Monsieur le ministre, ces cinq dernières années, le Gouvernement a considéré que la lutte contre la pauvreté passait avant tout par le renforcement des incitations à travailler. Sur le fond, je ne peux qu’acquiescer. En revanche, sur la forme, nos chemins divergent. Car, pour y parvenir, vous misez systématiquement sur des dispositifs qui ne touchent pas aux salaires ; ce n’est pas nouveau.
Vous avez ainsi incité les entreprises à verser des primes exceptionnelles en 2018, en 2020 ou à développer la part variable des salaires par le biais des dispositifs comme l’intéressement et la participation, qui ont été renforcés dans la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) de 2019.
Je le rappelle, ces dispositifs sont pour partie désocialisés et défiscalisés, en ce sens qu’ils visent à compléter le salaire, mais en aucun cas à s’y substituer.
De plus, le Gouvernement a également choisi d’augmenter le montant de la prime d’activité, qui est une aide sociale versée par l’État aux travailleurs modestes. Force est de constater que, par ce modus operandi, l’argent public vient à substituer des revenus à des salaires.
Après étude du présent projet de loi, en particulier de son article 1er, je constate que vous continuez sur cette voie en portant de 1 000 euros à 3 000 euros le plafond de la prime Macron.
Une telle stratégie n’est pas viable sur le temps long terme. Elle crée des effets d’aubaine pour les entreprises. En effet, à court terme, leurs salariés touchent plus pour un coût maîtrisé, mais à long terme, les salaires restent bas.
Les salariés sont, eux, perdants sur presque tous les plans. Leurs revenus deviennent imprévisibles. D’abord, une aide distribuée par l’État peut disparaître à tout moment, alors qu’un salaire ne peut être baissé de façon unilatérale par l’employeur. Ensuite, leur progression salariale de carrière est nécessairement ralentie. Enfin, ils cotisent moins pour leur retraite, car ces revenus ne sont pas soumis à cotisations sociales.
Monsieur le ministre, acceptez un débat clair et juste sur le sujet. Le groupe SER vous propose de convoquer un Grenelle des salaires réunissant à la rentrée les partenaires sociaux et patronaux, l’État et les parlementaires pour discuter de la juste répartition des salaires et, incidemment, de l’augmentation des plus bas d’entre eux.