Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 26 octobre 2022 à 9h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Nous examinons les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Arnaud

En vertu du principe d'autonomie financière des pouvoirs publics, qui découle du principe de séparation des pouvoirs, la mission « Pouvoirs publics » regroupe les crédits dédiés aux différents pouvoirs publics constitutionnels, c'est-à-dire la présidence de la République, l'Assemblée nationale et le Sénat - ainsi que les chaînes parlementaires -, le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République.

Les montants associés à cette mission paraissent modestes, puisqu'ils représentent environ 0,2 % du budget général de l'État. Toutefois, les institutions relevant de la mission « Pouvoirs publics » sont aujourd'hui confrontées à des exigences croissantes des citoyens, d'efficacité, de transparence et d'exemplarité.

Les pouvoirs publics participent depuis plus de dix ans à l'effort de redressement des comptes publics, la dotation ayant progressé d'un montant bien inférieur à l'inflation constatée, ce qui, en réalité, signifie qu'il y a eu une baisse des moyens.

Pour le Sénat, le dernier rapport sur l'exécution 2021 de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne, de notre collègue Éric Jeansannetas, note que « depuis 2008, les dépenses de fonctionnement du Sénat ont diminué de 2,3 %, et même de 14,4 % une fois pris en compte les effets de l'inflation ».

Mais dans le contexte inflationniste actuel, et en raison de la volonté des pouvoirs publics de préserver un niveau élevé d'investissement, il est prévu, comme l'année dernière, une hausse des dotations. Pour autant, cette progression des crédits reste modérée puisque le montant total des dotations consacré aux pouvoirs publics en 2023 est en augmentation de 2,76 % par rapport à 2022, et s'établit à un peu plus d'un milliard d'euros.

Plus particulièrement, le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une hausse des crédits de 4,90 % pour la présidence de la République, 3,35 % pour l'Assemblée nationale, 2,28 % pour le Sénat et 0,6 % pour La Chaîne parlementaire-Assemblée nationale (LCP-AN). Le Conseil constitutionnel voit certes son enveloppe se réduire de 16,71 %, mais cela fait suite à une forte augmentation l'année dernière en raison de l'élection présidentielle. Quant à la dotation de la Cour de justice de la République, elle est reconduite à l'identique. Je vous propose de regarder dans le détail chaque dotation.

Après trois années de stabilité, la dotation de la présidence de la République augmente de 4,9 % par rapport à 2022, s'élevant à 110,46 millions d'euros.

Parmi les faits notables, je signalerai que les dépenses de la présidence de la République font face à la reprise de l'activité internationale, à la suite de la période du covid, et, comme nous le verrons pour les autres institutions, à des dépenses de fonctionnement soumises à la forte inflation actuelle. Malgré cela, la présidence de la République souhaite maintenir ses investissements. C'est notamment le cas en matière de sécurité informatique et d'économies d'énergie puisqu'un projet de géothermie dans les jardins de l'Élysée est en cours de déploiement. D'un montant de 1,4 million d'euros, il devrait réduire de 80 % les émissions de CO2 et générer des économies significatives de consommation de fluide, sans pour autant remettre en cause le réseau d'énergie à l'intérieur des bâtiments.

Concernant les dotations des assemblées parlementaires, rappelons qu'elles étaient gelées entre 2012 et 2021, ce qui a représenté un effort significatif d'économies et de rationalisation des moyens menés par les conseils de Questure. La hausse octroyée cette année reste modérée : 3,35 % pour l'Assemblée nationale et 2,28 % pour le Sénat. Les dotations s'élèvent ainsi respectivement à 571 millions d'euros et 346,3 millions d'euros.

J'évoquerai principalement le budget du Sénat dont la dotation connaît une augmentation de 2,28 % destinée à financer les conséquences de l'inflation et le renouvellement sénatorial de 2023, ainsi qu'à préserver un haut niveau d'investissement. Cette dotation couvre la quasi-totalité des dépenses de fonctionnement. Ces dernières augmentent de 6 %, une hausse provenant pour les deux tiers de l'inflation, et pour un tiers du renouvellement sénatorial. Par ailleurs, une baisse de 48 % des dépenses d'investissement est prévue en 2023, ce qui contient la hausse globale à 1,18 %. Le prélèvement sur les disponibilités, de 14,12 millions d'euros, est uniquement fléché vers le financement de l'investissement, signe d'une bonne gestion.

Cet effort d'investissement, après une année où il a été exceptionnellement élevé, à 33,19 millions d'euros, est ramené à 17,25 millions d'euros, soit une baisse de 48 %, mais le montant reste important et dans la moyenne des dernières années. Il servira à des projets d'envergure, tels que la restructuration des immeubles des 26 et 36 rue de Vaugirard ou la restauration des façades et couvertures des pavillons Est du palais. Il sera par ailleurs le prélude à l'ouverture d'un nouveau cycle d'investissement, caractérisé par les économies d'énergie et la transition énergétique de notre patrimoine.

Je conclus par le recours récurrent aux disponibilités : si la situation n'est pas inquiétante, ces dernières sont néanmoins susceptibles de s'amenuiser au fil des années, posant inévitablement la question du financement des programmes d'investissement à venir.

Le budget des chaînes parlementaires augmente légèrement, de 0,6 %. Celui de LCP-AN connaît une hausse de 1,24 % quand le budget de Public Sénat est reconduit à l'identique.

La dotation budgétaire demandée par le Conseil constitutionnel est en diminution de 16,71 % par rapport à 2022, pour s'établir à 13,3 millions d'euros. Parmi ses dépenses, les moyens consacrés au contrôle des normes représentent 62 % de la dotation, et sont en augmentation par rapport à l'année dernière, ce qui semble cohérent au moment où se déploie le portail de référence de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui nécessite des ressources dédiées à son bon fonctionnement.

L'activité du Conseil constitutionnel a changé d'échelle : les deux tiers des décisions rendues par le Conseil depuis sa création en 1958 l'ont été depuis 2010, année de mise en oeuvre de la QPC.

Enfin, la dotation de la Cour de justice de la République est identique à celle de l'an passé, à hauteur de 984 000 euros. L'été 2021 avait été marqué par un nombre de plaintes sans précédent, dépassant 20 000 à la fin de l'année 2021. Depuis 2022, le phénomène s'est nettement ralenti, le nombre de plaintes s'élève en effet à 349 depuis le 1er janvier 2022.

