Non, monsieur le ministre, elle ne permettra pas 550 millions d’euros d’économies par an. Ces chiffres sont considérablement surévalués, gonflés artificiellement pour impressionner, mais ils sont faux. Soit leurs hypothèses sous-jacentes ne sont jamais explicitées, soit il s’agit de configurations très rares.
Monsieur le ministre délégué, quels sont les vrais chiffres ? La direction générale du Trésor, qui relève du ministère de l’économie et qui soutient la proposition de loi, estime que le gain est en moyenne de 1 300 euros sur dix ans. Ce n’est pas rien, mais cela n’a strictement rien à voir avec les montants que certains martèlent dans le débat public, sans aucun fondement.
La question est la suivante : cette mesure va-t-elle entraîner des gains de pouvoir d’achat, tout en étant sans risque ? La réponse que nos deux commissions ont apportée est la suivante : tout porte à croire qu’elle n’aura quasiment pas d’effet positif, mais qu’elle comporte des risques majeurs que nous devons à tout prix éviter, car le jeu n’en vaut pas la chandelle. Je le répète, il ne faut pas croire aux économies de centaines de millions d’euros qui sont brandies pour impressionner.
Mes chers collègues, j’en conviens, la résiliation à tout moment est un concept qui a l’air séduisant, qui a l’apparence du bon sens, mais nos deux commissions, après des travaux poussés, ont constaté qu’il n’en était en réalité rien.
Nous considérons en effet que les avantages de cette mesure sont très faibles. Les assurés peuvent déjà résilier une fois par an, et les profils que cela intéresse l’ont déjà fait. Pour ceux qui ne l’ont pas fait, le problème ne réside pas dans ce délai de deux mois à respecter. Ils ne l’ont pas fait, car leur banquier leur a fait une contre-offre alléchante, car ils ne souhaitent pas le faire, ou encore, car ils ignorent qu’ils en ont le droit.
Résilier sur douze mois au lieu de deux ne va pas soudainement libérer des millions de gens : cela fait trois ans que ceux-ci ne sont plus prisonniers et que les profils sans risque qui font des économies en résiliant sont souvent des cadres, qui sont au courant de leurs droits et qui n’ont pas besoin de la loi pour savoir qu’ils peuvent partir.
Soit vous bénéficiez de la résiliation, et cette loi ne change rien pour vous ; soit vous gagnez en résiliant, et cette loi est donc inutile.
Si une mesure ne présente pas d’avantage, pourquoi ne pas tenter l’essai et la voter tout de même, me direz-vous ? Parce que, en revanche, elle comporte de sérieux risques, qui sont très inquiétants.
Les tarifs des plus de 55 ans ont déjà augmenté jusqu’à 33 % en trois ans. C’est peut-être cynique, mais c’est ainsi que cela se passe : les banques anticipent le flux et compensent leurs marges en exigeant des tarifs plus élevés sur tous ceux qui ne peuvent pas jouir de la concurrence, c’est-à-dire les profils au-delà de 45 ans ou de 50 ans, ou les publics fragiles, ou les ouvriers, les employés, etc. C’est cela qui est passé sous silence dans le débat public. Personne n’en parle, alors qu’il s’agit d’un fait majeur.
S’il n’y avait pas de concurrence sur le marché, je vous proposerais évidemment de voter la mesure, mais comme nous avons atteint un équilibre satisfaisant, qui fonctionne, il me semble qu’il ne faut surtout pas le fragiliser pour rien. Les gains sont minimes, voire inexistants, mais les risques sont certains et déjà observables.
Nous avons donc préféré conserver l’équilibre actuel et renforcer grandement les obligations d’information des prêteurs et des assureurs. Votre rédaction ne prévoit en effet aucune mesure de ce type, monsieur le ministre délégué. Quel est l’intérêt de pouvoir résilier à tout moment si vous ne le dites pas ? Nous proposons d’informer, de mettre en place un cadre bien établi pour permettre aux assurés de prendre leur décision tous les ans.
Un autre point nous pose problème. Nous n’oublions pas, monsieur le ministre, que votre gouvernement, il y a à peine un an – j’étais déjà rapporteur –, employait à l’Assemblée nationale les mêmes mots que moi pour refuser cette mesure.