Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, l’Union européenne est constituée d’un espace de liberté, de sécurité et de justice : l’espace Schengen.
La liberté de circulation est au cœur du projet de l’Union européenne. Le rôle de l’agence Frontex, créée en 2004, est de veiller à ce que nos frontières extérieures remplissent pleinement leurs fonctions.
La France est convaincue de la pertinence d’un engagement de Frontex. Dès lors qu’un État membre est confronté à des difficultés à ses frontières extérieures, qui sont aussi celles de l’Union européenne, une réponse européenne se justifie.
La crise migratoire et de l’asile à laquelle a été confrontée l’Union européenne en 2015 a entraîné une importante réforme de l’agence Frontex, conduisant à l’élargissement de ses missions et au renforcement de ses moyens.
Une première extension de son mandat l’a confortée en tant que bras opérationnel de l’Union européenne, acteur de premier plan de la politique migratoire européenne.
Toutefois, depuis 2015, les flux n’ont cessé d’augmenter, comme en témoignent les derniers chiffres publiés. Le nombre d’entrées irrégulières dans l’Union européenne a progressé de 64 % en 2022 par rapport à l’année précédente, atteignant le niveau le plus élevé depuis 2016, soit 330 000 entrées irrégulières enregistrées, dont 45 % sur la route des Balkans.
Face à ces flux, l’Agence a dû procéder, non sans difficultés, à de profondes transformations dans des délais restreints et construire notamment des capacités opérationnelles autonomes, comme l’a souligné, lors de son audition au Sénat, l’ancienne directrice par intérim de l’Agence.
En effet, dans un contexte international crispé, marqué par la pandémie de covid-19, l’instrumentalisation des flux migratoires par la Biélorussie en novembre 2021 et le déclenchement du conflit en Ukraine en février 2022, Frontex a été soumise à rude épreuve et a traversé une véritable crise de croissance.
Depuis, ses capacités opérationnelles ont été décuplées, avec une montée en puissance rapide et massive des moyens matériels, notamment grâce à un budget de 845 millions d’euros en 2023.
Dans le même temps, et comme l’ont souligné François-Noël Buffet et Jean-François Rapin, que je remercie de la qualité de leurs travaux, Frontex a fait l’objet de nombreuses accusations concernant le respect des droits de l’homme, les refoulements aux frontières, la mauvaise gestion interne ou encore les conflits personnels en son sein. Une crise de confiance qui a ébranlé sa réputation de sérieux auprès des institutions européennes et des États membres.
Au regard de ces crises de croissance et de confiance, la Commission européenne envisage de réviser le règlement européen définissant le mandat de Frontex. Nous ne le souhaitons pas, tout du moins pas dans l’immédiat : dans la mesure où l’Agence n’a pas encore pu absorber les derniers élargissements de son mandat, toute nouvelle révision nous semble prématurée.
Nous soutenons également le triple objectif à la fois politique, diplomatique et juridique de cette proposition de résolution européenne, qui demande un renforcement du pilotage politique de l’Agence, la présence de représentants qualifiés des États membres au sein de son conseil d’administration et une évaluation rigoureuse de l’officier aux droits fondamentaux.
Ce soutien ne revient pas à nous mettre des œillères. Il est essentiel que l’Agence clarifie les choses quant au respect des droits fondamentaux dans le cadre de ses missions. De même, les parlements nationaux doivent être associés au contrôle de Frontex.
À ce titre, la création d’un groupe de contrôle parlementaire conjoint, selon le modèle de celui qui a été mis en place pour surveiller les activités d’Europol, nous semble une piste sérieuse.
Nous émettons toutefois une observation sur le regret exprimé par les auteurs de la proposition de résolution européenne concernant « le choix du Gouvernement français de s’abstenir de désigner un candidat au poste de directeur exécutif ». Nous tenons en effet à souligner que l’influence française est encore présente et porte ses fruits.
La France a soutenu la nomination de notre compatriote Agnès Diallo à la tête de l’Agence de l’Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information (eu-Lisa), après l’intérim de Luca Tagliaretti.
Chers collègues, cette observation faite, nous soutenons pleinement cette proposition de résolution européenne, qui a pour ambition de faire de Frontex une agence tournée vers l’avenir, dotée d’un véritable cap politique, d’une gouvernance plus saine, d’objectifs clairs et, surtout, qui s’inscrit dans le respect des droits fondamentaux.