée le 13 avril dernier au Sénat. Je souhaite aussi fixer le principe selon lequel aucun réacteur nucléaire ne peut être arrêté en l'absence de capacités de production équivalentes fournies par des énergies renouvelables. Je propose enfin d'introduire, pour l'hydrogène renouvelable et bas-carbone, un cadre stratégique et des mécanismes incitatifs ; ce serait une première depuis la loi Énergie-Climat.

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