Intervention de Philippe Bas

Réunion du 24 juillet 2021 à 21h30
Gestion de la crise sanitaire — Article 2

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Nous arrivons là à une étape importante de notre débat : la mesure d’isolement.

Les collègues qui ont présenté ces deux amendements identiques n’y sont pas hostiles, nous ont-ils dit ; en revanche, ils sont hostiles à son caractère automatique. Or je me dois de leur indiquer que les arguments qu’ils ont invoqués à l’appui de leur démonstration s’appliquent en réalité au texte initial du Gouvernement. Et c’est justement parce qu’elle partage l’inquiétude qui vient d’être exprimée que la commission des lois a modifié celui-ci. Ce n’est donc plus le même !

Madame la ministre, personnellement, je pense que la rédaction proposée par le Gouvernement était parfaitement incongrue : l’idée que, aux termes de la loi, parce qu’un laboratoire d’analyses biologiques vous a déclaré positif, vous soyez placé à l’isolement sans qu’aucun acte de l’autorité publique le prévoie expressément et que la violation de cette obligation d’isolement soit sanctionnée pénalement est tout simplement, je le répète, une incongruité.

Je me demande bien comment on a pu imaginer un tel système !

Pour autant, j’admets l’importance de l’isolement en pareil cas. Le ministre de la santé nous l’a dit lors de son audition : les indicateurs sont mauvais et trop de nos compatriotes porteurs du virus ne respectent pas cette recommandation d’isolement. Mais imposer ce régime sans prendre en considération les cas individuels, au simple motif qu’il est impossible, faute de moyens, de prendre chaque jour 20 000 actes administratifs de placement en isolement de nos compatriotes atteints par la covid–19, c’est de mon point de vue tout simplement impossible. Et ce n’est pas parce que le Conseil d’État a laissé passer cette anomalie que nous devons y souscrire ! Et nous n’y souscrirons pas !

Mes chers collègues, nous avons imaginé un autre système : quand l’un de nos concitoyens sera déclaré positif par un laboratoire de biologie médicale, il lui sera demandé de s’engager à s’isoler ; par la suite, la plateforme téléphonique de l’assurance maladie chargée de remonter les filières de contamination en prévenant les cas contacts devra s’assurer du respect de cet engagement, soit en appelant la personne concernée, soit par une visite domiciliaire, comme cela se fait pour vérifier le respect des arrêts de travail. En cas de suspicion, et seulement dans ce cas, l’assurance maladie préviendra l’agence régionale de santé pour que soit aussitôt pris un arrêté préfectoral de placement à l’isolement de cette minorité de personnes. Si les services de police ou de gendarmerie constatent que cette mesure n’est pas respectée, des sanctions pénales pourront alors être effectivement prononcées.

À la différence de ce que prévoyait le dispositif gouvernemental, nous avons pris garde que le système d’information national de dépistage de la covid-19 (SI-DEP), lequel comporte des données de santé qui sont, aux termes de la législation européenne, des données sensibles, ne soit accessible ni aux services préfectoraux, ni à la gendarmerie, ni à la police. Dans une démocratie, dans un État de droit, la police et la gendarmerie n’ont pas accès à nos données de santé ! Et ce n’est pas parce que nous sommes confrontés à un impératif majeur de sécurité sanitaire qu’il nous faut aujourd’hui commencer à déroger à cette règle essentielle pour nos libertés. Car, demain, il existera toujours de bons motifs pour poursuivre dans cette voie.

Le dispositif que nous avons adopté, tout en prenant le contre-pied de celui du Gouvernement, vise le même objectif : que des personnes atteintes par le virus de la covid-19 restent chez elles pendant dix jours.

Si nous rejetons ces deux amendements, cela ne signifie pas que nous sommes en désaccord avec l’intention manifestée par leurs auteurs ; c’est parce qu’ils s’appliquent au dispositif initialement présenté par le Gouvernement. Celui que nous proposons est bien plus respectueux des libertés et, sans doute aussi, plus efficace. Demander aux policiers et aux gendarmes d’aller dans tous les restaurants, cafés, théâtres, cinémas et centres de loisirs pour contrôler les passes sanitaires, de vérifier que les 20 000 personnes qui sont reconnues chaque jour positives restent bien isolées à leur domicile, tout en leur demandant d’assurer la sécurité publique, cela fait tout de même un peu beaucoup ! C’est même impossible !

De fait, notre dispositif soulage le travail des forces de police et de gendarmerie en leur apportant le concours de la sécurité sociale. Isolément, ni les uns ni les autres n’ont les moyens d’assumer cette tâche, mais, ensemble, ils pourront peut-être couvrir un spectre de population plus large.

L’avis de la commission est donc défavorable.

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