Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Albert Camus écrivait dans ses Carnets : « Maintenant j’erre parmi des débris, je suis sans loi, écartelé, seul et acceptant de l’être, résigné à ma singularité et à mes infirmités. Et je dois reconstruire une vérité, après avoir vécu toute ma vie dans une sorte de mensonge. »
C’est précisément ce que ressentent les harkis et leurs descendants, témoins et victimes d’une histoire coloniale douloureuse.
Après l’enfer de la guerre d’Algérie, ceux qui ont combattu pour la France ont été abandonnés par elle. Ils ont été livrés à leur sort sur le sol algérien et, à ceux qui ont pu être rapatriés, l’État a infligé une peine terrible : ils ont été entassés comme du bétail dans des camps d’accueil et des hameaux de forestage.
Insalubrité, promiscuité, absence d’eau chaude et d’électricité : ces structures étaient indignes. Les témoignages des harkis et de leurs enfants sont glaçants. De telles conditions de vie ont emporté de graves conséquences sur l’état physique, psychique et psychologique de ces personnes. Les dommages matériels et moraux sont nombreux et irréversibles.
Le temps du silence et de la honte est révolu. Dans son discours du 20 septembre 2021, Emmanuel Macron a déclaré que la République avait contracté à leur égard une dette, qu’il faudrait honorer.
Ce projet de loi est ainsi assujetti à un devoir de réparation au titre de la responsabilité de l’État. Toutefois, il exclut les harkis restés en Algérie, qui ont vécu l’infamie et la persécution et, de ce fait, ne sauraient être oubliés.
En dehors d’une réparation pécuniaire, la reconnaissance solennelle des préjudices subis par les harkis et par leurs descendants est un tournant mémoriel dans l’histoire postcoloniale française. L’État ne peut se contenter de demi-mesures ou d’une loi incomplète. Il ne suffit plus de reconnaître ses torts ou de demander pardon, il est temps d’assumer pleinement ses actes.
Pour ceux qui ont connu le pire de notre administration, pour ceux qui ont été privés de libertés fondamentales, pour ceux qui ont tout perdu pour la France, arrive enfin le temps de la vérité et de la cicatrisation. Ce texte est un premier pas : nous attendons la suite. À ce titre, je regrette que certains de nos amendements n’aient pas été jugés recevables.