En conclusion, je vous propose l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Hier, j'évoquais une dérive des dépenses de fonctionnement d'un certain nombre d'organismes. Je note là que tout le monde fait des efforts, avec un maintien des budgets. Sagesse, réalisme, efforts : je partage l'avis du rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Étant moi-même membre de la Cour de justice de la République, je m'étonne du maintien de ses crédits à l'identique. Le rapporteur spécial a évoqué le fort ralentissement des dépôts de plainte. Toutefois certaines plaintes donnent lieu à des contentieux. Ceux-ci n'engendrent-ils pas de surcoûts ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Nous sommes trop modestes, comme d'habitude. Le Sénat coûte cinq euros par an par habitant en France. Le Parlement coûte treize à quatorze euros par an par habitant. Ces chiffres tordent le cou à toute polémique.

Je voudrais évoquer les crédits de la présidence de la République. L'évolution de ces crédits est en réalité modeste après deux ans de stabilité. J'ai cru comprendre qu'entre 2007 et 2019-2020, l'Élysée a intégré dans ses comptes la totalité des traitements de ses employés, y compris ceux qui étaient mis à disposition par les ministères, soit environ la moitié, mais que la situation aurait changé. Quelle est la situation actuelle ? Le personnel mis à disposition est-il bien intégré dans le budget de l'Élysée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L'augmentation du budget de l'Élysée n'est pas négligeable puisqu'elle est supérieure à l'inflation attendue. Le Président de la République devrait montrer l'exemple en réalisant des économies de fonctionnement, notamment sur les sondages. Quel est le budget consacré aux enquêtes d'opinion ?

Le Sénat est exemplaire : nous n'avons pas modifié notre dotation pendant des années. J'étais plutôt favorable à caler l'évolution du budget du Sénat sur l'évolution des dépenses moyennes de l'État. Pourquoi fournir plus d'efforts que l'État et ses ministères ?

Pourquoi le budget du Conseil constitutionnel augmente-t-il autant ? L'année 2022 a été exceptionnelle. Mais une hausse de 10 % par rapport à 2021 me paraît excessive. On aurait dû revenir au même niveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Je note l'évolution positive des recettes des produits du Sénat, à 6 millions d'euros. En quoi ces produits consistent-ils ?

La progression des dépenses est modérée. Quels sont les effectifs du Sénat et quelle est la subvention à l'Association pour la gestion des assistants de sénateurs (Agas) ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Je veux rassurer Vincent Delahaye. Il est vrai qu'au Sénat, nous gérons mieux que l'État, avec une progression des dépenses très largement inférieure. L'État est plus dispendieux que nous. Mais nous sommes regardés. Nous avons des critères de gestion et nous nous y tenons. L'année 2023 est atypique. En effet, chaque renouvellement sénatorial a un coût, d'environ 6 millions d'euros, notamment, malheureusement, pour faire face aux fins de contrats de collaborateurs.

Nos dépenses augmenteront en 2023 de 1,18 %, ce qui est un scénario optimiste si l'on considère l'évolution à la hausse des chiffres de l'inflation depuis l'élaboration du budget du Sénat en juillet.

Le coût des rémunérations augmente de 3,5 %, à 8,4 millions d'euros. Pour l'instant, il n'y a pas d'hypothèse de revalorisation. Il faudrait s'adapter, le cas échéant, si le point d'indice de la fonction publique connaissait une nouvelle revalorisation.

En 2022, en raison de l'élection présidentielle et des élections législatives, la session parlementaire a été un peu raccourcie. Nous avons donc pu réaliser davantage de travaux, pour 33 millions d'euros. Nous retomberons en 2023 à un étiage inférieur, de 17 millions d'euros. Nous devrons faire face, avec des travaux importants de mise aux normes du bâtiment qui accueille les salons de Boffrand et le restaurant du Sénat, à un nouveau pic d'investissements.

Nous veillons à ce que nos dépenses de fonctionnement ne dérapent pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Qu'est-ce qui explique la différence de budget de près d'un million d'euros entre LCP-AN et Public Sénat ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Arnaud

Les effectifs de l'Élysée sont conformes à la feuille de route : un peu moins de 800 personnes. Une partie d'entre elles sont détachées ou mis à disposition, mais dans ce cas leurs traitements sont remboursés à leur ministère d'origine.

Je ne dispose pas de chiffres précis sur les sondages, mais l'Élysée m'a fait savoir que la plupart des enquêtes d'opinion étaient dorénavant financées par les services du Premier ministre. Je peux demander plus de précisions.

Le Conseil constitutionnel a vu ses effectifs croître pour faire face à la montée en puissance des QPC. De 61 personnes employées en 2012, le Conseil est passé à 76 personnes en 2020 et à 85 aujourd'hui. Il a modifié sa politique de gestion immobilière en conséquence, en louant des locaux au 7 avenue de l'Opéra afin d'accueillir du personnel supplémentaire.

Les produits du Sénat sont composés essentiellement des redevances de gestion des caisses de retraite et de sécurité sociale qui sont le résultat du principe de transparence financière entre ces différentes entités mais aussi de recettes domaniales.

L'augmentation des crédits de l'Agas est de 9,47 %, avec une subvention de 71 millions d'euros. Elle est liée au renouvellement électoral. Sans la prise en compte de la hausse du point d'indice, les dépenses augmenteraient de 5,8 %. Le reste de l'augmentation proviendrait de la hausse du point d'indice de la fonction publique, sur lequel la rémunération des collaborateurs est indexée.

La différence de budget entre Public Sénat et LCP-AN est liée aux dépenses d'exploitation, notamment le coût d'antenne qui est un peu plus élevé du côté de Public Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Les recettes des produits du Sénat concernent effectivement les redevances des caisses de sécurité sociale et de retraite, les redevances domaniales sur une partie du jardin, mais aussi les redevances versées par Public Sénat pour l'occupation des locaux que nous mettons à sa disposition.

Historiquement, la subvention à Public Sénat est supérieure à celle de LCP-AN. Mais depuis plusieurs années, elle est gelée, et LCP-AN rejoint peu à peu Public Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Je rappelle que les avis du rapporteur spécial et du rapporteur général sont favorables.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Nous examinons à présent les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

Nous vous présentons ce matin, avec Éric Bocquet, nos principales observations sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Dans un second temps, nous vous présenterons également les principales conclusions du contrôle budgétaire que nous avons mené cette année, portant sur la contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté.

