Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a bientôt soixante ans, après huit années d’affrontement, la guerre d’Algérie prenait fin. Ce conflit terrible a fait des centaines de milliers de morts, dont 25 000 soldats français.
La présence française en Algérie remontait à plus d’un siècle et les destins de nos populations s’étaient mêlés. La lutte qui a conduit à l’indépendance de notre ancienne colonie a revêtu une dimension de guerre civile, charriant les atrocités inhérentes à ces conflits particulièrement cruels.
Des Algériens avaient pris fait et cause pour la France : les harkis, les moghaznis et autres supplétifs. Au péril de leur vie, tout comme les soldats de métropole, mais sans bénéficier du même statut que ces forces régulières, ils ont servi notre pays.
Pour eux, la souffrance, ne s’est, hélas ! pas arrêtée avec la fin des combats. Une fois le cessez-le-feu signé le 19 mars 1962, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont été torturées et assassinées en Algérie. Je veux rendre hommage à la mémoire de ceux qui ont servi la France et qui ont payé cet engagement de leur vie et de celles des membres de leur famille. Nous ne devons pas les oublier.
Parmi les 82 000 personnes qui ont pu être rapatriées, certaines ont connu un sort douloureux. Elles ont été accueillies dans des conditions indignes. Mme la ministre et Mme la rapporteure l’ont rappelé : on les a envoyées dans des camps d’internement, des hameaux de forestage ou encore des prisons reconverties pour la circonstance.
La France les a abandonnées. Elle n’a pas traité ceux qui se sont battus pour elle comme ses enfants. Ainsi a-t-elle manqué à son devoir.
Le Gouvernement soumet aujourd’hui à notre examen un projet de loi dont l’objet est double.
Il s’agit tout d’abord d’inscrire dans la loi la reconnaissance de la Nation envers ceux qui ont servi la France et d’admettre que les personnes accueillies dans des conditions indignes ont subi un préjudice.
Cette reconnaissance s’inscrit dans la lignée des déclarations que les Présidents de la République successifs ont pu faire. Elle n’en est pas moins importante, qu’il s’agisse des personnes concernées ou de notre travail de mémoire.
Il s’agit, ensuite, d’entreprendre la réparation du préjudice subi par ces populations, tâche délicate s’il en est, car la douleur et le temps perdu se convertissent mal en sommes d’argent. Les réparations sont par essence imparfaites : elles n’ont pas le pouvoir d’effacer la souffrance.
Les montants prévus ne satisferont bien sûr pas tout le monde. Ils ont néanmoins le mérite d’exister. Non seulement ils ne nous semblent pas dérisoires, mais ils seront exonérés d’impôts et de contributions sociales.
Le dispositif prévu par le Gouvernement présente en outre l’avantage de la simplicité. L’indemnisation sera fonction du temps passé dans l’une des structures indignes qui furent destinées à les accueillir, et le préjudice sera présumé. Cette dernière disposition dispensera les quelque 50 000 bénéficiaires potentiels de démontrer la réalité et l’étendue d’un dommage subi voilà maintenant un demi-siècle.
Ce projet de loi modifie également les modalités d’attribution de l’allocation viagère afin que les quelque 200 personnes qui doivent encore en bénéficier soient en mesure d’y prétendre.
Il s’agit là de mesures de justice dont nous nous réjouissons.
Par ailleurs, nous nous félicitons qu’une commission nationale indépendante soit constituée au sein de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Elle aura pour mission spécifique de s’assurer que les démarches engagées sur le fondement de ce texte aboutissent. Elle aura aussi pour mission de contribuer à faire évoluer, le cas échéant, la liste des structures d’accueil au sein desquelles un séjour ouvre droit à indemnisation.
Il est important de regarder le passé en face. C’est la grandeur de la République française que de reconnaître les erreurs qu’elle a pu commettre et de tenter de les réparer. Tous les États ne font pas preuve de la même hauteur de vue.
Nous tenons à saluer notre rapporteure, Marie-Pierre Richer, qui a accompli un excellent travail. Les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront ce projet de loi, tel qu’il a été modifié en commission des affaires sociales.