Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a rappelé Jean-François Rapin à l’instant, Frontex se trouve aujourd’hui à un moment critique de son histoire.
Son action est remise en cause de toutes parts, alors qu’elle n’a jamais été aussi capitale. Le retour de flux d’immigration irrégulière importants, la tentative d’instrumentalisation de ces flux par la Biélorussie à l’automne 2021 ou le déclenchement de la guerre en Ukraine, voilà un an, sont autant d’exemples démontrant la nécessité d’une agence en pleine possession de ses capacités.
Dans ce contexte, il nous incombe, en tant que parlementaires nationaux, de faire entendre notre voix pour soutenir Frontex. Il est plus que temps que l’Agence surmonte cette période de turbulences pour se consacrer pleinement et exclusivement à sa mission de gestion des frontières.
Jean-François Rapin et moi avons tenu à ce que la proposition de résolution européenne débute par l’expression d’un soutien clair et sans ambiguïté à cette agence. C’est là le cœur de notre démarche.
L’espace Schengen est l’un des acquis les plus précieux de la construction européenne, mais la fin des frontières intérieures n’a de sens que dans la mesure où nous maîtrisons collectivement nos frontières extérieures. L’action de Frontex est à cet égard absolument décisive. Je rappelle que l’Agence déploie actuellement plus de 2 150 hommes et femmes sur le terrain ainsi que dix avions et vingt-deux bateaux en appui des États membres.
Les échanges que j’ai pu avoir dans le cadre d’une délégation de la commission des lois avec la direction de Frontex à Varsovie, en avril 2022, n’ont fait que renforcer ma conviction que l’élargissement du mandat de l’Agence va dans le bon sens et qu’il faut la soutenir dans sa mise en œuvre.
Au travers de notre proposition de résolution, nous saluons le choix fait par le législateur européen en 2019 de transformer Frontex en une véritable entité opérationnelle, dotée d’une capacité de projection autonome. La multiplication de son budget par dix en dix ans et la création d’un contingent permanent de garde-frontières sont des avancées majeures.
Pour autant, notre soutien n’est pas sans conditions, notamment pour ce qui est du respect des droits fondamentaux. Aucune concession ne pourra être faite sur ce point. D’aucuns voudraient opposer contrôle des frontières et respect des droits fondamentaux, mais cela n’a bien évidemment pas de sens, tant les deux vont de pair.
Notre soutien à Frontex ne peut se résumer à des paroles. C’est pourquoi notre texte comporte des recommandations concrètes pour accompagner l’Agence vers la sortie de crise.
À cet égard, il nous paraît d’abord indispensable de mettre en place un vrai pilotage politique de Frontex. Le nouveau directeur exécutif, récemment nommé, doit pouvoir suivre des lignes directrices fortes et claires pour conduire son action. C’est la raison pour laquelle nous proposons que des réunions du Conseil de l’Union européenne soient spécifiquement consacrées à ce pilotage politique.
Les parlements nationaux ont toute leur place dans cette démarche. On ne peut que regretter que le Parlement européen ait décidé, de manière unilatérale, de former un groupe de contrôle de Frontex, et ce alors que le règlement de 2019 prévoit explicitement – j’y insiste – une association des parlements nationaux. La création d’un groupe de contrôle parlementaire conjoint nous paraît la voie à suivre, comme cela a déjà été fait avec succès pour Europol.
Enfin, le dispositif de protection des droits fondamentaux de Frontex est un point crucial. Le constat est sans appel : les procédures en vigueur n’étaient pas suffisamment solides pour prévenir et traiter efficacement les incidents survenus en mer Égée.
Les réformes du dispositif de signalement des incidents et du mécanisme de traitement des plaintes, mises en place par la direction intérimaire, vont dans le bon sens, de même que le recrutement de quarante-six contrôleurs aux droits fondamentaux.
Nous avons toutefois souhaité émettre plusieurs recommandations afin de prévenir l’émergence d’une « guerre des chefs » au sein de l’Agence : citons l’instauration de canaux de dialogue renforcés, l’examen des décisions de l’officier aux droits fondamentaux par le Médiateur européen ou encore l’établissement de critères de recrutement exigeants pour l’officier et les contrôleurs aux droits fondamentaux. Je remercie Arnaud de Belenet, rapporteur de la commission des lois, des précisions utiles qu’il a apportées au texte sur ce dernier point.
Enfin, nous avons souhaité exclure expressément l’hypothèse d’une révision du mandat de Frontex. La priorité est en effet de sortir l’Agence de la crise et de lui accorder le temps nécessaire pour exercer l’intégralité de son mandat.