Plus encore, le Gouvernement légifère dans la précipitation, le Sénat ayant été informé mi-décembre de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires et de la tenue de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables ce mois-ci.
Autre difficulté, le Gouvernement omet les consultations en cours, la Commission nationale du débat public ayant été chargée du débat portant sur l’évolution du mix énergétique et sur le programme du nouveau nucléaire, dont le site de Penly.
Enfin, le Gouvernement se focalise sur la simplification, éludant les questions cruciales de la révision de la planification énergétique, de la décision de construction des réacteurs, ainsi que des moyens financiers et humains nécessaires, avec en filigrane le devenir de la régulation du nucléaire et du groupe EDF.
Surtout, ce texte ne doit pas faire oublier la responsabilité du Gouvernement dans le déclin de la filière du nucléaire. Jusqu’en 2022 et le tournant du discours de Belfort, il a appliqué une politique d’attrition du nucléaire existant et d’indécision s’agissant du nouveau nucléaire. Or, pour notre commission, il faut renverser la tendance ; il faut non pas se limiter aux annonces du discours de Belfort, mais construire davantage d’EPR 2.
Dans ce contexte, j’ai fait adopter une quarantaine d’amendements en commission, afin de compléter le texte selon quatre axes majeurs.
Le premier axe vise à en combler les angles morts. À cette fin, j’ai proposé d’allonger à vingt ans la durée des mesures de simplification et d’y intégrer, aux côtés des EPR 2, les projets de SMR et d’hydrogène.
J’ai également voulu clarifier la notion de « proximité immédiate », selon les préconisations de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF).
J’ai aussi prévu que l’État rende compte au Parlement de la mise en œuvre des mesures et des chantiers, afin que celui-ci soit informé sans omission des éventuels dépassements de délais et de coûts. L’État devra nous indiquer les sites retenus par EDF. Une clause de rendez-vous permettra d’inclure de nouveaux sites et de nouvelles technologies.
De plus, j’ai proposé de réviser la planification énergétique, en levant les verrous issus de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015. Il faut abroger l’objectif de réduction à 50 % de l’énergie nucléaire d’ici à 2035 et le plafonnement a priori à 63, 2 gigawatts des autorisations d’exploitation.
Il faut aussi procéder à une révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), afin d’en retirer la trajectoire de fermeture des douze réacteurs, qui existe toujours alors que nous légiférons sur un projet de loi d’urgence. Il faut enfin prévoir que la loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat, attendue d’ici à juillet prochain, acte la construction des nouveaux EPR 2 et SMR d’ici à 2050 et précise les moyens financiers et humains requis.
Le deuxième axe vise à garantir la sûreté et la sécurité. Dans cette perspective, j’ai proposé d’intégrer la résilience au changement climatique dans la démonstration de sûreté des réacteurs, au stade tant de leur autorisation que de leur réexamen, ainsi que la cyberrésilience à la protection des réacteurs contre les actes de malveillance.
J’ai aussi voulu conditionner l’octroi des concessions d’utilisation du domaine public maritime à la prise en compte des risques de submersion, d’inondation et de recul du trait de côte.
Par ailleurs, j’ai entendu maintenir le rapport quinquennal sur la sûreté, encadrer le recours à la simple déclaration préalable dans le cadre du réexamen des réacteurs et clarifier les délais de la procédure de mise à l’arrêt définitif.
Enfin, j’ai voulu moderniser le fonctionnement de l’Autorité de sûreté nucléaire, en renforçant les attributions de sa commission des sanctions et en actualisant les règles, les évaluations, les prescriptions ou les infractions applicables.
Le troisième axe vise à associer les collectivités territoriales et le public. Pour ce faire, j’ai souhaité garantir que les réacteurs ne puissent être qualifiés d’intérêt général qu’après la tenue du débat public. J’ai aussi voulu que les collectivités puissent amorcer un dialogue avec l’État s’agissant de la modification de leurs documents d’urbanisme.
J’ai également proposé d’exclure les réacteurs du décompte « zéro artificialisation nette » (ZAN), car il s’agit d’un projet d’ampleur nationale. Un autre enjeu a été de garantir la perception par les collectivités de la taxe d’aménagement.
Le quatrième et dernier axe vise à renforcer la sécurité juridique des procédures.
Tout d’abord, j’ai proposé que les travaux pouvant être anticipés le soient, aux frais et aux risques de l’exploitant et après information du public. J’ai également voulu qu’un décret détermine ces travaux après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). J’ai aussi garanti le contenu de l’étude d’impact, les modalités de l’enquête publique ou encore les consultations de l’ASN.
De plus, j’ai suggéré que la dérogation à la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite Littoral, soit attribuée au cas par cas s’agissant des ouvrages de raccordement, dans la continuité des travaux du Sénat menés à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
Par ailleurs, j’ai proposé de réduire à six ans le délai de la procédure d’expropriation, d’en exclure les ouvrages de raccordement et les équipements de fonctionnement, ainsi que de prévoir des garanties, notamment de relogement des habitants ou d’indemnisation des professionnels.
Enfin, j’ai ajouté deux procédures manquantes : une procédure de régularisation de l’instance, pour les litiges liés aux nouveaux réacteurs, et une dispense de permis de construire, pour les travaux d’adaptation des réacteurs existants.