rapporteure pour avis des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». - À la suite de deux rapports dont j'étais co-rapporteure, je vous parlerai de la réforme de la police sanitaire unique et du soutien aux agriculteurs en difficulté, en particulier au monde de l'élevage.
On ne peut que se réjouir de la mise en place progressive, d'ici au 1er janvier 2024, de la police sanitaire unique, qui était une demande ancienne de notre commission. Dans plusieurs rapports, je pense à celui de Laurent Duplomb sur le sésame à l'oxyde d'éthylène ou, plus récemment, à notre rapport transpartisan sur l'information du consommateur avec Fabien Gay et Florence Blatrix Contat, notre commission a appelé à clarifier la répartition des compétences entre Direction générale de l'alimentation (DGAL) et Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF). Voilà qui sera chose faite, et votre ministère obtient pour exercer ses nouvelles missions la création de 90 ETP ainsi que le transfert de 60 ETP de la DGCCRF.
Seulement cette réforme n'épuise pas la problématique de la sécurité sanitaire des aliments, comme l'ont rappelé les drames, heureusement rares et isolés, de cette année : Buitoni, Kinder...
La DGCCRF disposait de 100 ETP de plus pour effectuer les mêmes missions. Une partie non négligeable des contrôles sera déléguée par la DGAL à des prestataires privés, ce qui fait craindre une qualité disparate de ces contrôles. Vos services nous disent que cette délégation permettra aux équipes de se concentrer sur des activités à plus forte valeur ajoutée - mais n'est-ce pas là un aveu que les contrôles ne sont pas encore pleinement pris au sérieux dans notre pays ? Alors qu'un oeil avisé, expérimenté, permettrait bien souvent de détecter ce qu'on ne croyait pas détectable. Pouvez-vous donc nous rassurer sur le fait que cette délégation, dont on comprend qu'elle est faite pour des raisons budgétaires, ne signifiera pas « perte de compétences » ?
Par ailleurs, nous nous inquiétons que la pression du contrôle ne soit pas exercée au bon endroit, à cause d'un mauvais diagnostic. Un peu à la manière de la Toinette de Molière, qui, grimée en médecin, s'obstine à voir dans le poumon l'unique cause des tourments d'Argan, Le Malade imaginaire (« Le poumon, le poumon, vous dis-je. »), nous continuons de voir chez nos producteurs, nos transformateurs, nos distributeurs et nos restaurateurs des coupables, alors que le maillon faible de la protection des consommateurs, c'est le contrôle des denrées importées. Nous voudrions donc que les effectifs que vous souhaitez déployer dans les départements soient un peu plus à Rungis à contrôler nos importations que sur le dos de nos professionnels. Or, les compétences restent éclatées entre les douanes et vos services, et il me semble que cela ne peut que nuire à l'efficience des contrôles. Comment, donc, comptez-vous renforcer la coordination entre les douanes et vos services ? Va-t-on réussir un jour à muscler pour de bon, avec une police aux frontières digne de ce nom, les contrôles des importations, en coopération avec nos voisins européens ? Les coupures possibles d'électricité inquiètent ; lors du salon de l'alimentation, vous avez dit que les secteurs agricoles seraient prioritaires. Il faut protéger les filières de produits périssables, vous évoquez des crédits, mais des instructions ont-elles été données aux préfets pour assurer qu'aucune coupure n'aurait lieu ?
Mon deuxième motif d'inquiétude est celui des agriculteurs en situation de détresse. Une feuille de route a été publiée en novembre 2021, nourrie notamment par le rapport que nous avions rendu avec Henri Cabanel. Un an après, en raison du caractère transversal des mesures, nous manquons cruellement de visibilité sur les traductions budgétaires de cette feuille de route, passées l'an dernier de 30 à 42 millions d'euros, éclatés en diverses actions, programmes et même missions. Il ne faudrait pas que ce soit « un coup de com' et puis s'en va ». Où en est-on de la mise en oeuvre de cette feuille de route ? Les crédits de paiement de l'aide à la relance des exploitations agricoles, qui avait été doublée l'an dernier, sont en perte de vitesse (5,2 contre 7,1 millions d'euros). Je remarque avec satisfaction que la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a effectué un focus thématique sur le service de remplacement, faisant siennes des recommandations que nous avions formulées avec Henri Cabanel pour le rendre plus attractif pour les exploitants. Nous sommes favorables à l'augmentation de l'incitation, via le crédit d'impôt. Mais en complément de cette intervention fiscale, quels autres outils voyez-vous pour en augmenter l'attractivité, tant du côté des agriculteurs que du côté des agents remplaçants ?
En somme, pouvez-vous nous donner une vision d'ensemble sur cette feuille de route, et nous rassurer sur le fait que son ambition est maintenue ? La mobilisation est-elle bien générale au sein des services de l'État ? Je pense à l'OFB, dont les contrôles stressent tellement nos agriculteurs qu'ils en arrivent, comme cela a été malheureusement le cas récemment, à commettre le pire ? C'est crucial pour notre agriculture et en particulier pour notre élevage, qui a beaucoup souffert ces derniers temps.
J'ajoute à propos de l'élevage, que sur l'aspect vétérinaire, nous nous étions félicités l'an dernier que les stages tutorés bénéficient d'un financement satisfaisant. On constate cette année une baisse de près d'un quart des crédits de paiement, pour un dispositif pourtant de bon sens et peu coûteux, permettant de lutter contre les déserts vétérinaires. Comment justifiez-vous cette baisse ?
Et enfin, je ne peux pas conclure sans dire un mot de la dramatique crise de l'influenza aviaire, qui a coûté plus d'1 milliard d'euros à l'État sur la saison 2021-2022, répartis en 300 millions d'euros d'aides sanitaires et en 800 millions d'aides économiques. Rapportée à ce milliard, la ligne budgétaire d'un million d'euros relative à la vaccination me semble bien peu abondée. Je comprends que les verrous au développement de la vaccination ne sont pas uniquement budgétaires, mais administratifs, mais n'y aurait-il pas moyen de donner un coup de pouce budgétaire à cet outil indispensable de prévention ?