Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, des eaux de fonte d’un glacier, il naît à plus de 3 000 mètres d’altitude, à hauteur des cimes suisses ; il traverse trois régions, côtoie des affluents qui nous sont chers, comme l’Isère, la Drôme, l’Ardèche ou la Durance ; il parcourt onze départements et parvient sans difficulté jusqu’aux plaines de lavandes en terminant sa course dans le delta de la Camargue. Qui est-il ?
Le suspense n’a rien d’insoutenable : c’est bien du Rhône qu’il s’agit ! Et cet après-midi, si tout se passe bien – et tout se passera bien –, nous devrions permettre à ce fleuve de rester entre de bonnes mains. Car, contrairement à la Loire, peu domptable en raison de son lit constitué de sable, le génie humain a su maîtriser ce fleuve pour en saisir tout le potentiel économique et stratégique.
Le génie humain que j’évoque, c’est d’abord et avant tout la Compagnie nationale du Rhône, dont je tiens à saluer les représentants en tribune. La CNR tire sa légitimité de sa grande proximité avec les territoires et de sa capacité à redistribuer la valeur qu’elle a su créer.
Les missions cardinales de la Compagnie – production d’énergie, navigation fluviale et irrigation agricole – qui ont fait son originalité et sa force ont ainsi permis de créer des partenariats presque charnels avec les territoires.
Je vous parle ensuite d’une société résolument tournée vers le renouvelable, qui a su s’implanter dans l’ensemble du pays. Je pourrais évoquer ses 57 parcs éoliens, situés certes le long de la vallée du Rhône, mais surtout dans les Hauts-de-France, la région Centre et les Pays de la Loire, toutes plaines qui bénéficient de vents réguliers.
La CNR, c’est aussi 49 centrales photovoltaïques, toutes situées sous une ligne Lyon-La Rochelle pour pouvoir bénéficier d’un maximum d’ensoleillement.
Parler d’énergie sans évoquer le potentiel hydroélectrique de la compagnie n’aurait pas été honnête : nous bénéficions en effet d’un trésor national, composé de 19 barrages et 47 centrales qu’il nous faut à tout prix préserver.
Élu drômois, je ne peux m’empêcher de faire référence à la centrale de Bourg-lès-Valence, inaugurée voilà plus de cinquante ans. Ce mastodonte architectural de béton et d’acier a nécessité trois ans de chantier et mobilisé 2 200 hommes et plus de 20 entreprises. Plus que la construction en elle-même, c’est la position géographique de cet aménagement qui aura mobilisé les ingénieurs.
En effet, l’ouvrage, situé à la confluence du Rhône et de l’Isère, devait prendre en compte cet apport d’eau supplémentaire. Un barrage de décharge fut donc spécifiquement construit pour contenir les crues de l’Isère. Aujourd’hui, après des décennies de fonctionnement, la centrale permet de satisfaire la consommation électrique annuelle de 500 000 habitants.
C’est donc cet enracinement, cette connaissance structurelle, systémique de nos territoires, tout à la fois fidèle à ses origines et tournée vers l’avenir, qui a fait et fait encore l’originalité de la CNR.
C’est d’ailleurs ce qui a permis à la Commission européenne de faire preuve de beaucoup de pragmatisme sur le projet de prolongation de la concession du Rhône qui nous réunit ici.
En effet, le 20 octobre 2020, la direction générale de la concurrence de la Commission européenne a souligné que le projet ne comportait pas d’éléments constitutifs d’une aide d’État nécessitant d’être notifiés.
Pourquoi ? Avant tout pour des raisons de neutralité financière, en particulier au regard des dispositions applicables en matière d’aides d’État. Le rapporteur et auteur de la proposition de loi, Patrick Mignola, élu de Savoie, l’a rappelé : « La CNR ne doit en effet pas bénéficier d’avantages indus liés à la prolongation. »
Grâce au renouvellement de la concession, 500 millions d’euros d’investissement sont prévus pour des projets en faveur des énergies renouvelables, de la modernisation des ouvrages ou encore de la biodiversité aquatique.
De ce point de vue, la CNR a déjà restauré 120 kilomètres de cours d’eau et 120 000 mètres carrés de zones humides. Elle a établi 69 ouvrages de franchissement piscicoles. Au total, ses actions de protection bénéficient à 80 espèces animales.
De même, la concession renouvelée du Rhône ne va pas reproduire le projet de 1921. La prise en compte des questions environnementales figure en bonne place dans le cahier des charges et le schéma directeur, annexés à la présente proposition de loi.
Nous nous félicitons également que les députés et sénateurs, dont les circonscriptions se situent dans son périmètre, puissent participer au comité de suivi de l’exécution de la concession.
Il faudra concentrer les réflexions sur la baisse très alarmante du débit du Rhône, qui pourrait atteindre 10 % à 40 % en 2050. Les sécheresses qui s’accentuent et l’absence de pluie sur l’ensemble du bassin versant du fleuve sont à l’origine de ce fléchissement. L’hiver très sec que nous connaissons actuellement en est le témoignage. Ce constat doit contraindre la CNR à amplifier ses projets éoliens et solaires avec les parcs photovoltaïques.
Ces enjeux sont bien connus de la CNR, garante de notre souveraineté énergétique, forte de son maillage territorial et humain. Elle recevra, cet après-midi, toute la confiance de notre groupe à travers cette proposition de loi très attendue.