Madame la ministre, l’article 1er du projet de loi reconnaît la responsabilité de la France dans les conditions indignes et même inhumaines dans lesquelles notre pays a rapatrié et accueilli ces citoyens français, dont le seul tort aura été d’aimer la France, de la servir et de la défendre.
Le patriotisme des harkis a été bien mal récompensé : la mère patrie pour laquelle ils se sont engagés au péril de leur vie les a abandonnés.
L’histoire des harkis, j’ai appris à la connaître en parlant, depuis trente ans, avec ces hommes et ces femmes. J’ai écouté les souffrances endurées et les sévices subis. J’ai écouté le profond sentiment d’injustice qu’ils portent en bandoulière, en lieu et place des armes qui leur servaient à défendre la France et qui leur ont été retirées, de sorte qu’ils ont été livrés aux représailles. J’ai écouté le silence assourdissant de ces hommes et de ces femmes qui, par pudeur ou par épuisement, ne pouvaient ou ne voulaient plus évoquer les exactions et les humiliations endurées.
À force d’écouter les harkis, j’ai épousé leur cause et leur combat. L’histoire des harkis est aussi la nôtre.
Longtemps, ces hommes, ces femmes et leurs enfants ont été relégués dans certains lieux, notamment les hameaux de forestage de mon département, à Saint-Pons-de-Thomières, à Lodève et à Avène, et les centres de transit de ma région, à Rivesaltes dans les Pyrénées-Orientales, à La Cavalerie en Aveyron et à Saint-Maurice-l’Ardoise dans le Gard.
Très longtemps, ces hommes et ces femmes ont aussi subi une relégation mémorielle, comme s’ils étaient la mauvaise conscience de la France.
Madame la ministre, vous nous proposez aujourd’hui de réparer les fautes commises à l’encontre des harkis. Nous y sommes naturellement favorables, mais pas à n’importe quel prix, pas en divisant les harkis, en sélectionnant ceux qui seraient dignes de prétendre à une réparation contre ceux qui le seraient moins.
Certes, le préjudice n’a pas été le même pour tous et il conviendra de l’évaluer de manière individuelle avant de l’indemniser. Mais, de grâce – je vous en conjure –, il ne faut ni mégoter ni barguigner !