Intervention de Christian Bilhac

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 25 octobre 2022 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Mission « conseil et contrôle de l'état » - examen du rapport spécial

Photo de Christian BilhacChristian Bilhac, rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l'État » :

La mission « Conseil et contrôle de l'État » rassemble les crédits des juridictions administratives et financières ainsi que du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une hausse de 8,5 % des crédits de la mission, qui atteindrait 817 millions d'euros en crédits de paiement.

Eu égard au poids des dépenses de personnel, à savoir 80,9 % des crédits demandés, le volume du budget de la mission est largement tributaire des moindres variations qui peuvent affecter les dépenses de personnel. Pour 2023, ces dépenses sont mécaniquement accrues, sous l'effet de la hausse de 3,5 % du point d'indice de la fonction publique. Pour les juridictions administratives, cette revalorisation du point d'indice représente un coût de 10,9 millions en année pleine. Pour les juridictions financières, dont les effectifs sont moins nombreux, cette augmentation du point d'indice représente 4,4 millions d'euros en année pleine.

Par ailleurs, la revalorisation indemnitaire des magistrats administratifs et financiers a été rendue nécessaire pour maintenir l'attractivité financière de ces corps par rapport au nouveau corps des administrateurs de l'État, issu de la réforme de la haute fonction publique. La revalorisation indemnitaire cible donc les débuts de carrière et a été opérée par arrêté du 22 avril 2022 pour les magistrats administratifs, avec une entrée en vigueur au 1er janvier 2022. 8,3 millions d'euros ont été ouverts en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) dans la loi de finances rectificative de cet été pour financer la mesure sur toute l'année 2022. Le coût de la mesure pour l'année 2023 et les années à venir est donc le même : 8,3 millions d'euros. Du point de vue des magistrats, cela représente environ 8 000 euros annuels pour les magistrats de premier grade et 6 000 euros annuels pour ceux de deuxième grade. Ces montants correspondent aux revalorisations moyennes qui ont été décidées pour les administrateurs de l'État, pour qu'il n'y ait pas de décalage entre les hauts fonctionnaires.

Cette revalorisation a vocation à s'appliquer aussi aux magistrats financiers. Elle a déjà été appliquée pour les auditeurs de la Cour des comptes à hauteur de 5 000 euros bruts annuels, ainsi que pour les conseillers référendaires en service extraordinaire à hauteur de 6 000 euros bruts annuels, via une revalorisation de leur prime de rendement. Un projet d'arrêté est encore en cours pour la revalorisation indemnitaire des conseillers de cours régionales et territoriales des comptes (CRTC), qui devrait être mise en oeuvre en décembre 2022 selon les informations communiquées par la Cour des comptes. Le coût de cette mesure est estimé à 4,1 millions d'euros en année pleine.

L'inflation et la crise énergétique n'épargnent pas non plus le budget de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». Alors les crédits demandés pour les consommations énergétiques s'élevaient à 2 millions d'euros en 2022 en AE comme en CP, ils s'élèvent à 13 millions d'euros en AE et plus de 3 millions d'euros en CP en 2023 pour les juridictions administratives. De même, les dépenses d'investissement pour relogement du tribunal administratif de Montreuil et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ont été revalorisées de 10 millions d'euros à raison de la hausse des frais de construction.

Ces tendances haussières sur les dépenses de la mission « Conseil et contrôle de l'État » établies, je vais dès à présent détailler rapidement les mécanismes propres à chaque programme pour 2023.

Le Conseil d'État et les juridictions administratives sont de nouveau confrontés à une reprise des entrées contentieuses, après une baisse non significative des entrées en 2020 du fait de la crise sanitaire. La maîtrise des délais et des stocks, qui se sont accrus en 2020, constitue donc un enjeu majeur pour les années à venir. Les affaires enregistrées depuis plus de deux ans devant les tribunaux et les cours pèsent de plus en plus sur le stock global de ces juridictions.

Bien que les effectifs aient été majorés de quarante et un postes pour 2023, la gestion prévisionnelle des effectifs par le Conseil d'État, pourtant gestionnaire des juridictions administratives, est insuffisante, qu'il s'agisse des départs en mobilité, mais aussi à la retraite. Dès lors, les juridictions administratives, et plus particulièrement plus petites, se trouvent déstabilisées par des départs de magistrats en cours d'année. Or, ce phénomène a vocation à s'amplifier avec les mobilités de plus en plus encouragées dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique.

La CNDA est elle aussi confrontée à une reprise des entrées contentieuses en 2021, avec 15,5 % de recours en plus par rapport à 2019. Aucune création d'emplois n'a été fléchée cette année vers la CNDA, qui avait attrait à elle la quasi-totalité des créations du quinquennat précédent. Les futures réformes annoncées de l'asile pourraient avoir une incidence sur l'organisation de la Cour, avec la création de chambres territoriales.

En ce qui concerne maintenant le budget de la Cour des comptes et des juridictions financières, celui-ci a progressé de 9,2 % par rapport à 2022. Cette augmentation est en partie due à des effets de périmètre. Les crédits du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), auparavant retracés dans un programme propre, sont intégrés en 2023 au programme des juridictions financières. Si le budget du HCFP est stable, ce transfert accroît les dépenses du programme 164 de 1,3 million d'euros. De même, la nouvelle commission d'évaluation de l'aide publique au développement (CEADP), placée auprès de la Cour des comptes, a un budget de 3,5 millions d'euros : 2 millions pour les dépenses de personnel et 1,5 million pour les dépenses de fonctionnement.

Par ailleurs, les juridictions financières sont toujours engagées dans une refonte de leurs missions, avec comme objectif d'accroître les missions de contrôle et d'évaluation des politiques publiques. À ce titre, la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « 3DS », a confié aux chambres régionales des comptes une nouvelle compétence d'évaluation des politiques publiques territoriales sur saisine des exécutifs locaux. Elles peuvent aussi être saisies de tout projet d'investissement exceptionnel. Les configurations territoriales laissent penser que les saisines seront assez hétérogènes selon les territoires. Par exemple, la région Occitanie compte 13 départements lorsque la région Hauts-de-France n'en compte que cinq. Pour l'heure, du fait de ces incertitudes, aucune création d'emplois n'a été prévue en 2023 dans les chambres régionales des comptes.

Enfin, s'agissant du CESE, ses moyens sont en légère hausse de 1,2 %. Le budget dédié à la participation citoyenne est de nouveau pérennisé en 2023 avec une enveloppe financière dédiée de 4,2 millions d'euros. Le coût de l'organisation de la convention citoyenne sur la fin de vie a été évalué à 3 millions d'euros, mais dépendra largement de la capacité du CESE à nouer des partenariats pour obtenir les prix les plus compétitifs sur les marchés, notamment pour l'hébergement des citoyens tirés au sort lorsqu'ils viennent à Paris. L'internalisation des procédures de la participation citoyenne, en cours au CESE, devrait permettre de diviser par deux le coût des conventions citoyennes. Pour rappel, la convention citoyenne pour le climat avait coûté 6 millions d'euros.

Pour conclure, avec 817 millions d'euros pour la mission, nous n'en sommes pas encore au coût du recours aux cabinets privés, estimé à 1 milliard d'euros pour le conseil de l'État. Or, je suis d'avis, comme beaucoup parmi nous, que la priorité doit être donnée à l'État pour les missions régaliennes.

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, je vous invite à adopter les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

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