Le projet de loi de finances pour 2023 propose d'ouvrir 30 milliards d'euros en autorisations d'engagements (AE) et en crédits de paiement (CP) au titre de la mission. Cela représente une hausse conséquente de plus de deux milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, soit environ 8 %, qui s'explique principalement par l'indexation à l'inflation du montant des prestations sociales financées par la mission, l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et la prime d'activité, auxquelles il faut désormais ajouter le RSA dans les départements où son financement a été recentralisé. À elles seules, ces prestations représentent plus des trois quarts des crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Nous nous sommes intéressés à la dynamique importante des crédits de la mission depuis 2019. Si nous tirons le bilan de la période récente, nous constatons que chaque année, depuis 2019, des enveloppes supplémentaires ont été ouvertes en urgence sur la mission. D'abord, en réaction au mouvement dit des gilets jaunes, avec une majoration de la prime d'activité, qui représente un coût pérenne pour l'État d'environ 4,4 milliards d'euros par an. Ensuite, pendant la crise sanitaire, avec le versement au printemps puis à l'automne 2020 de deux aides exceptionnelles de solidarité en faveur des bénéficiaires des minima sociaux et des aides au logement, d'un montant de 150 euros avec une majoration de 100 euros par enfant à charge et représentant un coût de près de 2 milliards d'euros.

Enfin, en réaction à la forte accélération de l'inflation qui fragilise considérablement le pouvoir d'achat de nos concitoyens les plus modestes, deux nouveaux dispositifs d'urgence ont successivement été financés sur la mission. D'abord l'indemnité inflation fin 2021, qui cumule le défaut d'une aide à la fois limitée - 100 euros -, très peu ciblée - elle s'adresse à toutes les personnes percevant moins de 2 000 euros de revenus mensuels sans considération des revenus du foyer -, et très coûteuse pour le budget de l'État : 3,8 milliards d'euros, dont 3,2 milliards d'euros financés par la mission. Plus récemment, en LFR 2022, une aide exceptionnelle de rentrée de 1,2 milliard d'euros a ensuite été votée.

Nous avons dans cette commission, assurément, des visions très divergentes de la politique économique et budgétaire. Je pense cependant que nous pourrons tous nous accorder sur un point : cette politique du chèque ne constitue pas une politique sociale. Elle aide uniquement les plus pauvres de nos concitoyens à passer le mois, sans leur donner la moindre perspective, et ne résout en rien le problème de fond. Le budget de la mission ne peut pas, à lui seul, absorber des chocs sociaux qui trouvent leur racine dans nos fragilités structurelles. Je pense, en particulier, à la faiblesse des salaires.

Il y a certes des points positifs dans ce budget, tels que la déconjugalisation de l'AAH prévue à compter du 1er octobre 2023. Cette mesure était très attendue. On ne peut que regretter le temps perdu avant que cette réforme ne soit enfin arrachée au Gouvernement à la faveur de la campagne présidentielle.

Je m'en remettrai pour ma part à la sagesse de la commission quant à sa position sur l'adoption des crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

Je souhaite évoquer le budget de l'aide alimentaire. Cette politique ne représente qu'une faible part des crédits de la mission, avec 117,2 millions d'euros inscrits au PLF 2023, mais le sujet est crucial dans la période actuelle. En 2020, année marquée par la crise sanitaire, on estimait que 5,6 millions de personnes avaient fait appel à l'aide alimentaire. Le problème s'intensifie, car l'inflation très forte sur les produits alimentaires fragilise considérablement nos concitoyens les plus modestes.

La situation est également préoccupante pour les associations d'aide alimentaire. Celles-ci sont victimes d'un effet ciseaux entre un afflux de demandes qui ne faiblit pas et des moyens de plus en plus contraints. D'abord, l'envolée des prix de l'électricité alourdit fortement leurs charges de fonctionnement, tandis que la hausse des prix des carburants affecte les bénévoles se rendant sur les sites de distribution. Surtout, les tensions mondiales sur les marchés agroalimentaires sont à l'origine de nombreux lots infructueux dans les marchés passés pour leur compte par FranceAgriMer pour l'achat de denrées.

Ces achats sont en principe éligibles à un remboursement par l'Union européenne dans le cadre du FSE +. En pratique, les contrôles effectués en la matière sont si pointilleux qu'une partie significative des produits achetés est finalement déclarée inéligible au remboursement. Ce phénomène est désigné sous le terme délicieusement technocratique d'auto-apurement. La simplification des procédures est absolument indispensable. Cela fait maintenant plusieurs années que nous lançons l'alerte sur le sujet.

Dans ce contexte, il est indispensable de prendre des mesures de soutien efficace. À cet égard, nous nous félicitons que ce PLF prévoie de renforcer de 60 millions d'euros les crédits de l'aide alimentaire. Nous avons cependant des divergences quant à la méthode retenue puisque cette enveloppe est destinée à la création d'un fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires afin de financer des projets de transformation des structures en liant lutte contre la précarité alimentaire et soutien aux filières agricoles durables. Cela constitue une issue au débat qui a eu lieu à la suite de la Convention citoyenne pour le climat autour de l'introduction d'un chèque alimentaire, proposition que nous ne soutenons pas, car elle tourne le dos au modèle associatif français fondé sur le couplage de l'aide alimentaire et de l'accompagnement social. Nous considérons qu'il conviendrait de se montrer davantage pragmatique et d'utiliser cette enveloppe nouvelle pour soutenir directement le fonctionnement des structures, voire pour compenser de possibles lots infructueux, dans l'esprit de l'enveloppe de 40 millions d'euros qui avait pu être adoptée cette année en LFR sur une initiative de notre rapporteur général.

Pour le reste, je m'associe pleinement au constat dressé à l'instant par Éric Bocquet. Ce sont les revenus du travail qui permettent de sortir de la pauvreté et non des chèques distribués par l'État de temps à autre.

Néanmoins, en responsabilité et afin d'assurer le financement de la prime d'activité et de l'AAH, je vous propose d'adopter les crédits de cette mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Nous allons passer maintenant aux principales conclusions de notre contrôle budgétaire sur la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté lancée en 2018 par le Gouvernement, qui s'est déclinée localement par une contractualisation entre l'État et les départements, pour le cofinancement de projets relevant de leurs compétences d'action sociale, donnant naissance aux conventions d'appui à la lutte contre la pauvreté et d'accès à l'emploi (Calpae). La démarche a ensuite été étendue aux métropoles puis aux régions, avec moins de succès. Si l'on peut se féliciter des moyens nouveaux octroyés dans ce cadre aux départements, il nous semble important de rappeler que la mise en place d'un tel dispositif n'aurait pas été nécessaire si les départements avaient pu bénéficier d'une réelle compensation financière par l'État de l'exercice de leurs compétences sociales.

