Intervention de Sébastien Meurant

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 26 octobre 2022 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Mission « immigration asile et intégration » - examen du rapport spécial

Photo de Sébastien MeurantSébastien Meurant, rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration » :

Les années se suivent et se ressemblent : le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » est toujours frappé d'insincérité. Autant le dire d'emblée, je vous proposerai de ne pas l'adopter !

En premier lieu, je regrette d'avoir obtenu de la part du Gouvernement seulement 34 % de réponses à mon questionnaire budgétaire dans le délai prévu par la loi organique relative aux lois de finances. On peut s'interroger sur la manière dont le Gouvernement considère le Parlement : il devient chaque année plus difficile d'obtenir les réponses. Ce n'est pas normal.

Par ailleurs, je regrette que le budget de cette mission soit très parcellaire. Les dépenses de l'État induites par l'immigration ne se limitent pas à la présente mission. Il conviendrait notamment que l'aide médicale d'État (AME) soit incluse dans le budget de la mission. Le coût estimé de la politique française de l'immigration et de l'intégration, indiqué dans le document de politique transversale correspondant, serait de 7,1 milliards d'euros en 2023. C'est la première fois que l'on dépasse 7 milliards d'euros. Et ce montant n'inclut pas toutes les dépenses liées à l'immigration, loin de là.

Plus globalement, il est évident que le nombre des demandeurs d'asile et de réfugiés dépend étroitement du contexte géopolitique. Ainsi, la mission est notamment marquée cette année par l'accueil en France de personnes déplacées du fait du conflit en Ukraine. Il est d'ailleurs difficile d'avoir des chiffres exacts en matière d'immigration, c'est un problème structurel. Le rapport d'information des députés François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo sur l'évaluation de l'action de l'État dans l'exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis montre que le nombre évalué d'immigrés clandestins en Seine-Saint-Denis varie entre 150 000 à 400 000 selon les estimations !

En outre, évidemment, je ne peux que souligner le faible taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) depuis plusieurs années ; il était de 6 % en 2021 et serait de 6,9 % sur la première partie de 2022. Avant la crise sanitaire, ce taux s'élevait à 13 %. On est loin de la promesse du Président de la République de porter ce taux à 100 % ! Selon le député de la majorité Jean-Carles Grelier, il y aurait 700 000 personnes sous OQTF dans notre pays. Il ne sert à rien de voter des lois si elles ne sont pas appliquées ! En matière migratoire, la volonté d'appliquer les lois n'est clairement pas au rendez-vous. Il en va de même des moyens puisque la lutte contre l'immigration irrégulière ne représente que 8,4 % du budget de la mission.

La situation s'aggrave de jour en jour. En particulier du point de vue de l'asile qui est, hélas, devenu l'une des principales filières d'immigration clandestine. Ainsi, à Mayotte, les demandes d'asile ont augmenté de 64,3 % entre 2020 et 2021. Mayotte et la Guyane concentraient 87 % des demandes d'asile outre-mer en 2021. Globalement, les demandes d'asile ont augmenté de 7 % entre 2020 et 2021 et le ministère estime à 135 000 les demandes qui seront déposées en 2023. Mais il est très vraisemblable que ce chiffre soit nettement sous-estimé tant la pression migratoire reste élevée.

Plus étrange encore, les dépenses de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) devraient baisser de 36 % en 2023. On voit mal comment cette baisse pourrait correspondre à la situation de l'asile l'année prochaine. Cela supposerait notamment que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) parvienne à diviser par deux ses délais de traitement en un an, sans que ceux de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) n'augmentent, et que la hausse du nombre de demandeurs d'asile soit limitée - des conditions qui me semblent singulièrement peu réalistes.

Un effort a été réalisé, depuis plusieurs années, sur notre dispositif d'accueil pour créer des places d'accueil, reflet de la volonté du Président de la République de répartir les migrants en province. Fin 2023, notre dispositif national d'accueil et d'hébergement comptera près de 109 000 places selon le Gouvernement, s'agissant des demandeurs d'asile. Près de 6 000 places d'hébergement supplémentaires seront créées au total en 2023, dont 2 500 en centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada) - soit 300 dans la région Auvergne Rhône-Alpes, 110 en Bourgogne-Franche-Comté, 190 en Bretagne, 210 dans le Centre-Val-de-Loire, 280 dans le Grand Est, 100 dans les Hauts-de-France, 200 seulement en Ile-de-France, 150 en Normandie, 230 en Nouvelle-Aquitaine, 350 en Occitanie, 150 dans les Pays-de-la-Loire, et 230 en Provence-Alpes-Côte d'Azur - 1 500 en centres d'accueil et d'examen des situations (CAES) et 900 en hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA), toutes en outre-mer. S'agissant des éloignements, 90 places sont créées au centre de rétention administrative (CRA) d'Olivet et 12 dans celui de Perpignan. Enfin, 1 000 places sont créées en centres provisoires d'hébergement (CPH), destinés aux bénéficiaires de la protection internationale les plus vulnérables.

Finalement, les crédits de cette mission sont dans la lignée des années précédentes. Il semble difficile d'estimer que l'État traite ces questions par le bon bout.

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