Intervention de Daniel Gremillet

Réunion du 29 juillet 2022 à 9h00
Mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat — Article 9, amendement 289

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet :

Les amendements identiques n° 3 rectifié et 77 rectifié, ainsi que l’amendement n° 289 rectifié, visent à accroître les sanctions financières pour pratiques commerciales trompeuses et agressives ayant débouché sur la conclusion d’un contrat.

Or il ressort des échanges que j’ai eus à propos de ce texte qu’il est plus dissuasif d’augmenter la peine de prison encourue que le plafond de sanctions, qui est rarement atteint par l’administration. La hausse de ce plafond n’aurait donc pas d’effet dissuasif sur les entreprises en cause, contrairement à la peine de prison, et constituerait un coup d’épée dans l’eau.

En revanche, nous aurons dans quelques minutes un débat intéressant sur l’alourdissement des peines de prison lorsque les pratiques commerciales ont débouché sur un contrat ou bien lorsqu’elles ont été commises en bande organisée. C’est là que réside le nerf de la guerre qui doit être menée contre les pratiques trompeuses, lesquelles portent atteinte au pouvoir d’achat, à la santé des consommateurs et à l’environnement.

L’augmentation du montant des sanctions n’étant pas nécessaire, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir retirer les amendements n° 3 rectifié, 77 rectifié et 289 rectifié. À défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable sur ces amendements.

J’en viens à l’amendement n° 46 rectifié bis, qui vise à supprimer les dispositions tendant à faire passer de deux ans à trois ans la peine de prison encourue pour pratiques commerciales trompeuses ou agressives ayant débouché sur la conclusion d’un contrat. Il tend également à supprimer l’alourdissement des sanctions dans le cas où ces pratiques seraient commises en bande organisée.

Il me semble utile de nous assurer que les sanctions sont réellement dissuasives pour lutter contre les pratiques trompeuses. Ces dernières, ne l’oublions pas, ont un impact important à la fois sur la santé, sur l’environnement et, bien entendu, sur le pouvoir d’achat des consommateurs puisqu’elles les conduisent à engager des dépenses qu’ils n’auraient pas faites si on ne les avait pas trompés.

Mme la ministre nous donnera peut-être des chiffres sur le montant de ces dommages. Pour ma part, je souhaite vous indiquer quelques points qui me conduisent à penser que cet article 9 est au contraire utile et bienvenu. Nous avons échangé sur ce sujet avec la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui m’a indiqué que, dans les faits, la peine de deux ans de prison aujourd’hui prévue était trop peu dissuasive. Il s’agit d’un délit pénal, et le sujet est celui des peines d’emprisonnement, plus que des amendes.

Notre régime actuel est en effet ambigu. Sur le papier, la peine est plus lourde – trois ans de prison – pour un vol d’objet dans un magasin que pour une pratique trompeuse mise en œuvre par une multinationale, qui lèse des millions de consommateurs. C’est un vrai problème, car cela revient à traiter ces pratiques dommageables comme celles des dossiers sans grande importance.

Surtout, je souhaite que la circonstance de bande organisée ne permette pas d’octroyer de nouveaux pouvoirs à la DGCCRF. Contrairement à ce que les acteurs du démarchage à domicile craignent, cette direction fera son enquête. Comme avant, elle transmettra les éléments au procureur, qui choisira ensuite, ou non, de placer une personne en garde à vue ou de déclencher des poursuites.

À tout moment, si le juge considère qu’il ne s’agit pas d’une bande organisée, la qualification tombe. Cet article 9 tend donc à élargir non pas les pouvoirs de la DGCCRF, mais ceux de l’autorité judiciaire.

Je me permets de signaler également que cet article vise à alourdir les peines de prison uniquement pour les cas où il y a eu conclusion d’un contrat. Cela ne concernera donc pas toutes les pratiques, mais uniquement les plus préjudiciables aux consommateurs – nous voyons tous très bien à quel type de pratiques je fais allusion.

Je précise en outre que, compte tenu des règles de recevabilité, les amendements visant à interdire le démarchage téléphonique pour le compte personnel de formation (CPF) n’ont pu être examinés, que ce soit par l’Assemblée nationale ou par le Sénat. Avec cet article, qui n’interdit certes pas un tel démarchage, nous renforçons néanmoins le régime de sanctions applicable aux entreprises qui cherchent à tromper les consommateurs.

En revanche, il me semblerait utile que le Gouvernement explique plus clairement au Parlement la raison pour laquelle il demande l’adoption de ces mesures, qui n’entraient pas dans le champ des discussions menées autour de l’ordonnance prise récemment sur le même thème.

La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 46 rectifié bis, tout en souhaitant que le Gouvernement précise ses objectifs. Quant aux amendements identiques n° 3 rectifié et 77 rectifié et à l’amendement n° 289 rectifié, elle en demande le retrait, faute de quoi elle y sera défavorable.

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