La contractualisation a porté sur deux volets : le premier correspond à des objectifs socles relevant de la stratégie pauvreté tandis que le second est dédié à des initiatives locales décidées par le département. Des tensions s'étaient d'emblée fait ressentir sur la question des indicateurs de performance nationaux adossés à ces contrats, trop nombreux, mal adaptés aux services d'information des départements, et dont la définition n'a pas fait l'objet d'une réelle concertation avec l'Association des départements de France. Il faut également rappeler que les Calpae apportent des financements utiles, mais marginaux au sein des budgets départementaux, même si leurs crédits annuels sont passés de 78 à 178 millions d'euros sur la période 2019-2021.

Il est encore trop tôt pour réellement évaluer l'impact des Calpae. Néanmoins, nous avons pu, à l'occasion d'un déplacement en Seine-Saint-Denis, constater le financement de projets tout à fait remarquables et innovants en faveur de l'inclusion dans l'emploi et de l'accès aux droits de publics en difficulté. Nous avons rencontré une équipe mobile de protection maternelle et infantile (PMI) chargée d'accompagner partout dans le département des femmes enceintes en difficulté dans l'ensemble de leurs démarches. Nous avons également visité deux associations innovantes. La première se concentrait sur la levée des freins périphériques à l'emploi. La seconde accomplissait un remarquable travail d'accompagnement vers l'emploi fondé en assurant une médiation entre les personnes en recherche d'emploi et les employeurs. Il faut saluer le dévouement admirable des acteurs mobilisés. Tous ont souligné l'utilité des financements Calpae.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

Si nous devions tirer quelques enseignements en vue d'une prochaine génération de contrats, ils pourraient se résumer en trois axes.

Tout d'abord, il faut mieux anticiper et développer la concertation. La conclusion dans la précipitation des contrats en 2019, puis la nécessité de les proroger d'un an par deux fois en 2022 et 2023 attestent d'une forme de manque d'anticipation de la part de l'administration. Il faudrait accorder un temps suffisant à la concertation sur les modalités concrètes de mise en oeuvre des contrats et en particulier sur la question des indicateurs.

Ensuite, il convient d'assouplir la gestion des contrats. Le caractère annualisé des enveloppes calculées sur la base des résultats obtenus en année N-1 ne permet pas aux collectivités de connaître le montant dont elles disposeront au deuxième trimestre de l'année N. Un engagement pluriannuel sur les montants annuels de financement doit être privilégié. Il faut également laisser davantage de place aux initiatives locales, auxquelles ne sont aujourd'hui qu'une fraction minoritaire des enveloppes.

Enfin, il faut rationaliser le paysage contractuel. L'exécution des Calpae a été marquée par la multiplication de dispositifs analogues. À défaut d'un contrat unique, il faudrait au minimum articuler leurs objectifs et harmoniser leur calendrier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je suis également favorable à l'adoption des crédits, en dépit des remarques formulées par nos rapporteurs. En PLFR, il a fallu, pour tenir compte des difficultés qu'elles rencontraient, soutenir les associations d'aide alimentaire à hauteur de 40 millions d'euros. Je souscris aux propos des rapporteurs sur l'importance de préserver notre système associatif, reposant sur des bénévoles qui manifestent au quotidien leur engagement et leur solidarité, et assurent un contact humain et de la proximité.

Sur les Calpae : les collectivités, en lien avec l'État, mettent des moyens supplémentaires au bénéfice de la politique de lutte contre la pauvreté. L' « inflation » des actions lancées correspond certes à l'importante variété des besoins en la matière, mais les collectivités et les opérateurs concernés risquent parfois de se perdre dans ce maquis de dispositifs. La proposition de simplification des rapporteurs est à cet égard bienvenue, mais quel serait le chef de file ? Quelle proposition de gouvernance formuleriez-vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Notre constat est celui d'une forte adhésion des départements. Ils seraient les mieux placés pour assurer le rôle de chef de file - à condition de recevoir les ressources financières nécessaires -, en raison de leur proximité et de leur réactivité, en lien avec les associations, qui font preuve d'un grand engagement et d'une grande efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Ce budget est très politique. Les rapporteurs ont montré les conséquences budgétaires des choix faits. Quoi que l'on pense de la politique des chèques, une seule promesse du candidat Macron est assurée de ne pas être tenue : celle d'instaurer un chèque alimentaire. Il est abandonné sans discussion.

Les rapporteurs indiquent une augmentation des crédits de 8 %. Dans ce contexte, quel serait le cadre pour renouveler la « politique des chèques » de 2022 ? Les crédits demandés permettent-t-ils la mise en place d'un nouveau chèque de rentrée scolaire pour faire face à l'inflation ou un projet de loi de finances rectificative serait à nouveau nécessaire ?

Quel est le coût de la recentralisation du RSA en Seine-Saint-Denis ?

Les accords entre banques alimentaires et filières agricoles locales existent déjà. Ils sont une bonne idée. J'ai le sentiment que les rapporteurs n'y sont pas favorables. Pourquoi ? Si ce n'est qu'une possibilité, pourquoi s'y opposer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Merci aux rapporteurs pour leur présentation équilibrée. Notre commission ne regrettera pas l'abandon du chèque alimentaire, au vu de ce que nos travaux ont montré sur son coût potentiel et le manque de préparation !

Nos rapporteurs ont comparé le budget pour 2023 au budget initial pour 2022, mais beaucoup de crédits ont été ajoutés au cours de l'année. Si l'on compare le budget pour 2023 avec le budget exécuté en 2022, on constaterait une quasi-stabilité. De nouvelles ouvertures de crédits sont-elles prévues en PLFR de fin de gestion pour 2022, ce qui augmenterait encore le budget de 2022 ?

Quel est l'impact de la revalorisation anticipée des allocations décidée en juillet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Je suis effaré par les chiffres annoncés : la dotation annuelle pour l'aide alimentaire diminuerait de 12 % d'ici 2027 en termes réels. Sur quels chiffres de l'inflation sont-ils basés ? On a l'impression que l'inflation est supérieure sur l'alimentaire. Dans ces conditions, le chiffre de 12 % ne constitue-t-il pas une sous-estimation ?

