L'objectif de mon intervention est de vous présenter les points essentiels de compréhension du chapitre Ier intitulé « Rénover les bâtiments » du titre IV dénommé « Se loger » du projet de loi ; il regroupe les articles 39 à 45 quinquies, soit vingt-six articles au total.
Permettez-moi tout d'abord de vous livrer quelques données pour mieux comprendre les enjeux. La rénovation des bâtiments et, singulièrement, celle des logements présente deux enjeux principaux : un enjeu en termes de pouvoir d'achat et un enjeu climatique. Le logement est le premier poste de dépense des ménages ; il est la cause de 27 % des émissions de gaz à effet de serre. Réussir la rénovation des logements, c'est donc réduire les factures, lutter contre la précarité énergétique, relancer notre économie à travers le secteur du bâtiment et, in fine, atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé : un parc rénové aux normes bâtiments basse consommation (BBC) ou assimilées en 2050.
Le défi est de taille : sur 29 millions de résidences principales, 1,9 million seulement sont classées A ou B selon le diagnostic de performance énergétique, soit 7 % du parc, contre 4,8 millions de logements classés F et G - 17 % du parc - et sont qualifiés de « passoires thermiques ».
Enfin, les rénovations « performantes » permettant d'atteindre les gains les plus élevés - une division par quatre ou cinq de la facture énergétique - sont trop peu nombreuses. Selon le rapport de juillet 2020 du Haut Conseil pour le climat (HCC), entre 2014 et 2016, seules 87 000 maisons individuelles par an ont fait l'objet de rénovations permettant un saut d'au moins deux classes énergétiques et le taux de rénovation globale serait de 0,2 % par an dans le résidentiel et le tertiaire sur la période allant de 2012 à 2016.
Il est également à noter que le montant alloué par les pouvoirs au nouveau dispositif budgétaire MaPrimeRénov' est inférieur à celui qui était prévu pour l'ancien dispositif fiscal - le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). Il nous faut donc trouver les voies et les moyens de transformer un frémissement en lame de fond.
Au regard de ce défi, que propose le texte transmis par l'Assemblée nationale ?
Il est difficile de le résumer en quelques mots, car il s'agit d'un patchwork. Mais schématiquement, quatre parties se dégagent.
Les articles 39 et suivants donnent une assise législative au diagnostic de performance énergétique (DPE) et en tirent les conséquences pour définir la « rénovation énergétique performante ».
Ensuite, les articles 40 à 42 visent à inciter ou obliger les propriétaires occupants et les bailleurs à rénover leurs logements. Est créé un audit énergétique lors de la vente des maisons individuelles, qui donnera le montant des travaux à réaliser, et sont instaurées des interdictions d'augmenter les loyers ou de louer les logements les plus énergivores.
Le troisième volet, soit les articles 43 et 43 quater, vise à restructurer le service public de la performance énergétique de l'habitat (SPPEH), et à créer un accompagnement pour les ménages en application du « rapport Sichel ». En outre, un prêt « avance mutation », garanti par l'État, est mis en place pour permettre aux ménages n'ayant pas accès au crédit bancaire de financer la rénovation de leur logement.
Enfin, les derniers articles rassemblent des évolutions du droit de la copropriété et de la construction, dont la principale est la création d'un plan pluriannuel de travaux.
Quel regard porter sur ces dispositions ? Il faut d'abord relever des avancées : la restructuration du SPPEH, la création d'un accompagnement des ménages et la création d'outils supplémentaires comme le plan pluriannuel de travaux ou le prêt « avance mutation » garanti.
Mais il me faut surtout déplorer une loi qui bégaie, qui recule et qui boite !
Cette loi bégaie, car elle modifie des dispositions de la loi Énergie-climat, qui a été adoptée il y a deux ans, mais qui ne sont pas encore mises en oeuvre ! Notre collègue Daniel Gremillet l'avait déjà souligné dans le cadre de ses travaux de contrôle de l'application de cette loi. Une autre partie du texte est, en fait, le projet de loi de ratification de juillet dernier d'une ordonnance qu'il nous est demandé de modifier avant qu'elle n'entre en vigueur ! Le plan pluriannuel de travaux aurait dû, pour sa part, figurer dans l'ordonnance de 2019.
Cette loi recule. Beaucoup l'ont dénoncé, y compris des industriels. Elle manque ensuite d'ambition. La définition de la rénovation performante qui nous est proposée est en retrait par rapport à l'objectif de neutralité carbone d'ici à 2050 fixé par la loi Énergie-climat, la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), et la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).
Enfin, cette loi boite ; elle ne marche que sur une jambe. Elle instaure des obligations pour les propriétaires et les bailleurs sans leur donner les moyens de réussir la transition énergétique. Un mot simplement sur les bailleurs sociaux. Alors que, depuis 2017, la réduction de loyer de solidarité (RLS) les prive chaque année de 1,3 milliard d'euros, le projet de loi les oblige à rénover des centaines de milliers de logements pour plusieurs milliards d'euros. Les 500 millions d'euros du plan de relance sur deux ans sont peu de choses à côté...
Pour ma part, je vous propose une vision reposant sur trois piliers : fixer l'ambition à la hauteur de l'objectif 2050, garantir aux plus modestes qu'ils bénéficieront de la transition énergétique et, enfin, accompagner l'ensemble des Français en dégageant les outils et les financements.
L'ambition, c'est retenir une définition cohérente de la rénovation performante et inclure la classe D dans le projet de loi, car, en 2050, le parc devra être essentiellement constitué de logements A et B et minoritairement C, sauf exceptions.
Le souci des plus modestes, c'est garantir un reste à charge minimal et rendre possible la gratuité des accompagnateurs prévus par le « rapport Sichel ».
Enfin, accompagner tous les Français, c'est assurer l'accès aux aides, baisser la TVA en faveur des bailleurs sociaux et prendre des mesures juridiques ou fiscales pour les propriétaires privés, occupants ou bailleurs, et faciliter la réalisation des travaux.
Toutes ces évolutions doivent nécessairement préserver les compétences et les financements des collectivités territoriales, car l'État ne saurait se décharger sur elle du rôle de premier ordre qu'il doit jouer en matière de rénovation énergétique - j'y ai veillé dans chacune des dispositions examinées.
Vous avez là, rapidement brossées, à la fois ma grille d'analyse et mes principales propositions que je vais décliner lors de l'examen des articles et des amendements.