Intervention de Hussein Bourgi

Réunion du 24 février 2022 à 14h30
Choix du nom issu de la filiation — Discussion en nouvelle lecture d'une proposition de loi

Photo de Hussein BourgiHussein Bourgi :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour la nouvelle lecture de la proposition de loi relative au choix du nom issu de la filiation.

La semaine dernière, la commission mixte paritaire réunissant sénateurs et députés a échoué. Les sénatrices et sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain le regrettent. Cet échec était néanmoins prévisible, le Sénat ayant modifié profondément et même vidé de sa substance cette proposition de loi.

Les membres de mon groupe et moi-même avions déjà eu l’occasion en première lecture de déplorer l’adoption de certains amendements par la commission des lois de la Haute Assemblée.

À l’instar de M. le garde des sceaux, je regrette que, sur un tel sujet, un compromis n’ait pas été possible. Cependant l’auteur de cette proposition de loi, notre collègue député, mon ami Patrick Vignal, ne pouvait tout simplement pas renoncer à ce qui constituait l’essence même de ce texte : l’adjonction unilatérale, à titre d’usage, du nom du parent qui n’a pas transmis le sien, et une simplification réelle pour le citoyen de la procédure de modification du nom à l’état civil.

C’est bien sur ces points que la majorité sénatoriale a opposé un refus de principe. Or cette réforme, attendue par les milliers de familles concernées, avait une utilité que personne, ici, n’a contestée. Il s’agissait d’une loi de liberté, puisqu’elle n’imposait rien à personne.

Elle permettait tout simplement, d’abord, de donner aux mères la place qui leur revient dans le nom de leurs enfants, particulièrement dans le cadre des familles monoparentales.

Elle soulageait ensuite la souffrance de nombreux citoyens souhaitant se détacher du nom d’un parent responsable de violences intrafamiliales, notamment après un féminicide ou un inceste.

Elle représentait également un espoir pour nos concitoyennes et concitoyens qui portent le même nom qu’un terroriste, qu’un violeur en série, ou qu’un assassin tristement célèbre. Cette proposition de loi permettait, enfin, de faciliter les procédures administratives dont la durée et le coût représentent bien souvent des freins pour ceux qui souhaitent entreprendre les démarches nécessaires à un changement de nom.

Ayant ces éléments à l’esprit, je dois avouer que je peine toujours à comprendre la majorité sénatoriale, qui semble avoir vu dans ce texte un énième coup porté au modèle familial traditionnel. Pourtant, il ne visait aucunement à invisibiliser les pères, mais bien à embrasser la diversité des situations familiales nouvelles, qu’elle concerne les familles recomposées, monoparentales, ou homoparentales.

Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, bien que perfectible, allait dans la bonne direction. Il nous appartenait de l’enrichir de nos propositions. Il aurait été de bon ton que, pour la dernière commission mixte paritaire de ce quinquennat, un esprit de concorde anime nos débats et règne sur nos discussions.

Sur ce texte, je crains que la position majoritaire dans la Haute Assemblée ne réduise, hélas ! l’influence du Sénat. Aucun des apports dont nous aurions pu être à l’origine ne sera retenu, alors que notre rapporteur, Marie Mercier – que je veux saluer – et beaucoup d’entre nous avaient beaucoup travaillé pour améliorer cette proposition de loi.

Voyez-vous, mes chers collègues, ce qui me chagrine le plus, c’est que les Françaises et les Français qui attendent le vote de cette loi puissent penser, à tort ou à raison, que le Sénat a été insensible et sourd à leurs souffrances. Ils me l’ont écrit. Ils me l’ont dit. Cela me chagrine beaucoup – pour moi, et pour nous tous.

Aujourd’hui, leurs regards et leurs espérances se tournent vers l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot dans le cadre de la navette parlementaire. Je ne doute pas que nos collègues du Palais Bourbon sauront adopter un texte répondant aux attentes exprimées.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment de conclure mon intervention – la dernière de l’actuel quinquennat –, permettez-moi de vous saluer tous et toutes, de saluer les services du Sénat, les services de la Chancellerie ainsi que votre cabinet, monsieur le garde des sceaux. S’il m’est arrivé de me retrouver parfois face à vous depuis mon arrivée au Sénat, il y a dix-huit mois, je me suis souvent retrouvé à vos côtés. C’est le souvenir que je garde, et pour cela je vous remercie toutes et tous.

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