Le chèque individuel est très efficace du point de vue électoral. Je suis moins sûr qu'il le soit du point de vue de l'accompagnement social ! Il me paraît plus judicieux de passer par les associations locales, qui repèrent les personnes qui en ont besoin et peuvent également apporter des conseils pour améliorer leurs habitudes de consommation alimentaire. Il est dommage de se passer d'elles et de leur rôle de cohésion, alors qu'on les subventionne par ailleurs, notamment par des crédits d'impôts.

L'État doit-il donner directement ou ne devrait-il pas s'appuyer davantage sur les collectivités locales ? Évidemment, la pauvreté n'est pas la même en Seine-Saint-Denis et dans les Hauts-de-Seine.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

L'AAH représenterait un coût de 12 milliards d'euros en 2023. Son montant évolue-t-il ? Il manque toujours des places dans les établissements et services d'aide par le travail (ESAT) et dans les entreprises adaptées.

Je souscris aux constats des rapporteurs quant à la situation difficile de certains départements en raison de la charge des allocations de solidarité et de la faiblesse des compensations perçues.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Au-delà du débat autour du chèque alimentaire, on devrait inventer une sécurité sociale alimentaire. Le problème est structurel. L'accès à une quantité de nourriture suffisante est primordial, mais la question du bien manger doit également être posée.

Les rapporteurs spéciaux évoquent l'effort national et européen sur l'aide alimentaire dans le cadre du FSE + et les menaces qui pèsent sur l'approvisionnement des associations. Lors des entretiens de Rungis, plusieurs associations dont les Restos du Coeur et le Secours populaire se sont alarmées d'une baisse de 50 % des dotations européennes. Ce serait catastrophique. Qu'en pensent nos rapporteurs spéciaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Briquet

Merci aux rapporteurs, en particulier pour leur focus sur l'aide alimentaire. Pourquoi sont-ils défavorables au lien entre aide alimentaire et soutien aux filières agricoles ? Certains projets fonctionnent très bien, entre des banques alimentaires et des producteurs locaux, dont certains voient leurs produits refusés par les grandes surfaces. Bien sûr, il ne faut pas créer de conditionnalité, mais ce peut être une démarche gagnant-gagnant, en permettant aux associations d'obtenir de qualité et donner des débouchés à certains petits producteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Quelle est l'évolution globale des dépenses des départements en matière de RSA ? Si la situation de l'emploi s'améliore, ils pourraient dégager des moyens pour d'autres politiques, en réalisant des économies sur le RSA.

Les associations d'aide alimentaire craignent la hausse de leur facture énergétique, alors que le respect de la chaîne du froid est absolument nécessaire. Des crédits sont-ils prévus pour les accompagner sur ce point ?

Tous les départements sont-ils signataires de conventions relatives à la lutte contre la pauvreté ? Aborde-t-on bien les questions de logement en lien avec les questions de pauvreté ou déplore-t-on, comme souvent, un fonctionnement en silo sur ces questions-là ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

En 2020, la prime d'activité a été perçue par 4,5 millions de foyers. Quelque 10,8 millions de personnes ont reçu l'aide exceptionnelle de solidarité ; 38 millions ont reçu la prime d'inflation ; 5,6 millions de personnes fréquentent les associations d'aide alimentaire. Pas moins de 15 % de la population, soit 10 millions de personnes, sont concernées par la pauvreté.

La polémique sur la rémunération du travail pose la question de la répartition de la valeur. Cela a été mis en exergue par M. Pouyanné, président-directeur général de Total, dénonçant les affres subies par sa rémunération, passée de six millions d'euros à trois millions d'euros, pour se rétablir, à nouveau cette année, à six millions d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Quel est le rôle des caisses d'allocations familiales (CAF) dans le versement des différentes aides ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

La « politique des chèques » ne me pose pas de difficulté particulière, du moins à court terme. Elle correspond à un besoin précis à un moment précis, mais elle ne peut répondre, il est vrai, aux enjeux de fond que sont l'emploi, les salaires, etc.

L'action du secteur caritatif est utile, mais elle ne saurait être qu'un complément, et non constituer une politique en tant que telle. Il est bon que la population sache que c'est l'État qui lui vient en aide. La DGFiP a montré qu'elle était capable de payer les chèques relativement vite, alors que ce n'est pas sa vocation initiale.

Je suis plus inquiet en ce qui concerne la prime d'activité. Ce dispositif vise à faire en sorte finalement que la rémunération soit à la hauteur du travail fourni : cela signifie qu'il n'y a plus d'équilibre entre la production fournie par le travail et sa rémunération. Est-il normal qu'un travail qui a une utilité sociale et répond aux besoins d'une clientèle ne soit pas rémunéré à sa juste valeur ? Le déséquilibre semble s'accroître. Cela m'inquiète quant à la manière dont on conçoit le travail et les idées de juste rémunération et d'autonomie.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

Je ne peux que partager vos propos sur la prime d'activité comme symptôme de l'insuffisance de la rémunération par le salaire. Il ne faut pas perdre de vue que, compte tenu de notre niveau de déficit, ce complément de salaire versé par l'État est payé à crédit au détriment des générations futures.

Certes la politique du chèque peut répondre à un besoin ponctuel, mais elle semble s'installer dans la durée depuis plusieurs années. Cela devient problématique.

Nous avons exprimé nos réticences à remplacer le système de l'aide alimentaire existant par un chèque alimentaire : les associations mettent en avant l'accompagnement social qui est lié aux distributions alimentaires ; elles soulignent aussi l'engagement des bénévoles. Certains pays européens ont fait des choix différents avec la distribution de chèques alimentaires, mais nous restons pour notre part attaché à notre modèle français, qui a des vertus de cohésion sociale beaucoup plus fortes., Ce système est aujourd'hui menacé par la hausse du coût de l'énergie, alors que les besoins des associations en la matière sont très importants, notamment au vu de la nécessité de faire fonctionner les chambres froides, par l'inflation sur les denrées alimentaires, et par le phénomène de lots infructueux dans le cadre des appels d'offres de France AgriMer. C'est pourquoi nous plaidons pour davantage de souplesse dans l'utilisation du fonds doté de 60 millions d'euros : nous ne sommes pas opposés par principe à un tel fonds pour de nouvelles solidarités alimentaires, organisées autour des filières et des circuits courts, mais cela passe en pratique par des appels à projets, un fonctionnement bureaucratique, des capacités de traitement locales, etc. Bref cela entraîne des délais ; or l'urgence est que les associations puissent payer leurs factures, acheter des denrées pour compenser les lots infructueux. Nous devons donc faire preuve de pragmatisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Nous sommes d'accord sur ce point. L'annonce de la création d'un fonds de 60 millions d'euros pour les nouvelles solidarités alimentaires est plutôt une bonne nouvelle, mais les associations ont besoin d'une aide urgente. Nous n'avons pas d'opposition de principe au développement des circuits courts entre les associations d'aide alimentaires d'un territoire et les producteurs locaux, mais il faudrait simplifier le dispositif.

Monsieur Bascher, vous avez raison d'être inquiet pour l'évolution de la dotation pour l'aide alimentaire ; avec une inflation de 6 % aujourd'hui, on peut s'attendre à une baisse en termes réels importante, probablement supérieure à 12 % sur 5 ans. On doit s'attendre à des problèmes très rapidement.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

Si une nouvelle politique de chèques en 2023 devait avoir lieu, il faudrait une loi de finances rectificative, car rien n'est prévu dans le PLF actuellement. Madame Lavarde, la comparaison des budgets que nous vous avons présentée a été faite « à périmètre constant » entre la loi de finances initiale pour 2022 et le projet de loi de finances pour2023, et n'inclue donc pas les crédits votés en loi de finances rectificative pour l'aide exceptionnelle de rentrée.

La recentralisation du RSA représente un montant de 1,5 milliard d'euros, mais l'État reprend parallèlement des crédits aux départements en fonction de la moyenne des dépenses des trois années antérieures. La situation des départements pour le RSA est très variable. La recentralisation a surtout été envisagée pour les départements où le reste à charge était trop important : Mayotte, La Réunion ou la Guyane. Une expérimentation a aussi été lancée en Seine-Saint-Denis et dans les Pyrénées-Orientales, qui étaient volontaires. Dans l'ensemble, les dépenses pour le RSA sont plutôt stables, après une période de forte croissance les années passées.

Pour l'aide alimentaire, ce sont surtout les associations qui sont à la manoeuvre, en lien éventuellement avec les centres communaux d'action sociale (CCAS) ; certaines communes s'efforcent de nouer des partenariats intelligents entre leur CCAS et les associations, comme le Secours populaire, les Restos du Coeur, le Secours Catholique, etc., afin de cibler tous les publics.

Pascal Savoldelli a évoqué un risque de baisse des dotations européennes, mais nous n'avons rien entendu de tel. Les associations se plaignent aussi de la croissance des exigences bureaucratiques, car la loi dite « séparatisme » impose désormais aux associations qui reçoivent des dons en nature de les évaluer, ce qui comporte un risque d'erreur, tandis que la charge de travail pour les bénévoles augmente.

La perspective de manquer de denrées est réelle en raison des appels d'offres infructueux de FranceAgriMer. L'organisme s'efforce de passer des marchés pluriannuels, mais l'exercice est rendue périlleux par la situation internationale actuelle, avec des tensions importantes sur certaines denrées. Cela plaide pour du pragmatisme dans l'usage du fonds de 60 millions d'euros, car il n'est pas envisageable que les associations se trouvent à court de denrées. Aucun crédit n'est prévu actuellement pour aider les associations à surmonter la hausse de l'énergie.

Vous avez raison quant au fonctionnement en silo du dispositif de prévention de la pauvreté : oui, il faudrait simplifier, en confiant un rôle central au département, que de multiplier les dispositifs.

Marc Laménie, la mission finance la garantie de ressources des personnes accueillies en ESAT, mais la politique ESAT en elle-même ne relève pas de la mission. La situation des départements en fonction du poids de leurs dépenses sociales est là aussi très hétérogène. On peut s'inquiéter en raison du retournement du marché immobilier, car les recettes des départements en dépendent beaucoup.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Les dépenses d'AAH ont augmenté de près de 30 % entre 2018 et 2023. En réponse à la question de Sébastien Meurant, ce sont bien les CAF qui versent toutes les prestations financées par la mission.

Le montant forfaitaire de la prime d'activité est passé de 563,68 euros à 586,23 euros. La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) estime que la hausse des dépenses sera de 190 millions en 2022, tandis que le coût total des revalorisations, notamment anticipées, atteindrait 660 millions d'euros l'an prochain.

Pour l'AAH, le montant forfaitaire est passé de 919,86 euros à 956,65 euros - les associations répètent que cela demeure inférieur au seuil de pauvreté. Le gain moyen par bénéficiaire est de 30,24 euros par mois. La DGCS évalue le surcoût par rapport aux revalorisations de droit commun à 192 millions cette année, et 186 millions d'euros l'an prochain.

L'impact budgétaire total des revalorisations de l'AAH, de la prime d'activité et du RSA est estimé à 1,6 milliard d'euros en 2023. Il explique en grande partie la hausse des crédits demandés en 2023.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

Nous notons depuis quelques années un effort de sincérisation budgétaire. Les hausses ont été prises en compte dans le budget.

Je rappelle mon avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Je m'en remets pour ma part à la sagesse de la commission et m'abstiendrai à titre personnel.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Nous examinons désormais les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Les années se suivent et se ressemblent : le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » est toujours frappé d'insincérité. Autant le dire d'emblée, je vous proposerai de ne pas l'adopter !

En premier lieu, je regrette d'avoir obtenu de la part du Gouvernement seulement 34 % de réponses à mon questionnaire budgétaire dans le délai prévu par la loi organique relative aux lois de finances. On peut s'interroger sur la manière dont le Gouvernement considère le Parlement : il devient chaque année plus difficile d'obtenir les réponses. Ce n'est pas normal.

Par ailleurs, je regrette que le budget de cette mission soit très parcellaire. Les dépenses de l'État induites par l'immigration ne se limitent pas à la présente mission. Il conviendrait notamment que l'aide médicale d'État (AME) soit incluse dans le budget de la mission. Le coût estimé de la politique française de l'immigration et de l'intégration, indiqué dans le document de politique transversale correspondant, serait de 7,1 milliards d'euros en 2023. C'est la première fois que l'on dépasse 7 milliards d'euros. Et ce montant n'inclut pas toutes les dépenses liées à l'immigration, loin de là.

Plus globalement, il est évident que le nombre des demandeurs d'asile et de réfugiés dépend étroitement du contexte géopolitique. Ainsi, la mission est notamment marquée cette année par l'accueil en France de personnes déplacées du fait du conflit en Ukraine. Il est d'ailleurs difficile d'avoir des chiffres exacts en matière d'immigration, c'est un problème structurel. Le rapport d'information des députés François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo sur l'évaluation de l'action de l'État dans l'exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis montre que le nombre évalué d'immigrés clandestins en Seine-Saint-Denis varie entre 150 000 à 400 000 selon les estimations !

En outre, évidemment, je ne peux que souligner le faible taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) depuis plusieurs années ; il était de 6 % en 2021 et serait de 6,9 % sur la première partie de 2022. Avant la crise sanitaire, ce taux s'élevait à 13 %. On est loin de la promesse du Président de la République de porter ce taux à 100 % ! Selon le député de la majorité Jean-Carles Grelier, il y aurait 700 000 personnes sous OQTF dans notre pays. Il ne sert à rien de voter des lois si elles ne sont pas appliquées ! En matière migratoire, la volonté d'appliquer les lois n'est clairement pas au rendez-vous. Il en va de même des moyens puisque la lutte contre l'immigration irrégulière ne représente que 8,4 % du budget de la mission.

La situation s'aggrave de jour en jour. En particulier du point de vue de l'asile qui est, hélas, devenu l'une des principales filières d'immigration clandestine. Ainsi, à Mayotte, les demandes d'asile ont augmenté de 64,3 % entre 2020 et 2021. Mayotte et la Guyane concentraient 87 % des demandes d'asile outre-mer en 2021. Globalement, les demandes d'asile ont augmenté de 7 % entre 2020 et 2021 et le ministère estime à 135 000 les demandes qui seront déposées en 2023. Mais il est très vraisemblable que ce chiffre soit nettement sous-estimé tant la pression migratoire reste élevée.

Plus étrange encore, les dépenses de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) devraient baisser de 36 % en 2023. On voit mal comment cette baisse pourrait correspondre à la situation de l'asile l'année prochaine. Cela supposerait notamment que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) parvienne à diviser par deux ses délais de traitement en un an, sans que ceux de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) n'augmentent, et que la hausse du nombre de demandeurs d'asile soit limitée - des conditions qui me semblent singulièrement peu réalistes.

Un effort a été réalisé, depuis plusieurs années, sur notre dispositif d'accueil pour créer des places d'accueil, reflet de la volonté du Président de la République de répartir les migrants en province. Fin 2023, notre dispositif national d'accueil et d'hébergement comptera près de 109 000 places selon le Gouvernement, s'agissant des demandeurs d'asile. Près de 6 000 places d'hébergement supplémentaires seront créées au total en 2023, dont 2 500 en centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada) - soit 300 dans la région Auvergne Rhône-Alpes, 110 en Bourgogne-Franche-Comté, 190 en Bretagne, 210 dans le Centre-Val-de-Loire, 280 dans le Grand Est, 100 dans les Hauts-de-France, 200 seulement en Ile-de-France, 150 en Normandie, 230 en Nouvelle-Aquitaine, 350 en Occitanie, 150 dans les Pays-de-la-Loire, et 230 en Provence-Alpes-Côte d'Azur - 1 500 en centres d'accueil et d'examen des situations (CAES) et 900 en hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA), toutes en outre-mer. S'agissant des éloignements, 90 places sont créées au centre de rétention administrative (CRA) d'Olivet et 12 dans celui de Perpignan. Enfin, 1 000 places sont créées en centres provisoires d'hébergement (CPH), destinés aux bénéficiaires de la protection internationale les plus vulnérables.

Finalement, les crédits de cette mission sont dans la lignée des années précédentes. Il semble difficile d'estimer que l'État traite ces questions par le bon bout.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je note une certaine schizophrénie : on veut accueillir les réfugiés, mais on ne sait pas où les mettre, et lorsque ceux-ci s'installent dans des tentes sous les ponts, on fait semblant de regarder ailleurs... Il faudrait organiser une table ronde sur l'immigration avec tous les acteurs pour prendre des mesures, afin que si l'on décide d'accueillir des migrants, on les accueille de manière digne.

On compte 700 000 personnes ayant fait l'objet d'une OQTF dans notre pays : comme les OQTF deviennent caduques au bout d'un an, cela signifie que 700 000 personnes qui auraient dû partir sont restées. C'est la preuve de l'échec de notre système.

Le Gouvernement promet un texte sur l'immigration et l'asile. Mais je ne comprends pas comment le coût de l'ADA pourrait baisser alors que le Gouvernement prévoit 6 000 places d'hébergement de plus... Je crains que le Gouvernement ne demande une remise à niveau des coûts de l'ADA dans un prochain PLFR. La CNDA veut territorialiser ses instances, car elle n'arrive pas à traiter les dossiers. J'ai du mal à imaginer dans ces conditions que les délais de traitement de l'Ofpra baissent de moitié.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

Le Gouvernement invoque la baisse des délais d'instruction pour justifier la baisse des crédits de l'ADA. On peut être sceptique. Notre commission d'enquête sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques s'était justement intéressée à une mission d'un de ces cabinets auprès de l'Ofpra, pour réfléchir aux moyens de réduire le délai d'instruction. Cette mission, qui semble d'ailleurs s'être mal passée avec les agents de l'Office, aurait-elle eu un résultat miraculeux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Cette mission budgétaire est très politique et peut être source de polémiques. Sans vouloir faire de la question des OQTF le point central, force est de reconnaître que l'on est loin des engagements du Président de la République dans Valeurs actuelles en 2019 qui promettait un taux d'exécution des OQTF de 100 %. Le problème, ce sont les engagements démagogiques !

Je partage votre scepticisme sur la sincérité du budget, notamment de l'ADA.

Notre rapporteur spécial fait un lien entre l'AME et l'immigration ; or il me paraît pertinent qu'elle figure dans la mission « Santé ». Il faut aussi évoquer l'hébergement d'urgence : beaucoup des personnes hébergées à ce titre sont en situation irrégulière, souvent non expulsables ; notre dispositif est engorgé. Si le Gouvernement entend réduire les délais d'instruction de l'Ofpra, il faut s'attendre à une hausse du nombre de déboutés du droit d'asile qui se tourneront davantage vers l'hébergement d'urgence ; or le budget de ce dernier est en chute libre... Bref quelque chose ne tourne pas rond et le budget n'est pas réaliste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

Je rejoins Roger Karoutchi : il serait bon de se mettre autour d'une table pour trouver des solutions et sortir des « y a qu'à » et des « faut qu'on » !

La situation géopolitique va rester tendue et le flux des réfugiés ne baissera pas. On aura beau construire des barbelés, les gens poussés par la misère ou la guerre viendront.

S'agissant des OQTF, j'ai l'impression qu'il en va un peu comme de la surveillance de nos eaux territoriales à La Réunion qui ne sont survolées par un avion de surveillance que périodiquement : on fait semblant d'agir !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Arnaud

Dans nos circonscriptions, nous sommes régulièrement confrontés à des situations de personnes faisant l'objet d'une OQTF, alors qu'elles sont bien insérées dans la société, travaillent et ont parfois construit une famille. Elles sont pourtant dans l'impossibilité de travailler légalement. Elles font un recours devant le juge ; au bout d'un an, l'OQTF tombe. Une nouvelle OQTF est prononcée, s'ensuit un nouveau recours, etc. Finalement, ces personnes deviennent des zombies dans la société alors qu'elles pourraient être parfaitement insérées. Pour les préfectures, prononcer des OQTF est une solution de facilité, faute de solutions d'accompagnement par les réseaux associatifs ou de l'État. De quels moyens les services déconcentrés de l'État devraient-ils disposer pour pouvoir traiter les dossiers de manière fluide et offrir des solutions adaptées et humaines ?

Il est difficile d'avoir un débat apaisé sur ces questions, de dépasser les oppositions entre ceux qui ont une vision humaniste et ceux qui ont une vision moins tolérante : notre commission pourrait-elle organiser une réflexion sur ces questions ? Nous pourrions ainsi faire notre travail d'évaluation et de contrôle, sur la base de chiffres objectifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Breuiller

Je m'associe à ces propos.

Les demandes d'asile continueront à augmenter, car parfois les gens n'ont d'autre choix que de migrer pour sauver leur vie. Le réchauffement climatique ne fait qu'aggraver la situation. Je rappelle que le flux principal des migrations concerne l'Afrique, et non notre pays. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'un sujet politique majeur que nous devons être capables de traiter.

Certaines personnes ayant reçu une OQTF sont pourtant bien intégrées. La presse se fait parfois l'écho de ces histoires, du cas d'un boulanger qui défend son employé, etc. Je me soutiens notamment de l'affaire des « 1000 de Cachan », ces sans-papiers qui occupaient un Crous à Cachan : tous travaillaient, évidemment en dehors de tout cadre légal. Ce sujet mériterait que nous débattions sereinement.

On joue à la patate chaude : on dépense des sommes folles pour évacuer des bidonvilles, tout en espérant que les gens ne reviennent pas et aillent dans la commune voisine... Trouver des solutions d'intégration coûterait moins cher, on l'a constaté dans le Val-de-Marne. Quelles seront les conséquences de la baisse du nombre de places d'hébergement ? Je plaide aussi pour l'organisation d'une table ronde : si les OQTF ne sont pas appliquées, ce n'est pas parce que ce gouvernement est incapable, la situation n'était guère différente avant.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Sur la baisse de l'ADA, nous verrons bien si McKinsey a bien fait son travail ! Mais j'en doute : une telle réduction des délais d'instruction de l'Ofpra dans les mois qui viennent semble bien improbable.

Le taux d'exécution des OQTF était de 22 % sous Nicolas Sarkozy. Il était de plus de 50 % en Allemagne avant la crise du covid. La moyenne en Europe est de 33 %. Il y a donc une spécificité française.

Je ne suis animé par nulle démagogie. Je souhaite depuis longtemps la création d'une mission d'information au Sénat pour chiffrer le coût de l'immigration, depuis l'aide au développement jusqu'à la prise en charge sur notre territoire. Cela permettrait de sortir des polémiques. Il ya plusieurs moyens de raccompagner une personne ; un retour forcé coûte très cher. Beaucoup reviennent aussitôt. Dans les Hautes-Alpes, l'État a dû voler au secours du département, dont les structures de l'aide sociale à l'enfance étaient déjà saturées, et qui a dû accueillir du jour au lendemain un flot de 1 250 personnes qui avaient passée le col de Montgenèvre. Il y a des trafics d'être humains.

Nous devrions examiner les faits sereinement. Ce n'est pas une question de droite ou de gauche : Didier Leschi explique bien dans Ce grand dérangement ; L'immigration en face pourquoi nous sommes les plus mauvais en Europe et comment nos procédures sont détournées. Les juges ont parfois un sentiment d'inutilité. Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) est devenu un pavé massif qui s'est construit pas strates, sans rationalité. La moitié des recours en droit administratif concernent le droit des étrangers.

Évidemment, cela ne date pas d'hier, mais la tendance s'aggrave. Nul ne peut croire que le coût de l'ADA va baisser vu le contexte international. En ce qui concerne les OQTF, je ne reviendrai pas sur une affaire récente liée à un tragique événement.

On crée des places d'accueil supplémentaires, mais j'aimerais disposer d'une vision consolidée des chiffres entre les différentes missions. Nous devons y voir clair si l'on veut parvenir à maîtriser nos dépenses publiques tout en parvenant à traiter les gens humainement. On fabrique des sans-papiers à la chaîne. Il est très difficile d'obtenir un rendez-vous pour obtenir un titre de séjour. M. Karoutchi a parlé de schizophrénie, il a raison. Le livre de Stephen Smith La ruée vers l'Europe décrit une réalité. Il est temps de s'emparer sereinement de ce sujet sensible, car des personnes perdent la vie en traversant la mer. Il s'agit souvent de personnes prises dans des trafics d'êtres humains. La moitié des interventions de secours en mer sont ainsi liées à des secours aux migrants. Je déplore que la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (Lopmi) ne comprenne pratiquement rien sur l'immigration, l'asile ou l'intégration. Or ces sujets sont liés ! Souvenons-nous aussi des attentats de 2015, ou de Nice en 2016.

La guerre est à nos portes. Évidemment, cela aura des incidences sur ce budget. Dans ces conditions, celui-ci semble bien insincère. Je déplore enfin l'absence de contrôle parlementaire sur ces questions stratégiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Monsieur Arnaud, la question de l'immigration, de l'asile et de l'intégration est complexe et politiquement sensible ; elle ne peut se traiter uniquement à travers le prisme financier. Je ferai part de votre demande au président de la commission des Lois. S'il est facile de pointer du doigt les difficultés, il est plus compliqué d'avoir un discours construit et de faire des propositions sur ces sujets.